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Le 21 février, vers 9h30, un groupe de 7 personnes s'est dirigé vers la mairie du Ve arrondissement de Paris. A 9h41 le premier groupe rejoint le deuxième et enfile des gilets jaunes. Ils portent un "sac noir dans lequel devait se trouver le portrait présidentiel".
La présidente décrit physiquement les personnes présentes et demande aux prévenus "Est-ce que c'est bien vous ?" ou "Est-ce que vous y étiez"?. Les prévenus confirment leur présence.
Sauf Etienne Coubard. "je n'ai trouvé nulle trace de votre présence, monsieur, dit la juge. Y étiez-vous ?
- Non, je n'y étais pas.
Et Alma Dufour : "Je n'y étais pas non plus".
"Que faisiez vous sur place ?" demande la présidente au journaliste Vincent Verzat. "J'y étais dans le cadre de ma profession, avec un ordre de mission de Mediapart."
"Je suis rentré avec mes confrères journalistes et nous avons rejoint les activistes à l'intérieur. Ensuite j'ai filmé à l'intérieur de la mairie".
Le procureur : "Sur des procès verbaux, il est dit que vous aidez à déplier une banderole?"
- Je n'ai pas déployé de banderole, mais je voulais qu'on comprenne ce qui se passait et la banderole était toute fripée donc j'ai défroissé la banderole #decrochonsmacron"
"On vous voit sur des photos tenir le dit-portrait, poursuit le procureur. Pour votre conseil, il s'agit d'un photomontage. Cette probabilité est effectivement plus que certaine. En quoi votre mission de journaliste nécessite cette mise en scène ?"
"Il s'agit d'une pratique courante dans le travail de journaliste, répond Vincent Verzat. Il s'agit d'une vignette qui montre un élément clef et mon visage pour que l'audience sache que je suis le journaliste qui a couvert l'action."
"Mais pourquoi cette mise en scène qui n'avait aucun intérêt journaliste, est-ce que ce n'était pas une revendication ?" insiste le procureur.
- "J'adhère totalement à ces actions pour le climat, mais je conteste que ce ne soit pas une pratique journalistique."
"Mais est-ce que ça ne peut pas occasionner une confusion dans l'esprit des citoyens entre les journalistes qui doit informer et une action ?, continue le procureur. Est-ce que vous ne vous dissimuler pas derrière votre activité de journaliste pour ne pas assumer ?"
Vincent Verzat : "Pas du tout, j'assume complètement d'être un journaliste militant. Mais j'ai expliqué le besoin professionnel de fabriquer une vignette."
Le procureur "Vous légendez une photo : "Ce matin on va rentrer là", ça n'est pas un début de revendication ça ?
La présidente à Félix Vève : "On vous voit entrer dans la mairie avec un sac noir, est-ce bien ça ? Vous pouvez nous raconter la suite ?"
- Nous sommes entrés dans la mairie, c'est là qu'on a décroché le portrait d'Emmanuel Macron."
"J'étais le porteur du sac, j'ai mis le portrait dans le sac."
- Qui l'emporte ?
- C'est moi.
- sur votre vélo ?
- oui.
- Vélo personnel ?
- Qu'on m'a prêté."
"Le portrait est-il toujours en votre possession ?
- Oui.
- Aviez-vous repéré les lieux ?
- non.
- Tout c'est passé comme vous l'aviez prévu ?
- Oui, de manière très rapide.
- Combien de temps ?
- 4, 5 minutes."
Emma Chevalier est appelée à la barre : "Voulez-vous ajouter quelque chose à ce qui vient d'être dit ?".
- "Moi, j'ai décroché le portrait présidentiel et je l'ai rangé dans la pochette.
- Vous portiez un gilet jaune ?
- Oui.
- Était-ce en signe d’allégeance au mouvement du même nom ?
- Non."
Pauline Boyer : "Les gilets jaunes symbolisent notre action citoyenne non violente. Le gouvernement ne respecte pas l'accord de Paris. Il met donc en danger la population qui va être impactée par le dérèglement climatique."
"Symboliquement, décrocher le portrait d'Emmanuel Macron, c'était laisser un mur aussi vide que sa politique", poursuit Pauline Boyer, coordinatrice d'Alternatiba.
"Etait-il nécessaire de commettre une infraction pour défendre votre cause ?" demande la présidente à Pauline Boyer.
- Je pense que oui. Le dérèglement climatique s’accélère et va être irréversible."
"J'ai signé l'affaire du siècle, fait plein de choses, mais je ne vois plus quoi faire d'autres que ce type d'action qui, certes, est illégale, mais qui interpelle le gouvernement et frappe les consciences."
