Il y a un vrai sujet derrière les pépites dénichées par @FrancoisGeerolf à propos des projets financés par #FranceRelance.
Le sujet c'est la manière dont l’État organise ses interventions économiques en régime néolibéral.
Petit #thread sur cette grande question. C'est parti! ⤵️
Et pour commencer rappelons que le néolibéralisme ce n'est pas l'ultra-libéralisme, ce n'est pas moins, d’État et moins de bureaucratie. C'est L’État au service du marché et de la concurrence.
Dans un régime non néolibéral (la France des années 1950-1960 par exemple) l’État est planificateur. Il intervient directement dans l'économie grâce aux nombreux leviers dont il dispose (prix administrés, entreprises publiques en monopole, subventions ou production directe.)
La gestion néolibérale qui commence en France dès les années 1970 change cette logique. Plutôt que des interventions discrétionnaires dans le système productif (accusée de déstabiliser les marchés) il faut susciter la concurrence en finançant les projets des "opérateurs".
Concrètement, cela revient à mettre en œuvre des appels à projet avec un cahiers des charges précis, ouvert à un ensemble d'acteur. Chaque entreprise, collectivité publique, administration... répond à l'appel à projet pour récolter des fonds et mener à bien son action.
Cette pratique des appels projets à l'avantage de susciter une offre concurrentielle fondée sur la participation volontaire d'une multitudes d'acteurs. Au lieu de gérer lui-même la production, l’État évalue les projets et le respect des cahiers des charges en amont et en aval.
Autrement dit, au lieu d'intervenir directement, l’État finance (en général partiellement) et valide chaque projet. Il vérifie ensuite que la nature du projet correspond bien aux promesses de l'opérateur.
On passe d'une intervention directe à une intervention déléguée.
Le problème est que ces appels à projet créent énormément de bureaucratie, sont lourds à gérer pour toutes les parties et s'avèrent plus coûteux que des interventions directes.
Le néolibéralisme engendre de la bureaucratie et des dépenses publiques supplémentaires.
Les étapes:⤵️
1/ L’État doit concevoir et rédiger l'appel à projet et le cahier des charges précis. Pour cela, il collabore fréquemment avec des sociétés de conseil aux tarif exorbitants.
2/ Les opérateurs (entreprises, administrations, collectivités...) doivent répondre à l'appel d'offre. Ils rédigent un projet, établissent un budget prévisionnel, justifient sa cohérence avec le cahier des charges. Ils se font évidemment aider par les mêmes sociétés de conseil.
3/ L’État collecte les projets et les sélectionne. Comme il y en a des centaines et des milliers et que les projets sont des dossiers extrêmement longs à lire, ce sont bien souvent ces mêmes sociétés de conseils qui se chargent d'organiser une première sélection.
4/ Les opérateurs reçoivent enfin (au bout de longs mois) les réponses sur leur projet. Soit leurs projets sont rejetés et ils ont consacré des ressources et du temps pour rien, soit on leur demande des amendements. Quand ils sont acceptés, le projets sont lancés.
5/ Pendant le temps du projet, l'opérateur privé ou public doit rédiger des rapports d'étapes, et à la fin justifier de ses réalisations concrètes. Ces rapports finaux sont collectés et vite regardés car bon, maintenant que c'est fait... hop! archives.
Voici pour le "process" comme on dit maintenant. On en mesure bien la lourdeur.
Mais le souci c'est que toute l'organisation du projet, totalement décentralisée dans sa mise en œuvre crée forcément des effets d'aubaine et très souvent des incohérences.
Les effets d'aubaine c'est lorsqu'une collectivité ou une entreprise avait de toute façon un projet similaire et l'adapte pour respecter le cahier des charges et bénéficier du financement public. Dans ce cas, le financement n'a pas suscité une production supplémentaire.
Les incohérences viennent du fait qu'il n'y pas de plan d'ensemble. Chaque projet répond à une logique locale. Alors que les plans d'investissement ancienne formule impliquaient une mise en œuvre centralisée, la gestion par projet délègue l'essentiel des décisions aux opérateurs.
C'est ainsi que les fonds de #FranceRelance financent ici la rénovation d'une église, là la modernisation du système de chauffage d'une piscine municipale, etc. Chacun arrive avec son petit projet et l’État supervise de manière distante et bureaucratique.
En somme dans la gestion néolibérale des plans d'investissement public ce qui manque... c'est le plan!

