La production, elle varie, donc. Pour, en simplifiant, quatre raisons ; avec des variations plus ou moins fortes et fréquentes.
1/4 : Très faiblement, très fréquemment, pour assurer le maintien du réseau électrique à sa fréquence de 50 Hz, d'une part.
5 raisons, en fait.
2/5 : D'autre part, une ou deux fois par jour, elle varie avec une amplitude un peu + significative pour s'adapter aux variations de conso (pic le matin et le soir l'hiver ; l'après-midi l'été) et de production (pic solaire à midi, fluctuations du vent).
3/5 : avec une amplitude plus grande encore, elle suit les baisses de consommation chaque weekend, et les remontées chaque lundi. Car on consomme beaucoup moins le weekend, notamment en raison d'une moindre activité des entreprises.
4/5 Avec une amplitude CONSIDÉRABLE, elle varie aussi au fil des saisons, car on veut avoir une production maximale l'hiver pour satisfaire la consommation très élevée, une production moindre mais pas trop faible l'été à cause des clims, et donc on minimise a la mi-saison.
C'est d'ailleurs pour ça que tous les ans, sortent vers octobre des articles sur la mauvaise disponibilité du parc nucléaire : c'est le dernier moment pour faire la maintenance avant l'hiver où on veut avoir à en faire le moins possible.
5/5 Enfin, on a la variabilité subie : les arrêts de tranche pour maintenance, ou suite à des défaillances ou des contraintes. Ce dernier cas étant illustré par exemple par les arrêts de tranche actuels pour cause de canicule.
Pour ceux qui ne liraient que les titres des articles, le problème de la canicule n'est pas qu'elle empêche les centrales de fonctionner, hein.
Mais vous n'êtes pas sans savoir que les centrales qui n'ont pas de tour de refroidissement par l'air, ni de mer/océan sous le coude...
...se refroidissent à l'eau des rivières et fleuves. En faisant gagner quelques degrés au cours d'eau en aval.
Ça ne concerne pas beaucoup de centrales. De tête, 3 centrales et demi sur 19 (la moitié de Bugey, Tricastin, Fessenheim, Saint-Alban).
Ce réchauffement de l'eau, il est légalement limité pour minimiser l'impact sur la #biodiversité locale.
Mais quand l'eau, en amont, dépasse 25°C à cause de la canicule... Ces limitations, elles deviennent bloquantes. Donc soit on demande des dérogations exceptionnelles...
Soit on baisse - éventuellement jusqu'à l'arrêt complet - la puissance de la tranche.
C'est ce qui se passe à présent.
MAIS on peut à présent relativiser les grands discours qui fleurissent.
Une tranche qu'on est obligé d'arrêter, ça n'a rien de grave ni d'exceptionnel.
Une variation de quelques GW de nucléaire, sur un parc de 60 GW, c'est tout à fait ordinaire.
En été, on ne manque pas de puissance, donc ça ne représente aucune menace pour l'approvisionnement.
Et, évidemment, on n'arrête pas les réacteurs en mode panique, bouton rouge, on va surchauffer.
On arrête le réacteur comme on le fait normalement pour une opération de maintenance par exemple. Normal, régulé, tout ça. Ça ne met pas la sûreté en jeu.
Petit cas pratique à présent. Illustratif.
Ci-joint, la courbe de la production nucléaire française, quart d'heure par quart d'heure, sur les sept derniers jours. Via @eCO2mixRTE (c'est gratuit et c'est cool, allez voir le site ou l'appli !)
Que voit-on ?
Outre les petites variations intra-journalières dont je vous ai parlé, deux grosses baisses réparties sur quelques heures a chaque fois.
La première, dimanche. L'effet "weekend" dont je parlais, cumulé dans le cas présent à un gros pic de production éolienne (qui était calme vers 1000 MW et qui a fait une courte pointe à 4000 samedi et 5500 dimanche).
La baisse est d'environ 4000 MW en prenant le ↕ plus large.