"Grace à toutes ces actions - 128 portraits décrochés à ce jour - on a eu des retombées médiatiques très fortes et on a pu alerter. Je pense que la solution est collective et que nous devons rappeler au gouvernement sa mission."
Pauline Boyer : "Le gouvernement continue à prendre des décisions qui vont à l'encontre de l'accord de Paris, mais chaque minute compte !"
"Votre combat est louable madame, lance le procureur à Pauline Boyer. Mais est-ce que vous ne pensez- pas que les moyens pour y parvenir son erronés ?"
"De nombreux droits ont été arrachés grâce à des luttes non violentes, ils permettent de faire évoluer la société."
Le proc : "Imaginons que le maire de ma commune a une politique de traitement des déchets qui ne me correspond pas, est-ce qu'il m'appartiendrait par exemple de soustraire un véhicule de cette mairie pour faire changer la politique de la mairie ?"
"Quelles sont les limites ? Votre action constitue ni plus ni moins qu'une violation des règles de notre république", poursuit le procureur.
"Au delà du caractère fortement symbolique et médiatique, votre action n'apporte rien à votre combat, semble t-il".
"Le problème du dérèglement climatique, tout le monde doit d'en emparer, il nous concerne tous. J'ai essayé d'autres choses, je ne sais plus quoi faire. Chaque jour qui passe, de nouvelles personnes sont impactées", répond Pauline Boyer.
Donc la présidente du tribunal, le procureur et Pauline Boyer discuttent de l'impact et des limites de l'action militante. "Le mouvement social de l'hiver dernier n'a pas fortement convaincu les foules, dit la présidente. Certains ont donné des images de violence."
Cécile Marchand explique qu'elle tenait la banderole le 21 février. "On est face à un président qui ment, rassure la population en disant que tout en sous contrôle. Pour contrecarrer cette politique gouvernementale, on a déjà tenté beaucoup de choses, des marches, des pétitions."
"Concrètement rien ne se passe. On n'a pas d'autres choix, ça ne me fait vraiment pas plaisir."
- Vous pensez que ça peut infléchir la politique ?
- Je pense que ça fait partie de la solution."
Le procureur : "Vous avez l'intention de dérober l'intégralité des portraits présidentiels sur l'ensemble du territoire ?"
- Non, 125 comme le nombre de jours qu'il a fallu à la France pour dépasser son empreinte écologique."
"On a organisé la marche des portraits, qui nous a permis de faire le vrai bilan de la politique d'Emmanuel Macron pendant qu'il se pavanait au G7 en disant qu'il allait sauver l'Amazonie."
"On a pu dire à la presse internationale qu'il était à la fois pompier et pyromane".
On passe aux faits du 28 février.
Cette fois, c'était Étienne Coubard qui portait le désormais fameux "grand sac noir" dans lequel le portrait présidentiel avait été glissé. "Je suis reparti avec", explique le militant à la barre.
- A pied ?
- A vélo.
"Qui a décroché le portrait ?" demande la présidente.
- "C'est moi, répond Cécile Machand.
- Vous saviez que la salle serait ouverte ?
- Oui."
"Le sac a été apporté à votre domicile ?
- dans un endroit qui permettait de ne pas le localiser", répond Etienne Coubard.
"Est-ce que c'est vous qui aviez prévenu les journalistes ?
- Non."
Marion Esnault : "je voudrais juste ajouter qu'aujourd'hui c'est nous qui sommes poursuivis. Dérober le portrait présidentiel, c'est assez mineur par rapport au dérèglement climatique."
"Que se passera-t-il si, dans un an, le gouvernement n'a toujours pas changé de politique, allez-vous passer à une dégradation supérieure ? interroge la présidente.
- nous sommes dans une lutte pacifiste, de désobéissance civile."
L'avocat Michael Bendavid à Marion Esnault : "Peut être pourriez-vous expliquer au tribunal ce qu'est la non violence ?
- le tribunal sait ce qu'est la non violence, soupire la présidente, mais si vous pensez que cela peut être utile."
La présidente : "La restitution des portraits a t-elle été envisagée ?
- elle le sera quand le gouvernement prendra des décisions à la hauteur des enjeux."
45 minutes plus tard, toujours le 28 février dernier, un groupe d'une "dizaine" de personnes arrive à la mairie du IIIe arrondissement de Paris.
"Un préposé de la mairie s'est introduit dans la pièce où vous vous trouvez pendant votre action", explique la présidente du tribunal.
"Vous vous dites non violent, comment expliquez-vous ce témoignage ?", demande le procureur à Thomas Galtier. Il lit le témoignage du préposé à la mairie : "Il y a eu une tentative d'intimidation physique par un individu assez virulent."
