L'audience du jour ne débutera pas avant 14h30 en raison ce matin d'un débat en chambre du conseil (c'est-à-dire dans les accusés, parties civiles, presse, public) sur la question de l'anonymisation réclamée par les enquêteurs belges qui doivent être entendus la semaine prochaine
Au programme aujourd'hui, la suite des auditions des enquêteurs de la DGSI avec les parcours des trois terroristes du commando du Bataclan, notamment.
L'audience reprend.
A noter qu'à l'issue du débat en chambre du conseil ce matin, la cour a décidé que les enquêteurs belges pourraient être entendus de manière anonyme, par visioconférence, mais à visage découvert (contrairement aux enquêteurs de la DGSI ces jours-ci).
Le premier enquêteur de la DGSI témoigne sous le matricule 209SI. Il explique travailler sur la matière djihadiste depuis 2001.
A l'écran, s'affiche la première page du Power Point qu'il a préparée : "Samy Amimour et Ismaël Mostefai : profils et parcours".
Enquêteur 209SI : "on vous a dit qu'on s'attendait à être frappés, ce qui était vrai. Mais, passée la sidération du #13Novembre on a travaillé beaucoup en action.
Et quand est arrivée l'identité des membres du commandos du Bataclan, est apparu un axe prioritaire."
Enquêteur 209SI : "Samy Amimour était né le 15 octobre 1987 à Paris. Il a deux soeurs. Pour comprendre sa personnalité, on s'est basé sur deux sources d'informations : les garde à vue des membres de sa famille et la documentation (fichiers police, base de donnée DGSI)."
Enquêteur 209SI : "sa soeur aînée nous parle de [Samy Amimour] qui a un intérêt pour la religion dès le collège, via internet. Elle précise que c'est sa seule fenêtre sur le monde. Et pour leurs parents, Internet est surtout un moyen de s'assurer qu'il ne sorte pas trop".
Enquêteur 209SI : "mais sa soeur ne remarque pas de différence et elle continue à parler avec lui de Louis de Funès, de leurs références communes etc. Donc il y a un décalage avec sa radicalisation".
Enquêteur 209SI : "sa soeur cadette qui vivait encore avec lui à la maison décrit plutôt un frère certes réservé, mais aussi impulsif. Elle explique qu'il pouvait traiter leur mère de mécréante.
Il fréquentait les mosquées du Blanc Mesnil et du Bourget".
Enquêteur 209SI : "son père Azzédine Amimour décrit lui aussi un fils introverti, toujours sur Internet et sans interaction avec sa famille.
Il va aller jusqu'à jeter les bouteilles d'alcool à la poubelle et décrocher les décorations de papyrus égyptien."
Enquêteur 209SI : "la mère de Samy Amimour décrit aussi un fils renfermé, fragile, ayant du mal à communiquer. Elle avait le sentiment qu'il pouvait servir de bouc émissaire à l'école, un peu brimé. Ce qui ne l'empêchera pas d'avoir son bac L et de tenter la fac de Droit. "
Enquêteur 209SI : "Samy Amimour, dès septembre 2012, commence à vider progressivement ses comptes courants. Et en août 2013, il confie une procuration à Rachid El Fakir qui fera lui aussi des retraits d'espèce."
Enquêteur 209SI : "en avril 2013, il verse 21 285 euros qui servent à financer l'achat d'un appartement. Il sera revendu 30 000 euros en septembre 2013."
Enquêteur 209SI : "Samy Amimour était impliqué dans une affaire de 2012 de tentative de départ vers une terre de djihad, en Somalie et faisait l'objet dans ce cadre d'un contrôle judiciaire."
Enquêteur 209SI : "en audition, Samy Amimour reconnaît avoir eu pour projet de rejoindre une terre de djihad avec deux amis, il hésitait entre l'Afghanistan ou le Yémen. Mais expliquait avoir renoncé pour éviter de mauvaises retombées sur sa famille."
Enquêteur 209SI : " on découvrait aussi que Samy Amimour était un admirateur d'Oussama Ben Laden, dont il visionnait les vidéos et qu'il aimait parce que selon lui il était le seul a avoir réussi à faire plier l'Amérique."
