VIVRE AVEC UNE MALADIE CHRONIQUE & DES HANDICAPS "INVISIBLES". Aujourd'hui, je "fête" mes 2 ans de covid. Dans 2 jours, mes 35 ans.
CECI EST MON CORPS, MON CORPS MALADE. Aujourd'hui + qu'il y a 2 ans, mon apparence correspond aux standards de "beauté". Les gens me complimentent⤵️
J'ai toujours vécu avec des handicaps "invisibles" : l'endométriose, le trouble autistique, le stress post-traumatique. Ils font partie de moi. Je ne les ressens pas comme une rupture de mon identité. Je me suis construite avec. Je ne connais pas autre chose. La maladie a
apporté cette cassure qui m'a fait me rendre compte de la chose suivante : les handicaps dits invisibles le sont surtout pour qui ne veut ni les voir ni les prendre en compte. En fait les douleurs de l'endométriose, les spécificités du TSA sont tout sauf invisibles. Mais j'ai
intégré, comme beaucoup d'entre nous, que je devais les rendre invisibles, les faire tout petits jusqu'à ce qu'ils disparaissent pour ne pas déranger l'autre. En 2020, le covid m'a fauchée en plein vol. Depuis, voici où j'en suis :
- Une péri-myocardite qui ne guérit pas et se
transforme en fibrose. Ce sera à vie. On ne sait pas si des rechutes inflammatoires pourraient aggraver mon état. J'ai mal, en permanence, je suis essoufflée pour un rien et je ne peux faire d'effort. C'est une contre-indication totale au vaccin et une réinfection serait très
dangereuse, alors je fais partie des "fragiles" qui vont vivre cloitré.e.s, qui ne pourront pas, en + de la souffrance quotidienne, retrouver un semblant de vie normale.
- Des hypométabolismes cérébraux qui engendrent des maux de tête permanents que rien ne soulage, des problèmes
de mémoire, de langage, de concentration, une instabilité de l'humeur, à cause des zones qui sont concernées. On ne sait pas si ça peut s'améliorer avec le temps ou si dans 5 ans, cela va dégénérer en un Parkinson.
- Des problèmes d'yeux qui me rendent les écrans et la lecture
douloureux et qui transforment mes passions en calvaires.
- Une fatigue écrasante qui rend chaque journée un combat d'endurance.
Ces handicaps sont venus fracturer celle que j'étais et que j'avais eu tant de mal à (re)construire. Je ne sais plus qui je suis, ce que je vaux, ce
à quoi je peux rêver, quel futur m'attend. Je me sens étrangère en mon corps et en mon esprit.
Et ces nouveaux handicaps sont invisibles : entendez, les autres ne les voient pas alors j'utilise toute mon énergie pour donner le change. Invariablement, même les professionnel.le.s
de santé me demandent : "Mais là vous avez mal ?" "Mais là vous avez des problèmes de concentration ?" "Ah, on ne dirait vraiment pas, c'est bien". C'est bien ? Vraiment ? Je ne dis pas que je voudrais que cela se voit comme le nez au milieu du visage, mais je dis que le fait que
"ça ne se voit pas" contribue à me faire minimiser mes symptômes, à les trouver illégitimes, incompréhensibles, incommunicables. Contribue à me faire me sentir complètement seule. Désespérement seule. Oui, j'ai mal, tout le temps. Oui, c'est difficile d'écrire un mail ou ce
thread.
Et aujourd'hui, alors que je "fête" mes 2 ans de covid, avec aucune porte de sortie en vue, je fais une IRM pour mon endométriose. La gynéco : "en plus des lésions, votre utérus se contracte en permanence, ça doit faire comme des douleurs d'accouchement. Vous devez avoir
très mal". Oui j'ai mal, et je le dis, mais à force que je le dise, je ne le dis plus, par peur d'être un poids pour l'autre. Je regarde la fiche que j'ai remplie, j'ai évalué ma douleur à 6 ou 7/10. La gynéco me dit que j'ai minimisé. Peut-être que c'est parce que j'ai comparé
avec mes autres douleurs ou peut-être qu'à force qu'on me dise que ça ne se voit pas, que les autres fassent comme si ça n'existait pas, j'ai tenté de le gommer ?
