Thread by @arnaud_goujon

Ce #8mai est l’occasion de vous raconter une histoire extraordinaire.
À dérouler ⬇️⬇️⬇️

Printemps 2004, 2e escadron du 1er Etranger de Cavalerie, un ancien legionnaire demande à venir saluer le fanion de son ancienne unité.

Il fond en larmes. Il faut le remonter un peu et c’est un café à la main qu’il se met à raconter une histoire hors du commun.

1938, Casablanca. Le jeune Delmar Calvert, fils d’un couple franco-américain en rupture, décide avec son frère de fuir sa famille en s’engageant à la Légion. Seule problème : il a... 15 ans !

Il ne trompe guère le médecin lors de la visite d’aptitude mais, bonne pâte, celui-ci lui laisse une chance : s’il réussit la marche de force, il est engagé. De forte constitution, le jeune Calver surmonte l’épreuve.
Il est légionnaire avec son frère. A 15 ans.

Les deux frères font ensemble la campagne de 1940, affectés sur le même canon antichars, au sein du groupe de reconnaissance divisionnaire 97, qu’arme le 1er Etranger de Cavalerie.
Les deux frères, cités à deux reprises, reçoivent la Croix de Guerre.

Le régiment est rapatrié au Maroc après l’armistice. Le légionnaire Calvert mène une calme vie de garnison quand, en novembre 42, a lieu le débarquement américain en Afrique du Nord.

Calvert ne veut pas combattre contre son pays. Les forces françaises étant étroitement surveillées par la commission d’armistice allemande, il n’a d’autre choix que de déserter nuitamment, avec l’accord de son officier.

Voici Delmar Calvert soldat dans l’US Army. Pendant la campagne de Tunisie, Patton se fait présenter celui qui est une figure dans dans son unité. Calvert est un soldat aguerri, il parle français. Patton lui propose de rejoindre l’OSS, ancêtre de la CIA.

Calvert est affecté au groupe Justine, parachuté sur le Vercors. Il y forme les maquisards à l’emploi des armes les plus récentes.

Il combat lors de la bataille du Vercors, en juillet 44, aux côtés des unités du maquis. Il échappe par miracle à l’encerclement et parvient à rejoindre les lignes américaines dans la vallée du Rhône.

Au repos à Marseille, il apprend son affectation en Indochine, où l’OSS soutient le mouvement d’un certain Ho Chi Minh. Un chauffard règle le problème de conscience qui se pose à Calvert : écrasé par un camion dans une rue marseillaise, il est reformé définitivement.

Voici Calvert rendu à la vie civile. Il ne sait faire que trois choses : la guerre, de la musique et de l’escrime, qu’il a pratiquée à la Légion.

Il assiste un jour à une représentation de théâtre dont la scène d’escrime est tellement mauvaise qu’il fait des commentaires à haute voix.
Son voisin n’est autre que le metteur en scène... le voici engagé pour faire répéter les acteurs.

Delmar Calvert devient maître d’armes. Un des plus grands maîtres d’armes américains. Entraîneur de l’équipe nationale, il collectionnera dans les années 60 les titres mondiaux et olympiques.

Puisque tout est romanesque dans cette histoire, il faut raconter une dernière anecdote. Parachuté sur le Vercors, Delmar Calvert fut recueilli par une famille dont la fille avait bien du charme. Il revint donc après la guerre pour l’épouser !

Delmar Calvert, héros de la Légion étrangère et de l’armée américaine, a été fait chevalier de la Légion d’Honneur en 2004.

Delmar Calvert est mort il y a trois semaines, le 16 avril.

Nous quittant après sa visite, il avait prononcé ces mots extraordinaires :

“Quand j’ai quitté la Légion cette nuit de 1942, je pensais ne jamais la retrouver. Je ne voulais pas la quitter, mais il fallait que je parte” [...]

“Nous sommes comme des feuilles dans le vent de l’histoire. Alors merci de m’avoir permis de retrouver la Légion aujourd’hui. Je vous salue. “
Il salua et partit sans un mot de plus.

Pour terminer, une interview récente pour écouter Calvert raconter avec humour et humilité sa vie aventureuse :
vimeo.com/216744335

Legio Patria Nostra