Enquêteur 209SI : "c'est en constatant que son contrôle judiciaire n'était plus respecté à partir de septembre 2013 qu'on comprenait qu'il avait quitté la France. On apprenait également qu'un certain Ismaël Mostefai était avec lui."
Enquêteur 209SI : "sur zone, Samy Amimour a joué un double rôle. Il a été un combattant de l'Etat islamique, mais aussi un recruteur de l'Etat islamique. Nous avons sa fiche d'enrôlement et un registre sur lequel il est mentionné : décédé comme kamikaze en laissant une veuve".
Enquêteur 209SI : " on va se rendre compte que sa soeur Maya va servir d'intermédiaire pour faire venir des femmes en Syrie. Samy Amimour tentera de faire venir à lui deux jeunes femmes : Kahina et Marion. Kahina partait à l'âge de 17 ans."
Enquêteur 209SI : "On a auditionné une amie de Kahina, grâce à qui on apprenait de Kahina vivait avec Samy Amimour, qu'elle était enceinte. Elle avait montré à son amie une kalachnikov et une ceinture explosive."
L'enquêteur 209SI passe au parcours d'Ismaël Mostefai : il a plusieurs frères et soeurs et est marié à une certaine Kadidja;
Ce qui nous a frappé c'est l'environnement religieux plus dense autour d'Ismaël Omar Mostefai".
Enquêteur 209SI : "on nous parle d'un individu gentil, calme, mais qui sur les questions religieuses pouvait se montrer violent avec ses proches. Mais son père ne voit pas de signe de radicalité. Pour lui, son fils pratique un islam modéré."
Enquêteur 209SI : "mais on est quand même sur une famille qui semble pratiquer un islam rigoriste; Pendant les repas, hommes et femmes étaient par exemple séparés. "
Enquêteur 209SI : "toute la fmaille garde le secret du départ en Syrie d'Ismaël Mosfefai, ne prévient pas la police. Elle va même aider matériellement Khadidja à rejoindre son fils en l'accompagnant à l'aéroport."
Enquêteur 209SI : "un ami évoque un changement de comportement d'Ismaël Mostefai dès 2010 et la fréquentation d'un certain Rachid à Chartres. Son environnement religieux se regroupe autour de deux mosquées."
Enquêteur 209SI : "entre Samy Amimour l'autodidacte à travers internet et Ismaël Mostefaï qui baigne dans un environnement religieux assez fondamentaliste, on a deux parcours assez différents. Ils ne se connaissent pas avant leur départ en Syrie."
Enquêteur 209SI : "Ismaël Mostefai était bien combattant. Et plusieurs éléments laissent à penser qu'il avait une position de chef."
L'enquêteur fait projeter la photo d'une réunion entre djihadistes français sur laquelle Mostefai, est présenté comme le chef des Français."
Enquêteur 209SI : "on a essayé de comprendre pourquoi le trio du Bataclan est constitué. Pourquoi eux et pas d'autres ? La paire Amimour et Mostefai est constituée depuis le début, ils passent le poste frontière ensemble et ne se quitteront plus."
Enquêteur 209SI : "c'est sans doute dans la ville de Shaddadi que Foued Mohamed-Aggad rencontre le duo Amimour-Mostefai. C'est le lieu potentiel d'une réunion où se sont préparés les attentats [du #13Novembre ndlr]. On a la constitution opérationnelle du trio [du Bataclan ndlr]"
L'enquêteur 209SI évoque le "pacte de sang" que constitue une vidéo de propagande sur laquelle Foued Mohamad-Aggad, Ismaël Mostefaï et Samy Amimour apparaissent en train de procéder à des décapitations d'otages.
"Cette vidéo, on a fait le choix de ne pas la diffuser"
Enquêteur 209SI : "le 23 août à 20h39, Foued Mohamed-Aggad adresse un message d'adieu à son frère Karim.
Le trio va rejoindre l'Europe fin août 2015, en utilisant la route migratoire. On suppose un passage en Macédoine. Finalement, on retrouve trace du trio en Hongrie."
Enquêteur 209SI : "On peut situer l'arrivée du trio à Budapest dans la nuit du 9 au 10 septembre.
