Je ne suis pas très expérimenté en termes de threads et je ne veux surtout pas attirer l'attention sur moi, mais aujourd'hui il s'est passé quelque chose d'assez incroyable, il faut que je vous raconte ça ⬇️ #NangaParbat
Pour l'anecdote, la matinée commence par une sèche défaite footballistique 11/0 contre l'Association polonaise d'Oxford, je rentre boueux en grinçant presque autant que mon vieux vélo.
Chez moi, je reçois un message de mon frère avec cet article : deux alpinistes dont une française sont coincés au sommet du Nanga Parbat, "la montagne de la mort" au Pakistan, à 7400 mètres. lequipe.fr/Adrenaline/Alp…
Leur santé se dégrade, surtout pour le coéquipier polonais, qui est atteint de cécité des neiges et d'engelures. Elisabeth Revol, la Française, est parvenue à descendre son ami 200 mètres plus bas et à l'abriter sous une tente.
Elisabeth Revol, c'est la cousine de ma mère. Un bout de femme de 37 ans qui a grimpé les plus hauts sommets, on écarquille toujours les yeux quand on demande de ses nouvelles. Elle a déjà participé à des expéditions risquées où elle a craint le pire, elle a toujours recommencé. 
Mais là c'est le défi de toute sa vie : après avoir réussi à récolter in extremis 50.000 dollars via une cagnotte pour que les secours pakistanais agissent (!), les hélicoptères n'ont pas réussi à les approcher à cause du mauvais temps, qui devrait se poursuivre sur 4 jours.
Du coup Elisabeth a tenté le tout pour le tout : descendre toute seule, dans la nuit, par -45°C cette immense montagne de glace qui ressemble à un mur. Autant dire qu'à ce moment-là ses chances de survie sont menues. J'ai du mal à réaliser ce qu'il est en train de se passer.
En début d'après-midi (heure française), elle n'a plus de batterie et n'est plus joignable. Les quelques comptes Twitter et Facebook qui donnaient de ses nouvelles craignent le pire, ses derniers messages disaient qu'elle avait soif et faim...
Comment faire, sans trace d'Elisabeth, la sachant descendant un mur de glace dans le blizzard et l'obscurité avec des engelures ? L'attente est insupportable, je rafraîchis non-stop la page du live qui donne des nouvelles de ce qu'on appelle déjà un drame altitude.news/sports/alpinis… 
Les secours tentent le tout pour le tout. Ils vont héliporter une équipe de quatre alpinistes polonais, qui partaient réaliser leur rêve en escaladant le K2, un sommet voisin bien connu des grimpeurs. Ils vont les dropper aussi haut que possible, et ils grimperont le reste. Fou.
Sur Twitter, une petite communauté se forme, surtout constituée de Polonais, pour suivre l'avancée de l'opération du siècle. Je vois entre ces mots que je ne comprends pas ce beau nom de Revol, nom de jeune fille de ma grand-mère, patronyme bien drômois.
Les Polonais sont droppés à un peu moins de 5.000 mètres d'altitude. Elisabeth, aux dernières nouvelles, serait à 6500. Les quatre fantastiques doivent grimper 1.500 mètres de dénivelé de nuit, dans un froid inimaginable pour sauver quelqu'un dont la vie tient à un fil.
Le dernier message d'Elisabeth : "J'essaie de descendre tant qu'il y a des cordes", rapporte sur Facebook Ludovic Giambasi, l'alpiniste français en lien avec elle. Sacrée Elisabeth !
Grâce à leur balise GPS, la grandissante communauté Twitter commence à suivre mètre après mètre la montée ahurissante que font ces héros qui ont plaqué leur rêve pour sauver une inconnue. 
Sur Whatsapp aussi, j'échange avec mes frères. Allez Elisabeth ! Allez Bielecki, le Polonais qui envoie ses coordonnées GPS ! Des internautes compilent une carte, qui permet de suivre en quasi-direct l'avancée de l'équipée... 
Les deux Polonais partis en tête avancent à une allure surréaliste, ils font presque 300 mètres par heure à la verticale, dans la nuit rappelons-le. Les deux autres sont plus lourdement chargés, avec notamment du matos médical...
Vers 16h45, coup de théâtre : Elisabeth a réussi à redonner de ses nouvelles, raconte Ludovic Giambasi ! Elle continue à descendre. Peut-être, la chaleur de la doudoune a ranimé la batterie, suppose-t-il.
Les centaines de mètres s'additionnent les uns aux autres quand nouveau coup de théâtre : les coordonnées GPS des Polonais perdent 100 mètres d'altitude soudainement. Une chute ? Un incident ?
Il semble plutôt que ce soit un changement d'itinéraire, pour emprunter un chemin moins escarpé. Elisabeth et ses sauveteurs ne doivent plus être très loin à présent...
Les tweets deviennent de plus en plus nombreux, toujours très majoritairement en polonais. Quelques médias français commencent à évoquer le sujet, toujours assez pessimistes : une tempête doit avoir lieu demain, et il sera compliqué d'aller chercher son coéquipier...
Je suis hyper ému de voir tout le monde derrière Elisabeth, son coéquipier, et ces quatre héros. Ca commence à parler toutes les langues, mais il n'y a que du bon, un concentré d'espoir, et ça, c'est rare sur Twitter
Vers 21h45, c'est la libération : ils ont retrouvé Elisabeth !!!! La troublante soirée écossaise où je me rendais, avec toujours un oeil sur Twitter, prend une autre tournure.
Ludovic Giambasi a prévenu différents hôpitaux pour qu'elle soit prise en charge, vu les engelures graves qu'elle a notamment au pied. Mais l'essentiel est là, elle est sauvée. Le sort de son coéquipier reste hélas très flou en revanche...
Bref, aujourd'hui j'ai vu se fédérer toute une communauté hétéroclite, d'abord de montagneux, puis beaucoup plus large, dont le seul espoir était la survie d'Elisabeth et Tomek. J'en ai eu les larmes aux yeux.
L'aventure héroïque d'aujourd'hui a été assez peu évoquée en France, et c'est surtout pour cela que je "tente" ce thread. Je ne veux surtout pas attirer l'attention sur ma vie ou exagérer la proximité que le petit étudiant que je suis a avec cette affaire.
Après avoir vu, lu, entendu à quel point il était facile de faire se haïr des inconnus, j'ai eu la preuve aujourd'hui que l'entraide et l'espoir communs pouvaient fédérer tout aussi vite, et aboutir à des résultats qu'on qualifierait à tort d'inhumains
Enorme big up à @AdrienJolly , @Altitude_News et tous les autres comptes qui m'ont fait haleter aujourd'hui, sur le fil de cette incroyable histoire... J'espère vraiment qu'on pourra faire quelque chose pour Tomek...
J'espère ne pas avoir été trop imprécis, ni blesser qui que ce soit par quelque éventuelle maladresse. Je n'ai aucune grande ambition journalistique avec ce récit, mais j'ai vraiment senti le besoin de mettre en avant cette belle humanité
Et bref, si les onze buts encaissés ce matin contre l'Association des Polonais était le prix à payer, je raterai mes tacles encore plus volontiers la prochaine fois...
Fin du thread.
Fin du thread.
Merci à tous pour vos partages ! Content de me réveiller et de voir que la descente se passe bien pour l'instant! Juste au cas où, vu que je vois beaucoup de journalistes RT, évidemment ce témoignage est personnel et ne saurait prétendre être celui de la famille d'Elisabeth.
