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Aujourd'hui ça cause intestin, bactéries et cerveau. Ça se passe ici 👇
Vous vous souvenez de la magnifique image d'intestin avec son innervation. En voici une autre:
Il s'agit d'une coupe d'iléon, la partie la plus distale de l'intestin grêle. On a effectué une coupe très épaisse (80 µm) pour pouvoir avoir la totalité de l'épaisseur des villosités. Et ensuite grâce au microscope confocal on peut reconstruire cette image en 3D.
Voici la même image légendée pour comprendre:
Vous voyez bien, toute cette masse rouge représente l'innervation de l'organe. C'est un organe extrêmement innervé. Et cette innervation est cruciale, elle régule la sécrétion, la motilité, le flux sanguin...
On avait déjà parlé de l'innervation INTRINSÈQUE (le système nerveux entérique). Aujourd'hui on parlera innervation EXTRINSÈQUE.
Oui, car en plus de son propre système nerveux, l'intestin est relié au système nerveux central par des nerfs périphériques. Ces fibres nerveuses peuvent faire synapse avec le SNE ou alors projecter directement dans la muqueuse intestinale.
L'anatomie du système est la suivante (image tirée de mon manuscrit de thèse):
En rouge sur l'image, c'est l'innervation par le système parasympathique. Dans ce cas, les ganglions (là où se trouvent les corps neuronaux) sont loin de l'organe cible. Le neurotransmetteur est généralement l'acétylcholine.
En vert, c'est l'innervation sympathique. Dans ce cas, les ganglions se trouvent collés à la moelle épinière. Le neurotransmetteur est généralement la noradrénaline.
L'innervation parasympathique est essentiellement le fait du NERF VAGUE (celui-là même qui fait les malaises vagaux). Il s'agit du nerf crânien X, celui qui innerve notamment les viscères. Les corps cellulaires sont situés à la base du cerveau, dans le ganglion nodose.
Une petite partie de l'innervation parasympathique est le fait de nerfs qui partent directement du sacrum vers le rectum et qui sont impliqués dans les mécanismes de défécation. On n'en parlera pas aujourd'hui.
L'innervation sympathique est quant à elle assurée par les nerfs grand et petit splanchnique (et toujours le rectum par une innervation différente, qui affecte également la vessie).
La plupart de ces nerfs sont mixtes, c'est-à-dire qu'ils ont une composante motrice (du système nerveux central vers la périphérie) et une composante sensorielle (de la périphérie vers le système nerveux central).
On parlera essentiellement du nerf vague aujourd'hui, parce que c'est le mieux connu. Cependant, l'innervation sympathique est tout aussi importante.
L'intestin transmet donc au cerveau des informations (par exemple sur la teneur en calories/sucres/lipides d'un repas). Ces informations sont reprises par le cerveau au niveau du TRONC CÉRÉBRAL, une partie distale de de l'encéphale contenant notamment le complexe vagal dorsal.
L'intestin répond aux nutriments notamment par la sécrétion d'hormones. Un certain nombre de ces hormones est capable d'activer le nerf vague et démarrer cette communication.
Puis le cerveau intègre tout ça, notamment au niveau de l'hypothalamus et répond au signal. Par exemple, j'ai mangé gras, le cerveau répondra par un signal de rassasiement, qui coupera la faim.
Et notre microbiote dans tout ça??? Patience chers amis. Vous vous souvenez des souris axéniques, celles qui n'ont pas de microbiote? Elles ont été très utiles pour comprendre comment les bactéries permettent à l'intestin de communiquer avec le cerveau.
Si on compare une souris avec un microbiote à une souris sans microbiote, on observe les choses suivantes chez la souris sans microbiote:
- Une myélinisation plus forte du cortex
- Une perméabilité décrue de la barrière hémato-encéphalique
- Une augmentation de la neurogenèse adulte dans l'hippocampe
Et surtout ces souris ont un comportement bizarre: ces souris sont extrêmement sensibles au stress et à l'anxiété et ont des déficits cognitifs.
Je me souvient par exemple en post-doc qu'il fallait les entraîner particulièrement pour trouver la nourriture parce qu'elles n'y arrivaient pas par elles-mêmes.
On peut donc imaginer que ces problèmes viennent d'une communication entre intestin et cerveau qui à l'état "normal" (avec des bactéries) est activé par le microbiote intestinal.
En 2011, par exemple, on retrouve une publication dans PNAS (Bravo et al.). Dans cette étude, des souris sont supplémentées avec une souche de Lactobacillus rhamnosus, ce qui améliore le stress et l'anxiété.
Mais si, chez ces mêmes souris, on coupe le nerf vague par chirurgie, c'est la misère! On les retrouve de nouveau anxieuses et stressées.
Et on a même pu aller plus loin. Avant de vous expliquer, je vais vous présenter la technique qui a révolutionné les neurosciences ces dernières années: l'optogénétique.
Pour expliquer rapidement, on fait exprimer dans certains neurones spécifiques une protéine bactérienne, la channelrhodopsine, qui s'ouvre à une certaine longeur d'onde. Si on excite la région cérébrale à cette longueur d'onde, le neurone est excité et on active la région.
Donc des scientifiques ont utilisé cette technique pour faire exprimer cette protéine dans les régions où est relayée l'information du fameux nerf vague (le tronc cérébral!).
L'article dont je parle se trouve ici:
doi.org/10.1016/j.neur…
On a traité des modèles de souris présentant des spectres autistiques avec une bactérie, Lactobacillus reuteri. Et on a vu que cette bactérie avait le même effet qu'activer le tronc cérébral par optogénétique.
En gros, une information était transmise du microbiote vers le nerf vague, puis du nerf vague vers le tronc cérébral, et du tronc cérébral vers l'aire tegmentaire ventrale, où se trouve la grande majorité des neurones à dopamine.
Et moi dans tout ça? Pendant ma thèse, nous avons démontré que certains métabolites produits par le microbiote, les acides gras à courte chaîne, pouvaient activer ces communications intestin-cerveau, et ceci permettait de mieux réguler la balance énergétique.
Maintenant, une partie du projet vise à comprendre comment le microbiote communique avec le cerveau dans le contexte de sous-nutrition chronique. Notre laboratoire étudie ces contextes de stress nutritionnel, qui résultent en des retards de croissance notamment.
Mais on sait aussi que les enfants ayant subi des périodes de sous-nutrition présentent des déficits cognitifs à l'adolescence. Et ceci est également vrai chez les souris.
La question est donc: est-ce que si je modifie l'environnement microbien d'une souris en sous-nutrition je peux améliorer ses performances cognitives?
Je n'ai pas la réponse, j'espère l'avoir un jour.
Merci d'avoir suivi aujourd'hui. Demain je reviens pour parler de 3 choses: microbiote et SNE (❤️), probiotiques et pour discuter un peu avec vous des façons qu'on a en tant que scientifiques de se tenir informés des avancées.
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