Le 16 septembre, un individu adresse via Western Union une somme de 1000 euros à Ismaël Mostefai. C'est la dernière trace que l'on a avant le retour en Belgique."
Enquêteur 209SI : " les connaissances religieuses et la capacité à parler arabe semblent avoir positionné Ismaël Mostefai en tant que chef de groupe, ce qu'il restera jusqu'à la fin."
Assesseure : "selon vous la famille de Samy Amimour avait une connaissance de ses activités en Syrie?"
Enquêteur 209SI : "ils savaient qu'il était blessé, que ce n'était pas un accident du travail. Mais une blessure au combat au tibia."
Camille Henetier (AG) revient sur le virement de 3000 euros effectué par la famille de la femme de Samy Amimour juste avant le départ de ce dernier pour l'Europe.
Enquêteur 209SI : "on peut imaginer que c'était de l'argent pour la femme qui allait rester sur zone."
L'enquêteur 209SI revient sur ce qu'il a appelé "le pacte de sang" des futurs membres des commandos du #13Novembre : "quand on est prêt à couper la tête d'un individu désarmé, c'est qu'il n'y a plus de retour en arrière possible, on est prêt à faire tout ce qu'on nous demande".
Me Chemla (PC) s'étonne que Samy Amimour, alors qu'il faisait l'objet d'une surveillance en 2012, s'entraînait au club de tir de la police nationale.
Enquêteur 209SI : "c'était compliqué d'interdire l'accès à un membre sans dévoiler le fait qu'il était sous surveillance".
Il est question de Kahina, jeune femme qui a épousé Samy Amimour en Syrie à 17 ans.
Enquêteur 209SI : "elle était très fière de son mari kamikaze"
Me Chemla : "on a de ses nouvelles?"
- elle serait dans un camp en Syrie.
- ces camps dont on sort moyennant 7000 dollars ..."
Ce moment où Me Kempf (défense), demande à l'enquêteur en visioconférence derrière une vitre opaque, s'il voit les dessinateurs à l'audience (dont @ValPSQR ) : "je me demande comment ils vont vous représenter ...."
L'enquêteur 209SI ironique : "j'ai un très beau profil"
Fin de l'audition du premier enquêteur de la DGSI. L'audience est suspendue avant l'audition suivante.
L'audience reprend avec l'audition du deuxième enquêteur de la DGSI, en l'occurrence une enquêtrice 020SI, "officier de police judiciaire depuis de nombreuses années à la DGSI", qui tient "à exprimer [s]a plus profonde compassion à l'ensemble des victimes".
Petit point vocabulaire en passant.
Alors que les avocats ou magistrats de cette audience ont tendance à parler de la "zone irako-syrienne" rejointe par les djihadistes, les enquêteurs de la DGSI, eux, préfèrent le qualification de "zone syro-irakienne".
Après Samy Amimour et Ismaël Mostefai, l'enquêtrice 020SI évoque dans son audition le parcours de Foued Mohamed-Aggad, troisième membre du commando du Bataclan. " Il est né le 18 septembre 1992 à Strasbourg, issu d'une fratrie de quatre enfants, de nationalité française."
Enquêtrice 020SI : "Foued Mohamed-Aggad est un musulman non-pratiquant jusqu'à l'été 2013 et sa rencontre avec Mourad Farès".
Sa femme "décrit un changement d'attitude : il devient de plus en plus haineux, violent avec elle".
Enquêtrice 020SI : "Foued Mohamed-Aggad va devenir de plus en plus intransigeant.
Mourad Fares a participé activement à la radicalisation de Foued Mohamed-Aggad et de l'ensemble du groupe de Strasbourg."
L'enquêtrice 020SI fait projeter à l'audience la fiche d'enrôlement de Foued Mohamed-Aggad dans l'Etat islamique. Outre sa date de naissance, nom, sa date d'arrivée "qui correspond dans notre calendrier au 19 décembre 2013", "il est enregistré comme combattant".
Enquêtrice 020SI : "Foued Mohamed-Aggad envoie beaucoup de photos à ses proches en France. Donc on a énormément de photos de lui en armes.