Par contre on a bien la bureaucratie, les dépenses coûteuses et le gaspillage. Et en fin de compte on se demande à quoi tout cela a servi. Enfin, sauf les sociétés de conseil.

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24 Oct
Il y a quand même un problème dans les discours de gauche.
Avant, la gauche, c'était la défense des salariés, des classes populaires, voire des classes moyennes. C'était clair, net, on voyait bien qui elle défendait et à qui elle s'en prenait (les patrons, les riches). Image
Aujourd'hui la gauche c'est aussi la défense de la planète, la lutte contre le changement climatique, la protection de l'environnement.
Ce sont évidemment de nobles causes, mais elles concernent tout le monde. Elles ne s'adressent pas spécifiquement aux classes populaires. Image
Le problème c'est qu'en ajoutant une dimension écologique à son projet social, en passant du socialisme à la social-écologie, elle prend le risque de diluer son message et surtout elle donne l'impression que la lutte contre les inégalités passerait en arrière-plan.
Read 9 tweets
8 Oct
Reformulation du #thread ci-dessous pour clarifier certains raisonnements.

1/ L'état de droit procède d'une Constitution. Par définition aucun texte n'est supérieur à une Constitution.
2/ Si le droit européen s'impose sur le droit national c'est parce que les Constitutions nationales le permettent, ou plutôt ne s'y opposent pas explicitement.
Ainsi, en France, l'appartenance européenne est inscrite dans la Constitution et cette dernière a été régulièrement modifiée pour éviter toute incompatibilité du texte constitutionnel sur le droit européen.
Read 17 tweets
7 Oct
Texte hallucinant de la Commission européenne qui mérite une petite remise en perspective.

1/ L'état de droit procède d'une Constitution. Par définition aucun texte n'est supérieur à une constitution.
2/ Si le droit européen s'impose sur droit national ce n'est que parce que les constitutions nationales le permettent, ou plutôt ne s'y opposent pas.
3/ La meilleure preuve de cet état de fait est que l'Union européenne ne parvient pas à imposer à la Pologne et à la Hongrie qu'elles respectent un certain nombre de principes qu'elle défend.
Read 9 tweets
25 Aug
Une anecdote amusante à ce sujet.
En 2009, jeune MCF à Angers j'envoie début septembre une tribune au Monde sur la rentrée universitaire très difficile que nous connaissions après les grèves de la loi LRU qui paralysèrent les universités pendant des mois.
Après plusieurs semaines sans aucun retour, je la publie sur un blog Mediapart, puis je n'y pense plus.

À la mi-octobre, je reçois un email du Monde m'informant que cette tribune avait été sélectionnée pour paraître en fin de semaine. Je suis évidemment très heureux.
J'achète le numéro du lendemain pour trouver ma tribune. Il y a bien un dossier sur la rentrée universitaire avec des points de vues de chercheur, mais point de papier signé David Cayla. 😭😭
Read 5 tweets
4 Aug
#Thread
J'ai partagé un graphique des journalistes de @franceinfo qui montre une corrélation entre les niveaux de revenu et le taux de vaccination.

Il est montré que plus on habite dans une ville riche, plus on se fait vacciner.👇
Beaucoup s'interrogent sur le sens de cette corrélation.
J'entends que ce serait lié au niveau d'instruction ou même d'intelligence, à la faiblesse des services publics, à des considérations politiques (les macronistes se vaccinant plus), au conformisme des classes supérieures...
Le problème de ces explications est qu'elles analysent la réticence vaccinale comme la conséquence de choix purement individuels.
Or, je pense au contraire qu'on a affaire à un phénomène social, qui résulte de l'histoire récente et de choix politiques.
Read 22 tweets
2 Aug
#Thread
1/ Le taux de vaccination est lié à la confiance envers les institutions. Or, cela fait bien longtemps que les gouvernements ont abandonné les classes populaires. De ce fait la défiance dans cette catégorie de la population est extrêmement élevée. D'où le succès du RN.
2/ La gauche aurait dû reprendre le rôle qui a longtemps été le sien et s'intéresser à leurs pbs, y compris à l'insécurité, à l'islamisme, à la dégradation des services publics. Mais elle se réfugie dans les thématiques écologiques et sociétales et perd l'électorat populaire.
3/ Vient la pandémie de Covid-19, avec ses morts, pas mal de gens qui souffrent de séquelles, le burn-out des soignants, l'incompétence du gouvernement systématiquement dans la réaction, parfois le mensonge (l'épisode des masques) et jamais dans l'anticipation. Bref.
Read 12 tweets

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