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Pour finir cette semaine, quelques réflexions sur le métier de chercheur et l'évolution de la vision ce métier au cours de ma progression.
Je me suis dit que c'était important parce qu'une amie post-doc m'a envoyé ce titre d'article sur WhatsApp. "Je ne peux pas croire qu'ils me paient pour m'amuser : le privilège d'être un scientifique" 
Qui, je dois avouer nous a bien fait rire. Je n'ai pas encore eu accès a l'article intégral, mais je compte bien mette la main dessus.
Au début de mes études, j'avais a peu près la même vision : apprendre, comprendre et éventuellement retransmettre des choses - et être payé pour- c'est un peu la vision idéale que j'avais du métier de chercheur.
Et pendant longtemps, je pensais avoir le meilleur métier du monde. Sérieusement. Je pense encore que c'est un superbe métier. Si on regarde de l'extérieur, les gens me disent : "Wow, t'es payé pour te casser la tête, ne pas compter tes heures, mélanger de l'eau avec de l'eau"...
Et je balayais ces remarques d'un revers de main en leur expliquant que les c'était passionnant, que la frontière de l'inconnu reculait grâce aux chercheurs, etc etc...
Mais être chercheur en 2019, ce n'est plus comme être chercheur au siècle dernier. La recherche est de plus en plus hiérarchisée, les strates administratives sont de plus en plus lourdes...
Il y a de moins en moins de financements publics, de plus en plus de pression pour publier... Des chercheurs qui autrefois créaient leurs expériences et les menaient soient désormais à 90% du temps assis à leurs bureaux à demander de l'argent.
Et avec toute cette pression, transmettre les sciences aux autres - au grand public- est devenu optionnel. On a l'impression qu'il y a de la communication partout, que tout le monde en fait.
C'est très largement faux. Et ceux qui y consacrent du temps ne sont pas forcément bien vus par leurs pairs. Ils le font forcément au détriment de leurs carrières...
Parce qu'actuellement la carrière dépend du nombre d'articles publiés et de leur impact factor, plus que du reste. La carrière est individuelle. Chaque chercheur doit avoir son idée, son projet, sa publi en première auteur.
En quelques dizaines d'années, ce qui devait être un métier basé sur l'effort collectif, le partage des connaissances, la liberté intellectuelle est devenu un métier compétitif, individualiste, où chaque projet doit être justifié par son utilité et son rapport sur investissement.
Le scientifique idéal 2.0, la "jeune" génération doit être un MacGyver capitaliste et commercial sous pression constante, qui sait vendre du rêve à des investisseurs pour avoir le droit d'obtenir un salaire et de quoi travailler.
La science start-upifiee, mais dans un cadre institutionnel rigide. Aujourd'hui il est presque plus facile pour un jeune docteur d'avoir des sous pour un projet de recherche associé à un produit fictif "livrable" qu'on vend a des financeurs qui n'y connaissent rien.
Que pour un directeur d'équipe expérimenté d'etre financé par des institutions officielles sur un dossier savamment documenté, réfléchi, élaboré, mais qui fait "juste" progresser les connaissances.
Et c'est un peu dommage comme tendance. Je ne vous parle plus du fait qu'avec le peu d'argent, on paye la main d'oeuvre en doctorants et en post-doctants qui portent sur leurs épaules la charge de faire un bon article pour eux et pour la réputation du laboratoire...
Et qui se mettront gentiment la pression puisque dans ce système, leur carrière en dépend.
Ces même chercheurs qui savent qu'ils ne vont rester que quelques mois ou années avant de devoir trouver un autre labo, un autre projet, une autre équipe.
On peut se dire que c'est super, les chercheurs voyagent, voient d'autres cadres de recherche tout ça... Mais imaginez si dans votre entreprise vous deviez re-former une nouvelle personne chaque année à un nouveau domaine de la biologie
Elle met 1 mois a refaire la bibliographie, 2 mois a prendre ses marques et être autonome... Et ensuite seulement peut être qu'elle commencera a prendre ses marques... Ce qui lui laisse moins d'une année pour faire assez d'expériences et "produire" du résultat.
Avant de s'en aller elle aussi et de devoir passer la main a quelqu'un qui n'aura pas forcément bénéficié d'un tuilage...
Bref c'est un système qui vise la productivité à tous prix, mais qui dans sa logique même est très sub-optimale.
Et même si j'adore la science, profondément, et fondamentalement parce qu'elle me passionne. Je sais que je vais la quitter bientôt, au moins pour un temps, en tant que chercheuse.
Parce qu'on nous paye pour nous amuser, peut être, comme le dit le fameux article au début... Mais comme tous les métiers, c'est pas toujours rose. Et le système épuise et fait déchanter pas mal de professionnels du milieu...
Et tout ça, on oublie souvent de le dire à la future relève. Si c'est un métier passionnant, c'est aussi un métier dur, pour lequel il faut constamment se battre et se dépasser. Vous aimerez ou vous détesterez, mais soyez avertis avant de vous y lancer.
Voilà, mes trois tweets changeront pas le système, mais au moins, vous sachez. Je vous souhaite à tous un très bon dimanche, et si vous avez des questions sur la vie et la science, hésitez pas à venir me DM sur @EleaHeberle !
Que la science soit avec vous !