La question à l'origine de ce thread, celle que vous m'avez posée c'est "Comment vivre avec ?". J'aimerais tellement
avoir une réponse. La vérité c'est qu'on construit toustes la solution qui nous permet de ne pas nous jeter par la fenêtre. La mienne c'est la révolte. Je refuse de vivre avec. Je lutte. Je vis. Je brûle la chandelle par les deux bouts en ne sachant pas très bien combien de temps
elle éclairera, pourvu que sa lumière soit belle, chaude et intense. Ma solution n'est pas forcément celle qui vous correspondra, et sûrement même que ça ne le sera pas. Mais moi j'ai besoin de me battre, que chaque moment compte. Même après deux ans, je ne peux pas capituler,
aller me coucher en milieu de journée sans les larmes et un sentiment d'échec. Je sais que je devrais être plus douce avec moi même mais si je m'arrête, je m'effondre. J'avance, le reste on verra plus tard. On m'a beaucoup dit que ce n'était pas très sain mais j'en suis venue à
me dire que c'est ce qu'il me faut. Je ne vis pas avec, je vis malgré, je vis contre, je vis en rage contre l'injustice, l'absurdité de tout ça. J'en ai assez des discours bienpensants sur la maladie chronique, je ne suis pas un bouddha qui accepte ce qui lui arrive et je ne veux
pas l'être. Je suis un peu plus autocentrée, j'accepte parfois de ne pas faire autant pour les autres que je le voudrais, je suis en chemin, mais je ne veux plus qu'on me dise "Tu as de la chance, ça ne se voit pas" "Tu étais tellement intelligente avant que nous on ne le sent
pas que tu es ralentie" "De l'extérieur franchement ton corps est super". Même si elles viennent de douces attentions, ces paroles sont des coups de poignard, des histoires de normes, d'attente sociale, de paraitre. Ce qui compte pour moi c'est comment je me vis. Et la réponse
c'est : globalement mal. Je n'ai pas de conseils à vous donner sur comment vivre avec les handicaps qu'ils soient innés ou acquis, la seule chose que je peux vous dire c'est que vous avez le droit d'être en colère, d'insulter le ciel, l'univers et tous les hasards. Que vous
avez le droit de trop forcer, d'envoyer paître les gens qui vous disent que vous êtes toujours jolie ou intéressante, de donner plus de valeur à votre ressenti interne. De construire votre solution, aussi bancale soit elle, et peut-être de ne pas minimiser les difficultés pour
faire plaisir à celleux que ça inquiète ou qui devraient composer avec. Vous avez le droit de tout lâcher, de vous effondrer, d'accepter, de vous reconstruire, de ne pas pouvoir, d'être dévasté.e, d'être à nouveau pleinement heureuxse. Votre solution est la bonne. La mienne donne
encore plus de sens à cet avatar et à ce pseudo que j'avais choisis. La mienne passe par continuer d'exercer en y consacrant mon énergie en priorité, ce métier qui est ma vocation pour mes patient.e.s si chèr.e.s à mon coeur. La mienne passe par la colère. Les sentiments violents
et c'est ok, vous savez pourquoi ? Parce que je suis toujours là. A la fin, c'est la seule chose qui compte. J'envoie toutes mes pensées à la commu #ApresJ20#LongCovid, à la team #TSA, à celleux touché.e.s par l' #endométriose et toustes mes adelphes handi, bancal comme moi.
Et j'envoie tous mes merci aux colocs du Château Discord, ma safe place
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Aujourd’hui un #threadlapsy sur la PURETÉ DES SENTIMENTS (et le doute). Ça fait quelques temps que je souhaite écrire sur ce sujet après avoir entendu plusieurs patientes remettre en question la totalité de ce qu’elles ressentaient parce qu’elles doutaient parfois ⤵️
Par exemple : une de mes patientes me disait que, parfois, elle avait l’impression de moins aimer son conjoint quand il faisait des choses qui lui déplaisaient. Elle pouvait le trouver un peu ridicule, un peu gauche ou juste pas conforme à l’idée qu’elle avait de l’amour
idéal et à ce moment, parce qu’elle avait ressenti quelque chose de “négatif”, elle remettait en question l’intégralité de ses sentiments.
