Depuis 2017, le massacre de Mai 1967 a fait irruption (de façon relative selon les milieux et le côté de l'Atlantique duquel on se trouve) dans le débat public.
Arrêtons-nous ici sur la séquence décisive qui précède, du 20 au 23 mars.
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20 Mars. Le déclencheur.
Vladimir Snrsky, riche propriétaire européen lâche son chien sur Raphaël Balzinc, cordonnier noir installé devant son magasin, Le Sans-Pareil à Basse-Terre, en s'écriant : « Dis bonjour au nègre ! »
Suite à cette agression raciste, des révoltes éclatèrent en ville.
Le magasin de Snrsky a notamment été saccagé et sa mercedes renversée. L'embrasement se poursuit jusqu'au 23 mars.
Sur la photo, Maillard, sous-préfet, tente d'apaiser la colère; je parlerai de lui plus loin.
À la demande du préfet Bolotte (nom à retenir aussi), des gardes-mobiles venus du Pas-de-Calais sont mobilisés pr mâter l'insurrection.
Tout en faisant mine de condamner l'acte raciste, Bolotte organisera également le départ pour la France de Snrsky, dans son avion de fonction.
C'est que Snrsky n'était pas n'importe qui. Outre sa position sociale (riche propriétaire tchèque installé en #Guadeloupe), il était responsable local de l'UNR (parti gaulliste).
Il figurait aussi parmi les connaissances de J. Foccart, grand nom des réseaux de la #Françafrique.
Autre aspect crucial de la réaction du pouvoir: la mise en accusation par le préfet des forces communistes, nationalistes, et surtout du GONG (Groupe d'Organisation Nationale de la Guadeloupe, créé en 1963).
Il les désigne responsables des révoltes déclenchées depuis le 20 mars
Or, les travaux sur le sujet montrent que rien ne permet de confirmer un rôle moteur du GONG dans cette insurrection.
Il s'agit néanmoins de l'interprétation de Bolotte, relayée par Foccart dans une note à de Gaulle dès le 21 mars.
Cela a son importance pour la suite (Mai 67).
En effet, la construction du GONG comme ennemi intérieur dangereux, lui prêtant parfois un pouvoir qu'il n'avait pas, mm si l'organisation assumait sa position indépendantiste, permettait de justifier la répression à son endroit (et au-delà de lui...)
Extraits du rapport Stora🔽
Mais au-delà des effets de cette focalisation sur le GONG, comment expliquer la perception des évènements de Mars 1967 en Guadeloupe par les représentants du pouvoir ?
Deux éléments de réponse: 1/ la trajectoire coloniale du préfet Bolotte 2/ Contexte international (Djibouti)
1/Avant de devenir préfet de Gpe en 1965, Bolotte est passé par l'Indochine, puis l'Algérie, la Réunion.
Il a été très négativement marqué par la lutte de libération algérienne, et c'est aussi dans cet esprit qu'il aborde la #Guadeloupe : éviter un nouveau scénario algérien.
Bolotte doit ê retenu pr son rôle ds le massacre le mois suivant en Mai 67, et aussi car préfet de la Seine-St-Denis il créa la BAC Brigade Anti Criminalité en 1971.
Bel exemple de circulations d'agents et de savoirs au service des intérêts (néo)coloniaux contretemps.eu/police-racisme…
2/Contexte international:
19 mars 1967. Djibouti. Référendum sur le maintien ou non dans la République française, et manifestations durement réprimées par les militaires français.
En Guadeloupe, en mars et en mai, Djibouti est mentionnée par les manifestants...et par le pouvoir
Dans sa lettre à de Gaulle du 21 mars 1967 où il déclarait le GONG responsable des révoltes (qualifiées par lui d'"incidents" ayant pris une "tournure raciste"...), Foccart accusait aussi l'organisation d'instrumentaliser les évènements à Djibouti.
(cité ds rapport Stora, p.58)
Pour situer Foccart au-delà de son implication dans les réseaux françafricains, il faut noter qu'il est issu d'une famille de blancs colons créoles de #Guadeloupe (mère) et d'un père originaire de Mayenne proprio d'une plantation de banane à Gourbeyre.
Ainsi qd on pense à Foccart (ainsi que Snrsky et réseaux gaullistes) il ne faut pas le limiter aux activités africaines, ms voir le rôle qu'il joué aux Antilles-Guyane, "terrain d’apprentissage et laboratoire d'expérimentation" selon l'historien S. Mary🔽 cairn.info/revue-histoire…
Les révoltes du mars 1967 précédent donc les grèves et révoltes de Mai 1967, qui elles sont d'une autre nature : il s'agissait d'un conflit salarial à l'origine, qui déboucha sur une insurrection lourdement réprimée.
Les deux séquences sont néanmoins perçues comme étant liées.
Autant par les acteurs des luttes que par le pouvoir. La gestion répressive des révoltes de Mars 1967, et la focalisation intensifiée sur le GONG st précurseurs du massacre de mai, et l'obsession par Foccart d'une "main de l'étranger" (Cuba, etc) qui agirait en Gpe est cruciale.
Pour terminer revenons à Guy Maillard qu'on voyait plus tôt dans le thread essayer de calmer les révoltés à Basse-Terre en Mars.
Il était sous-préfet à l'époque, et deviendra préfet de 1978 à 1982.
Interrogé en 2009 quant à l'absence de sources officielles sur le nombre de morts à la suite des massacres de mai 1967, il répondit qu'il n'estime pas qu'il soit supérieur à 7, mais avoue tout de même ne pas avoir "spécialement cherché" ...
