Thread by @CalliFanciulla

#Decembre❄️
Un texte que j’adore 💞 de Paul Morand (comme tous ses récits de voyage) écrivain qui a entretenu des liens intimes avec la #Roumanie (son épousé était une princesse roumaine) pays qu’il a aimé, compris, décrit, comme peu l’ont fait.

« La neige.
De jaune, le ciel 🔽

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est devenu noir. Au matin, tous les bruits de la ville ont disparu et c’est à se croire au fond de l’eau. Un tintement neuf: la sonnaille des
traîeneaux. Dans la cour,les coups amortis de la servante qui débite le bûcher en petits morceaux, à la hachette. Voici le blanc 🔽

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absolu qui ouatine toutes les surfaces, éclaire les visages comme une rampe et ne fait plus grâce à aucune ride. Sauf dans les avenues, personne ne touche à la neige; ici, la neige est un amical et noble élément: ce n’est pas de la crotte, comme pour les Parisiens qui 🔽

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l’enlèvent à la pelle. Seuls les tramways la busculent de leur ridicule étrave de bois. Les fiacres y cassent leurs essieux. Les arbres, réduits à quelques lignes maigres, font un tracé vermiculé. Dans les parcs, les photographes ambulants soufflent sur les doigts et 🔽

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développent leurs clichés-minute au-dessus d’un réchaud à charbon de bois. Les autos construites pour des climats tempérés ont des rhumes bizarres. Les enfants sortent leurs luges et prolongent leurs glissades jusqu’au cimetière: l’arrivée est parmi les tombes. Les petites 🔽

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Tziganes vendent des fleurs, mais ce sont des fleurs en papier, les roses rouges et les marguerites blanches et d’or du 1er janvier; elles vous jettent aussi du blé et vous souhaitent en chantant de « vivre dru comme un cheveu » et de « vieillir ridé comme une pomme ». Des 🔽

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gamins masqués traînent sur une charrette un arbre de Noël, secouent des clochettes et viennent quêter à la porte, avec de la neige jusqu’au genou. Les trains arrivent à la ville au petit bonheur. Le gel a fait sauter les chaudières, a cassé les chaînes des attelages; les 🔽

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rails, ou le manganèse était en proportion insuffisante, se sont brisés et les voyageurs n’ont plus eu, en pleine campagne, d’autre ressource que de se serrer tous ensamble dans un seul wagon pour ne pas mourir de froid.
Après trois jours, la tempête s’est calmée et, sous 🔽

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le soleil revenu, la ville sera plus gaie qu’en toute autre saison. Non, aucune écume de plage, aucune fleur de prunier ne procurera cette joie aveuglante, cette dilatation des poumons, ces larmes de bien-être que donne la neige. À côté des grandes artères,dans les rues à 🔽

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petits hôtels particuliers, le passant solitaire entend ses pas et se retourne, inquiet. Au crépuscule, prolongé par tant de blancheur, jamais Bucarest ne nous touchera autant par son air vieillot, versaillais, mal pavé, jamais il n’aura davantage ces façons province d’un 🔽

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premier chapitre de Gogol. Et la nuit lorsque l’auto allume ses phares, captant au passage la silhouette désespérée d’une pauvresse en châle suivie d’un chien à basse échine, jamais le plaisir d’être loin et le désir de vivre une vie mystérieuse ne sont aussi vifs. Une 🔽

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envie irrésistible vous prend d’aller valser sur la cuvette argentée du lac Cismegiu ou la glace blanche a été saisie d’un bloc, dans toute l’épaisseur et ou la neige retenue aux enfourchures des arbres tombe au moindre coup de vent dans le cou des patineurs. Froid sain 🔽

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qui éveille des besoins de solitude auprès des poêles, des poêles trop chauffés dont la faïence sent le beurre fort, froid qui aiguise un désir de tables riches en mets gras, en poisson huileux, de confitures qui enrobent dans le sucre les bienfaits de l’été, d’alcools 🔽

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chauffés au tisonnier rouge et cloutés de girofles. Et si la lune s’en mêle… » ♥️

Je vous recommande vivement et chaleureusement 😊 le livre de Voyages de Paul Morand. Superbe !

Pour ceux qui n’ont pas reconnu le tableau, il s’agit du très beau « La Pie » de Monet