"C'est exagéré, répond Thomas Galtier. Je suis resté très calme. Je pense qu'il était paniqué, il a suréagit à notre présence devant lui. Je ne comprends pas pourquoi il s'est senti menacé."
"Il ne porte pas plainte, il n'y a pas eu de violence", poursuit Thomas Galtier.
"Ça n'est pas une tribune, on est là pour juger des faits", s'agace un peu la présidente alors que l'une des prévenus souhaite présenter l'action du mouvement ANV-COP21.
"Toutes les personnes concernées ont été formées à l'action non violente", explique les prévenu.es
- Donc vous êtes interchangeables si je puis dire, note la présidente.
- Formés par quel type d'organisme ? interroge le procureur (rires dans la salle)
- ANV-COP21.
La présidente va pour donner la parole au procureur pour ses réquisitions, mais est interrompue par les avocats de la défense : "il reste les témoins et la vidéo."
On passe donc à la vidéo.
On y voit effectivement le journaliste Vincent Verzat "défroisser" la banderole, comme il l'a expliqué au début de l'audience.
Le journaliste de @brutofficiel Remy Buisine est appelé à la barre comme témoin.
@brutofficiel "C'est la première fois que je suis témoin, j'ai été convaincu (de venir témoigner) parce que les accusations qui sont reprochés à Vincent n'ont rien à voir avec ce que j'ai vu ce jour là. On était là pour suivre cette action."
@brutofficiel "Quand un journaliste filme, c'est assez inadéquate qu'il se retrouve sur le banc des accusés", poursuit Remy Buisine.
@brutofficiel "Est-ce que vous avez noté quelque chose dans son comportement qui explique qu'il soit sur le banc des prévenus et vous en tant que témoin ?, demande l'avocate de Vincent Verzat.
- Non, pas particulièrement, je n'ai vu aucun geste qui pourrait définir une participation."
@brutofficiel "On est là pour filmer une action d'actualité majeure, pas pour y participer, c'est une question de liberté de la presse."
@brutofficiel "On peut avoir un soutien idéologique pour les actions que l'on filme, mais c'est important de mettre la frontière entre ce qu'on peut penser et notre travail de journaliste pour lequel on n'est pas partie prenante de ce qui se passe."
@brutofficiel "On peut être journaliste sans carte de presse", rappelle Rémy Buisine.
@brutofficiel "Que pensez-vous du photomontage ? demande le procurueur à Rémy Buisine.
- Ca n'est pas une réalité.
- Mais qu'en pensez-vous professionnellement ?
- je ne l'aurais peut être pas fait, mais je ne suis pas dans le jugement. Chacun fait comme il veut."
@brutofficiel Célia Blauel, adjointe à la mairie de Paris en charge de la transition énergétique et du climat, est appelée à la barre comme deuxième témoin.
@brutofficiel "Je partage ce constat d'urgence à agir. Il y a ceux qui ont les leviers de pouvoir, nous les politiques, et une frange de la société civile qui nous pousse à agir."
@brutofficiel La présidente du tribunal cite René Dumont, candidat à la présidentielle de 1974, qui "avait déjà donné les éléments pour comprendre ce qui se passe aujourd'hui".
@brutofficiel "A Paris, on a mis 40 millions d'euros pour cette politique et pourtant nous ne sommes pas encore à la hauteur. Il faut vraiment qu'on arrive à avancer toutes les politiques publiques ensemble : l'Etat, l'Europe, les villes" poursuit Célia Blauel.
@brutofficiel "Il n'y a pas que les particuliers, la coupe la présidente. De simples particuliers peuvent changer leurs fenêtres pour avoir une meilleure isolation."
@brutofficiel "Je suis une indécrottable optimiste, mais il faut changer d'échelle", poursuit l'élue (imperturbable).
@brutofficiel - "Que pensez-vous que ce type d'actions ?
-Ce n'est pas le mode d'action que j'ai choisi, mais oui je pense que ce type d'actions peut accélérer une prise de conscience de la population."
@brutofficiel - "Vous-sentez vous interpellée comme élue par ce type d'actions ? demande l'avocat Alexandre Faro.
- Oui je me suis sentie interpellée, mais je l'ai aussi vu comme un soutien à la mairie de Paris. C'est une confirmation de la nécessité d'interpeller en plus haut lieu."
@brutofficiel "Je peux comprendre la frustration, alors que nous connaissons les solutions".
@brutofficiel "Avez-vous pensé, à la mairie de Paris, à vous constituer partie civile ?
- Non, la mairie de Paris n'a pas souhaité se constituer partie civile. Nous ne nous sentons pas particulièrement victime dans cette affaire."
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