Ce qui est sidérant avec les affaires de violences sexuelles impliquant des célébrités, c'est leur capacité à imposer une version fausse des événements. Prenons Polanski. Que lui reproche-t-on déjà ?
En écoutant Polanski et ses défenseurs, on comprend que ce que lui reprochent ces puritains d'américains, c'est juste d'avoir couché avec une mineure. Reprenons la suite des événements.
Samantha Geimer, 13 ans, pose pour lui, avec l'accord de sa mère, car il lui a promis de faire d'elle une star (la photo, c'est elle à 13 ans, vérifiez vous-même, si comme le dit Finkielkraut, elle a l'air d'une adulte). 
Une 1ère séance photo, au cours duquel elle pose seins nus à la demande de P. (sans qu'elle n'ose le dire à sa mère), puis une 2ème séance, qui se passe dans la maison de J. Nicholson, prêtée à P. pour l'occasion.
À l'arrivée, P. lui propose du champagne, et lui laissera continuer à en boire tout au long de la séance. Au bout d'un moment, il lui propose de partager une pillule de Quaalude, un sédatif. S. refuse une fois, puis accepte.
P. dit vouloir photographier S. dans le jacuzzi, et lui demande d'appeler sa mère pour lui demander de retarder son retour, ce qu'elle fait. Pour rentrer dans le jacuzzi, elle se met en culotte ; P. lui demande de la retirer, elle obtempère.
P. prend plusieurs photos, puis se met nu et rentre lui aussi dans le jacuzzi. S. s'éloigne de lui. P. lui demande de venir près, elle refuse. Elle prétexte alors avoir de l'asthme pour sortir du jacuzzi (elle n'a jamais fait d'asthme).
P. lui propose alors d'aller dans la piscine ; elle refuse deux fois, puis finit par accepter. Elle fait une longueur pour obéir, puis sort et file se sécher/rhabiller. P. l'amène dans une chambre et lui demande de s'allonger sur le divan.
Elle lui dit qu'elle veut rentrer chez elle pour prendre ses médicaments, P. lui répond "bientôt". Il commence à l'embrasser, elle dit "non" à plusieurs reprises.
P. commence alors à lui faire un cunnilingus (S. ne connaît même pas le mot, elle se trompe en parlant de "cuddliness" dans son témoignage), puis la pénètre (pendant tout ce temps, S. continue à répéter "non" régulièrement).
P. finit par lui demander si elle prend la pillule, et quand étaient ses dernières règles. Elle est incapable de répondre. Il lui demande si il peut la sodomiser, elle répond "non". Il le fait quand même.
À ce moment, la compagne de Nicholson, qui vient de rentrer, frappe à la porte. P. s'interrompt, file à la porte expliquer qu'il est en train de s'habiller, puis retourne terminer son viol. Ensuite, P. part s'habiller.
Terrifiée, S. s'habille, sort et file s'installer dans la voiture pour y pleurer. P. finit par la rejoindre et la conduit chez sa mère. Sur la route, il lui dit "Oh, ne raconte pas tout ça à ta mère. Et à ton petit ami non plus."
Puis : "tu sais, quand je t'ai rencontré, je m'étais promis que je ne te ferais rien de la sorte." Une fois rentrée, S. part s'enfermer dans sa chambre. Elle appelle son petit ami en larmes, lui demande de venir. Quand il arrive, elle lui raconte tout.
Sa sœur surprend la conversation, prévient sa mère, qui porte plainte le soir même.
On est loin du sexe quasi-consensuel avec une presqu'adulte tel que vendu par P. et ses proches, non ? Tout ça est issu du témoignage de S. qui est consultable publiquement. haoui.com/newsletter/200…
Conclusion : méfiez-vous toujours de la parole des agresseurs. Ce schéma se répète : un agresseur riche et puissant exploite son accès privilégié à la parole publique pour imposer une version édulcorée de ses actes, sans lien avec la réalité.
On retrouve cette même défense dans les affaires Besson, Maalouf, Weinstein ou Allen : l'admission d'une faute mineure (infidélité, non respect de l'âge du consentement, promotion canapé, mariage avec la fille de son ex) permet de faire l'impasse sur le viol ou l'agression.
La dissymétrie d'accès aux médias fait le reste : la victime ne sera pas invitée aux mêmes radios et télés, et la vérité ne sera pas rétablie. Ce que je trouve incroyable, c'est que les journalistes et animateurs ne donnent pas l'impression de comprendre ces mécanismes.
A minima, leur rôle devrait être de rappeler les éléments factuels, et de confronter la parole de l'accusé au témoignage de la victime. En le laissant dérouler sa version sans contradiction, ils prennent de fait partie pour l'accusé.
N.B. : Je n'évoque dans ce fil qu'une seule des 12 femmes qui ont dénoncé des violences sexuelles de la part de Polanski.