Il envoie aussi un message à l'un de ses proches qui dit : "bientôt, vous allez connaître l'invraisemblable".
L'enquêtrice 020SI évoque aussi le message d'un proche de Foued Mohamed-Aggad selon lequel celui-ci "veut faire dogma. C'est-à-dire qu'il souhaite commettre un attentat suicide".
Enquêtrice 020SI : "ça marche puisqu'en avril 2014 la jeune fille le rejoint en Syrie."
Plus tôt dans sa présentation, l'enquêtrice nous a précisé qu'une fille était née de leur union. Et que la jeune femme comme l'enfant étaient présumées mortes depuis.
Enquêtrice 020SI : "en 2015, Foued Mohamed-Aggad n'est plus un simple combattant de l'Etat islamique. En août 2014, il est nommé émir d'un groupe de 300 combattants.
Il discute avec sa mère et dit que s'il rentre en France "ce sera pour faire un sale truc"."
Enquêteur 020SI : "Foued Mohamed-Aggad a fréquenté des groupes d'élites et opérationnels.
Avant de quitter la zone syro-irakienne, les membres des commandos vont tourner des vidéos testamentaires. Foued y tient les propos : "on fera couler le sang". Il égorge ensuite sa victime"
L'enquêteur 020SI explique que Foued Mohamed-Aggad évoque la perspective d'une opération suivie avec son frère Karim, incarcéré en France. "Karim lui demande si l'opération a lieu en Syrie ou en Irak. Foued Mohamed-Aggad lui répond :"ou pas"."
Enquêteur 020SI : "Foued Mohamed-Aggad a toujours tenu sa famille au courant et n'a jamais caché son dessein qui était de mourir en kamikaze."
Sur le cloisonnement des informations, l'enquêtrice 020SI : "vue l'ampleur du projet, ceux qui ont organisé cette opération ont du prendre le maximum de précaution. Sinon, le risque de fuite est énorme. Donc on a dit aux commandos : "vous ne donnez plus de nouvelles à personne"."
L'enquêtrice 020SI s'apprête à aborder maintenant la deuxième partie de son témoignage, consacrée aux frères Clain.
"Vous avez évalué à combien de temps votre présentation"? s'enquiert le président.
"Je pense une bonne heure de présentation ..."
Flottement dans la salle.
Le président se plonge dans le planning. "On peut peut-être envisager de reporter ...." tente le président au vue de l'heure tardive.
La deuxième partie du témoignage de l'enquêtrice est reporté à mercredi 24 novembre. Fin donc de l'audience pour aujourd'hui.
"Bah je vois que tout le monde s'en va", plaisante le président devant la levée massive des robes noires.
"L'audience est suspendue, elle reprendra mardi à 12h30".
Rappelons au passage qu'il n'y a plus d'audience les lundis désormais.
Au programme aujourd'hui : les auditions du ministre de l'Intérieur et du procureur de la République de Paris de l'époque : Bernard Cazeneuve et François Molins.
L'audience reprend pour aujourd'hui. Quelques points de procédure avec le versement de différentes pièces aux débats, de nouvelles constitutions de parties civiles également.
Cette 10e semaine ne comptera que deux jours d'audience. En raison du 11 novembre, mais aussi de la proximité de la date de commémoration des attentats du #13Novembre
Demain, la journée sera consacrée aux auditions de François Hollande et de Gilles Képel.
Aujourd'hui, il sera question du contexte syrien avec les auditions de deux enquêteurs de la DGSI.
L'audience a repris. Une avocate de parties civiles indique que nombre de ses clients se sont sentis frustrés de n'avoir pas pu entendre la diffusion de l'enregistrement du Bataclan hier.
"On voudrais savoir si on pourrait rejouer l'enregistrement en fixant un rendez-vous".
Les premiers à venir à la barre sont les proches de Lola O., plus jeune victime décédée dans ces attentats. Elle avait 17 ans.
Sa tante est la première à témoigner : "Lola était la fille unique de ma soeur. Elle était ma première nièce. J'avais 20 ans."
L'audience reprend avec les premiers témoignages du jour, ceux de la famille de Cécile Misse, assassinée au Bataclan à l'âge de 32 ans avec son compagnon Luis Zschoche.