Une autre de mes patientes, quand elle a un reproche légitime à faire à son conjoint, préfère presque condamner la relation entière plutôt
C'est le dernier jour de l'année, je vous propose donc qu'on se fasse un #Threadlapsy sur la pratique des résolutions de fin d'année, des bilans, etc.
En espérant que ça puisse alléger ce marqueur du temps qui file pour certain.e.s ici qui sont peut-être comme moi, c'est à dire
rattrapé.e.s par des angoisses au moment des "comptes".
D'abord, je ne suis pas contre cette pratique rétrospective, elle permet de se retourner sur soi, sur l'usage qu'on a fait de son temps. Elle permet de s'interroger pour savoir si on s'est senti.e à notre place, si on a pu
être nous-même, écouter nos besoins et nos limites.
C'est juste que je trouve que caler cette introspection à une date fixe, déjà très chargée symboliquement, à une période de fêtes familiales qui réactive parfois des vécus douloureux n'est en fait pas vraiment le meilleur moment
Je ne retweeterai pas ici l'article du Monde sur le #covidlong#apresJ20 mais je vais me fendre d'un commentaire (énervé, je vous préviens). D'abord, aux psys qui ont rédigé cette merde, j'ai envie de vous dire : JE VOUS DETESTE, vous salissez notre métier. Notre boulot c'est
d'écouter les gens, pas de les juger. Or quand vous jouez sur les mots en disant : "non mais on dit pas que les patient.e.s mentent, on dit juste que les symptômes ne sont réels que parce qu'iels les font exister", vous citez précisément la définition du psychosomatique et je
tiens à vous rappeler que la psychosomatique est un diagnostic d'élimination. Vous voyez ce que ça veut dire ? Ca veut dire que quand une pathologie est récente, étayée par plus de 1000 publications scientifiques avec imageries à l'appui, même si on n'arrive pas bien à
Aujourd'hui dans les #ThreadLaPsy j'aimerais vous parler du moment où des patientes TSA (autistes) n'arrivent plus à masquer leurs difficultés une fois qu'elles ont pris conscience de leur fonctionnement. Le MOMENT POST-DIAGNOSTIC OU CA EMPIRE :
Ces derniers temps, j'ai vu arriver plusieurs fois le même schéma : une patiente arrive au moment de sa thérapie où on aborde des traits autistiques, on travaille cela pendant quelques temps, elle décide (ou pas) d'avoir un diagnostic : bref elle prend conscience d'un
certains nombres de traits, de mécanismes et de fonctionnements. Et lors de cette prise de conscience, la patiente se rend compte qu'elle éprouve plus de difficultés à contenir ces traits, à prendre sur elle.
Le "masking" est un mécanisme très connu dans l'autisme féminin, il
Aujourd'hui dans les #ThreadLaPsy on parle des préjugés qui empêchent les gens d'aller chez le psy parce que soit iels ne se sentent pas légitimes soient iels ont une image erronée PARTIE 3 (basée sur vos remarques) :
- "Parce qu'on se sentirait jugé.e par nos proches" : Il se trouve que cette inquiétude du regard de l'autre est encore très présente. Plusieurs de mes patient.e.s viennent me voir en cachette, de leur partenaire, de leur famille. C'est à la fois leur jardin secret mais c'est
aussi parqu'iels disent qu'iels recevraient bcp de réflexions désobligeantes du type : "Tu as quel genre de problème si tu vas voir une psy ?" "De toutes façons, ne cherche pas à comprendre x, iel est suivi.e par une psy" "Quoi tu vas voir une psy ? c'est tous des charlatans, ça
Un peu avant les vacances, il m'est arrivé ce qui est à peu près le cauchemar de tou.te.s les psys : deux de mes patientes se sont rencontrées dans la vie ! Alors que les psy ne reçoivent pas de personnes qui se connaissent !!
Vous le savez sûrement, les psys, même s'iels n'ont pas d'ordre professionnel, ont un code de déontologie. Nous ne recevons pas en même temps de gens qui se connaissent ou sont proches. Cela nous permet de nous concentrer sur la personne que nous recevons sans être parasité.e par
le discours de qqun d'autre. L'important pour nous c'est de travailler avec la personne sur la manière dont ELLE perçoit son univers, pas sur une espèce de réalité objective (qui n'existe pas d'ailleurs). Donc, nous ne recevons pas plusieurs personnes de la même famille ni des