La seconde, mercredi, répartie sur toute la journée. C'est vraisemblablement la conséquence des baisses de puissance et arrêts suite à la canicule. Eeeeet... Même amplitude que samedi. Voilà. Ça recadre bien, je trouve, la "gravité" de l'événement : aussi grave qu'un weekend.
Maintenant, instant propagande et #EnR, parce que les antinucléaires comme @Denis_Baupin font de la récup' comme quoi le nucléaire il est intermittent et pas adapté aux conditions estivales...
1) Ce qui dimensionne le parc électrique, ce ne sont pas les situations estivales exceptionnelles mais les situations hivernales exceptionnelles, bieeeen plus rigoureuses pour le restau électrique.
2) La production nucléaire à cédé à la chaleur 4000 MW sur une production d'environ dix fois plus. Variation de 10%, donc.
(deux tweets plus tôt, lire "réseau", pas restau).
2a) En ce moment, le parc solaire varie *chaque jour*, canicule ou pas, entre 0 et 100% de sa production. Aujourd'hui même, 5500 MW d'amplitude en valeur absolue. Davantage que le nucléaire malgré un parc 10x plus petit.
2b) L'éolien... Mon dieu, l'éolien... Quand on est partisan de l'éolien, en principe, on devrait se taire depuis juin au moins.
Sans rentrer dans le détail... Le parc fait environ 14000 MW. Et regardez la production de la semaine...
Une variation de presque 100% d'un jour à l'autre, des pics de 4 à 5 GW d'amplitude en quelques heures, des maxima qui atteignent péniblement le tiers de la puissance nominale... Et cest le rythme depuis quasiment deux mois.
Bref. Concluons.
- L'arrêt de tranches nucléaires pour raison technique est banal
- Que ce soit pour raisons de canicule est anecdotique
- L'amplitude de la variation est habituelle
- Le nucléaire n'est pas moins bien adapté au dérèglement climatique qu'une autre techno.
Je découvre à cette occasion que les Russes ont en projet un RITM-400, une version boostée de leur petit réacteur RITM-200 prévu comme SMR à terre et réacteur de propulsion navale pour les brise-glaces.
La dernière sortie de Médiapart sur le nucléaire est assez impressionnante. Ils accusent le gouvernement d'avoir empêché l'ADEME de sortir un rapport contredisant les annonces de Macron d'hier sur la nécessite d'un nouveau parc nucléaire.
« Un rapport de 44 pages » précisent-ils : ce n'est manifestement qu'une note de synthèse, pas un rapport complet, comme pour négaWatt 2022 qui n'a sorti qu'une synthèse et pas encore son rapport.
Ou encore comme RTE qui d'abord donna une conférence présentant les principaux résultats, puis sortit une note de synthèse de 60 pages dans la foulée, et le vrai rapport de 600 pages progressivement dans les jours qui suivirent.
Piolle explique qu'il n'y a pas à chercher à forcer un peu le déploiement des renouvelables, il faut prendre tout le temps nécessaire à l'expression de la démocratie.
Ce culte de l'énergie locale, citoyenne et décentralisée.
Côté RTE, on évalue dans le scénario de référence que pour viser le 100% renouvelable à l'horizon 2050, il faut tenir un rythme moyen de 2 GW d'éolien terrestre par an de 2020 à 2050 (hors renouvellement des éoliennes existantes).
C'est à dire quasiment doubler le rythme historique du pays (environ 1.2 GW/an sur 2009-2020), ou tenir de manière constante pendant 30 ans notre rythme record de 2017.
Ou encore faire presque aussi bien que le rythme historique allemand.
Perso, hier encore, j'étais davantage « clairement non » que « plutôt non », pour vous dire. Mais là ce matin, entre les médias qui sont catégoriques et les écolos (dont les élus) qui ont l'air de se préparer à prendre les armes, je doute un peu !
Malgré tout, je m'attends davantage à du vent et des promesses de campagne qu'à du concret.
À la limite, s'il y a une seule chose de concrète que je pense qu'on peut espérer, quelque chose qui n'attendrait pas les élections,