Une légèreté dans le propos qui en dit long sur la déshumanisation des vies guadeloupéennes, afro-descendantes ici.
En effet, deux, trois ou cinquante morts, qu'est-ce que ça change qd on n'a pas de valeur ?
Zéro multiplié par peu importe le nombre ça reste zéro n'est-ce pas?
Voilà donc pour Mars 1967. Je reviendrai ultérieurement sur Mai 1967, il y a déjà bcp d'infos à digérer.
Si vous souhaitez poursuivre, voici quelques références, ainsi que les sources des photos utilisées dans le thread.
Peace✌️et n'oublions jamais: YO TÉ POU NOU SÉ! #Sonjé
ps 1: [précision/correction] j'aurais dû écrire ici "et se serait écrié" l'agression par le chien, étant l'élément le plus attesté par les sources dispos
ps 2: [complément] on peut ajouter cette lecture, notamment le chapitre 15 sur le lien entre Foccart et les Départements d'outre-mer; chapitre écrit là aussi par l'historien Sylvain Mary.
À propos du journalisme (mais ça va au-delà), pour chez nous comme ailleurs.
Il n'y a pas que les erreurs ou mensonges factuels qui posent problème, il y a aussi tout ce qui n'est pas dit, toutes les questions pas posées, bref les fameuses omissions, volontaires ou non.
Illustration concrète:
okay chez nous, Canal 10 a participé à diffuser des choses factuellement fausses sur covid et vaccin.
Ms Gpe 1ère qui n'a pt-être pas le même palmarès sur non factuel/faux, c'est à l'inverse bcp de questions pas posées sur l'affaire des "Grands frères".
Par exemple, questionner pk un tel zèle là, alors que l'impunité existait sur d'autres dossiers (Cècette, eau, Klodo, et j'en passe).
Cela veut dire que ds ts les cas il y a des biais, simplement ils sont différents selon la proximité ou non avec (entre autres) les institutions.
Y'a vraiment des critiques de "radicaux" dont je comprends pas la finalité. Par ex, tu en as qui voient la preuve de la compromission avec le capital, l'hégémonie, si Untel écrit un bouquin qui vend bien, car tout truc qui "marche" est la preuve que ça conforte le système. Ok ms,
ds ce cas pk ces mm gens ont comme référence de grds théoriciens, le plus souvent déjà morts ou alors vivant loin, qui ont vendu ou vendent bcp ?
on dirait que ce qui les gêne c'est qd la "réussite" ou les positions de pouvoir (bien relatives souvent) ça va aux gens "proches"
dc venant des mm coins, mm milieux..
pareil pr la critique de l'université qui pr bcp se limitent à critiquer les 3 pélos non blancs qui y ont une place pas précaire en Fr, ms les mm n'ont pas de pbs à citer des universitaires US ou de grands blancs installés avec chaire etc lol
"on peut pas s'opposer à la violence dans un cas et légitimer celle dans un autre" BLABLA #PunchANazi#GénérationZ
Stop de mettre sur le même plan la domination, le pouvoir et les réponses contre eux.
Apparemment, on comprend en quoi ces équations posent problème que quand ça c'est passé "ya longtemps" ou alors que c'est "loin".
Avec les exemples par excellence (utilisés de façon opportuniste): "Allemagne", "Afrique du Sud" !!
Suivi de "ms c'était pas pareil !"
BLABLABLA
Sauf que, même si c'est évident (truisme !!) que les contextes st jms identiques, ça serait bien de voir que les conclusions sur certains drames de l'histoire ne st surtout comprises que "après".
Perso pas envie de "tester" en quoi l'après Zemmour ressemble ou non à X contexte
#Décolonisation Penser l'émancipation sans ou au-delà de la souveraineté nationale: passionnant entretien de l'anthropologue @yarimarbonilla sur les luttes en #Guadeloupe.
C-à-d qu'elle pense la #Caraïbe comme espace de souverainetés entravées et dc de non-souveraineté multiples.
Raison pour laquelle pr elle analyse la Gpe (et Mq, Guy) non pas comme "anomalies" par rapport aux autres îles, ms travaille les ressemblances malgré variété de statuts.
Merci à @Bad_Sociologist de m'avoir fait découvrir l'entretien !
C'est riche pr penser la Guadeloupe, la Caraïbe fr, à travers les yeux d'une chercheuse travaillant avec un corpus différent de l'historiographie, anthropo antillaises, françaises, francophones
Ah la comparaison, cet exercice politique, pas neutre, intéressant à observer.
Discussion récente où pr des gens les conditions noires US et FR étaient TROP différentes pr être comparées.
Ms...ils comparaient préjugés sur les blancs en Afrq et préjugés sur les noirs en Europe
on touche à la définition de "rapport de pouvoir" et de pk on pt pas mettre les catégorie sur le même plan, même si y'a des gens disant des trucs-pas-bien des "deux cotés"
Ms qui a le POUVOIR d'organiser une société autour de sa version de trucs-pas-bien?
-bcp tenant cette ligne défendent eux-mêmes une vision misogyne ds leur société (ex: Z)
-pr les politiques c'est un prétexte pr justifier ingérences/sanctions contre tel État, ms d'autres tout aussi sexistes no pb. Les intérêts $$$ passent avant.
2/
Ces formes de racisme st dures à combattre à cause des convergences entre "progressistes" et réacs, pas des alliances officielles ms rencontre idéologique.
Où s'effectue la "rencontre"? Sur des terrains non marqués comme réacs à l'origine, ms qui changent.