C'est l'heure de la sieste, c'est l'heure de quelques commentaires sur cette tribune de Lordon contre les tribunes écolos. blog.mondediplo.net/appels-sans-su…
D'abord un constat commun. En effet les tribunes se sont récemment multipliées dans les média au sujet de la crise écologique-climatique-économique. Et cette multiplication ne fait que confirmer un sentiment ancien : le cri d'alerte est là, l'élaboration d'une réponse...non.
Ou du moins, cette réponse se fait tous azimuts, et parfois sous des formes purement incantatoires, voire régressive (voir notamment l'appel néo-malthusien récemment publié dans Le Monde).
Mais une chose, une chose importante, me gêne dans ce texte, au-delà du paradoxe d'une tribune anti-tribune... Lordon semble s'auto-consacrer comme quelqu'un qui sait où se trouve la solution, et que de ce point de vue sublime et vrai il peut rire des efforts des autres.
J'ai le plus grand respect pour travail, et je suis souvent d'accord avec ses indignations. Mais dans ce texte il ne fait que trahir la douloureuse situation dans laquelle il se trouve : il n'en sait pas plus que nous, que vous.
Bien sûr il y a le mot clé : le capitalisme, à détruire. Mais venant d'un économiste, de quelqu'un qui plus est pour qui l'économie est une science sociale, c'est un peu court il me semble.
Il y a mille raisons de détruire le capitalisme, elles existaient avec qu'il ne finisse par enclencher ce qu'il aime appeler le capitalocène. Alors quoi de neuf sous le soleil ? Qu'est-ce qui change avec le changement climatique ? Rien ? Je ne le pense pas.
Et je n'aurais jamais la prétention d'affirmer que tout est clair dans cette histoire. Lordon dit que dans la situation présente « les termes du conflit fondamental devraient être aiguisés comme jamais ». C'est très juste.
Mais, désolé d'avoir à le dire : qu'a-t-il fait pour aiguiser les termes de CE conflit ? Du moins de la forme nouvelle que prend le conflit social à l'âge du capitalocène. Quelle contribution donne-t-il à l'implication des dynamiques écologiques dans l'économie politique ?
Dans son texte, Lordon nous assène une vérité absolue qui est absolument inqualifiée, seulement suggérée, et elle ne sera comprise d'ailleurs que par les happy few de la critique radicale.
Je n'ai aucun doute sur le fait que l'on puisse tirer de son travail d'économiste quelques pistes à creuser pour réfléchir au problème écologique. Mais ce texte affiche un mépris inacceptable pour bcp d'entre nous qui le font tous les jours, ou qui essaient.
Il tourne en dérision ce texte par exemple :
liberation.fr/debats/2018/09…
liberation.fr/debats/2018/09…
C'est une erreur monumentale de sa part. Ce texte, malgré défauts, est d'une importance capitale dans l'histoire de l'écologie politique : il démontre la crédibilité d'une option décroissante en Europe, d'une critique radicale qui n'est pas une critique impossible.
Lordon se moque aussi des scientifiques des sciences naturelles, auxquels il reproche de n'être pas politisés. On passe sur la généralisation vraiment...regrettable. Mais c'est tout simplement erroné : les sciences de la terre et du climat sont le foyer d'une nouvelle politique.
La condescendance qu'il affiche envers cette politique des sciences prouve l'invalidité profonde de son point : il a manqué la nouveauté des liens entre autorité scientifique et autorité politique dans l'affaire climatique.
Bref. Si Lordon se montre ainsi suffisant, c'est parce qu'il pense que la critique anti-capitaliste classique est suffisante pour traiter la question écologique. C'est à mon sens une erreur très grave.
Nous sommes plusieurs à essayer d'actualiser le sens de la critique, à essayer de montrer comment l'esprit du socialisme peut nourrir encore les luttes présentes et à venir.
Alors qu'un économiste qui manifestement n'a pas fait cet effort vienne dire depuis son promontoire ultra-critique et ultra-pur que tout le monde se trompe, ce n'est vraiment pas supportable.
pour rire : @Gjpvernant @BrunoLatourAIME @AuroreLalucq @MaximCombes @PBocquil @StefanAykut @SebDutreuil , etc.
