Savez-vous que quelques mois avant la 2nde #guerre mondiale, l'Allemagne débute un programme #nucléaire secret appelé « Uranverein » ou « club de l'uranium » ?
Thread 1 : Naissance et développements du programme nucléaire nazi
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1/ Avant-propos : Comme d’habitude, ce thread n’a pas vocation à être exhaustif. Merci à tous et toutes de m’avoir poussé à faire des recherches (passionnantes !) sur ce sujet et à @PopulusRe pour les docs !
Ce thread sera le 1er d'une série de 3.
C'est parti !
2/ Après la découverte du neutron par James Chadwick (photo) en 1932, une course contre la montre s’organise dans différents laboratoires européens : Ernest Rutherford (Royaume-Uni), le couple Joliot-Curie (France), Enrico Fermi (Italie), Otto Hahn et Lise Meitner (Allemagne).
3/ Ces scientifiques partagent leurs découvertes dans des publications et congrès. Sur cette photo du congrès de physique de Solvay de 1933, l’allemand Werner Heisenberg (Prix Nobel de physique 1933) est à côté de Frédéric Joliot-Curie (Prix Nobel de Chimie 1935).
4/ Dans les années 1930, l’arrivée au pouvoir des nazis entraine le départ d’Europe de physiciens et chimistes juifs, comme Albert Einstein ou Eugene Wigner. Enrico Fermi (sa femme est juive) fuit l’Italie de Mussolini (Vidéo : Hitler reçoit Mussolini en Allemagne en 1937).
5/ En Allemagne, Werner Heisenberg (vidéo de 1933) est accusé de favoriser le développement d’une « physique juive ». Fervent patriote tout en n’étant pas membre du parti nazi, il décide de rester en Allemagne malgré les propositions anglo-saxonnes.
6/ En décembre 1938, Otto Hahn et Fritz Strassmann, à l'institut Kaiser Wilhelm de Berlin, réussissent à fragmenter de l'uranium en 2 noyaux plus légers. C’est la première fission #nucléaire de l’histoire. Lise Meitner et Otto Robert Frisch fournissent l’explication théorique.
7/ Niels Bohr, un physicien Danois (prix Nobel 1922), annonce en février 1939 la nouvelle dans une conférence aux USA. La communauté scientifique prend conscience de la possibilité de produire une réaction en chaîne pouvant libérer une quantité d'énergie colossale.
8/ Cette possibilité est démontrée expérimentalement par l’équipe de Fréderic Joliot-Curie, (Lew Kowarski et Hans von Halban). Les français déposent en 1939 des brevets pour la production d’électricité mais également de charges explosives « nucléaires ».
9/ Au printemps 1939, les Ministères allemands de la Guerre du 3éme Reich, de l’éducation et les services scientifiques de l’armée sont alertés par des scientifiques (notamment le physicien autrichien Paul Hartek en photo) de la possibilité de réaliser des armes dévastatrices.
10/ Dans la foulée, l’Allemagne débute un programme secret appelé « Uranverein » ou "club de l'uranium » pour exploiter la découverte de la fission. L’Allemagne interdit les exportations d’uranium des mines de Jáchymov dans la région des sudètes, annexée à l’Allemagne en 1938.
11/ Alors que la tension est à son paroxysme en Europe, le 2 août 1939, sous la pression d'Eugene Wigner et de Leó Szilárd, 2 physiciens Autrichiens, Albert Einstein rédige une lettre au président US Roosevelt pour l’avertir du potentiel de destruction d’une bombe atomique.
12/ Dans le même temps, Werner Heisenberg (cercle rouge) passe l’été 1939 aux USA et discute fission nucléaire avec ses collègues scientifiques, notamment Enrico Fermi (cercle bleu). A ce stade, Heisenberg n’est pas du tout impliqué dans l’Uranverein allemand.
13/ Le 1er septembre 1939, l’Allemagne d’Adolf Hitler envahit la Pologne, ce qui entraine, le 3 septembre, l’entrée en guerre de la France et L’Angleterre. C’est le début de la Seconde Guerre mondiale.
14/ Aux USA, suite à la lettre d’Einstein, un projet voit le jour dont l’objectif est, à terme, de produire une bombe atomique. A ce stade, les USA ne sont pas encore entrés dans le conflit et le projet est d’abord très modeste en moyens matériels, financiers et humains.
15/ A ce stade, l’Allemagne dispose d’une courte longueur d’avance dans le développement des applications de l’énergie nucléaire mais a perdu de nombreux scientifiques. L’Uranverein prend une nouvelle dimension, plus militaire, en septembre 1939.
16/ Le service central de la recherche et développement sur les armes, les explosifs et les munitions de la Wehrmacht (HWA), dirigé par le physicien Erich Schumann avec en son sein un « conseil de physique nucléaire » mené par le jeune physicien, Kurt Diebner.
17/ Un autre scientifique, Erich Bagge a pour mission de suivre de près les recherches sur la fission nucléaire.
L’objectif des militaires du HWA est clair : Concevoir des armes mobilisant la fission nucléaire.
18/ Si Schumann, Diebner et Bagge sont membres du parti nazi, ce n’est pas le cas de la plupart des scientifiques allemands du projet…
19/ Lors de la première réunion de l’Uranverein (septembre 1939), plusieurs scientifiques (Hahn (photo), Harteck, Bothe, Hoffmann, Stetter et Geiger) discutent, sans évoquer directement la bombe, des verrous technologiques à lever :
20/ Comment enrichir l’uranium naturel pour qu’il devienne de l’uranium 235 ? Pour cela, il faut séparer les « isotopes » pour d'accroître la quantité U235 dans un échantillon d'uranium naturel et favoriser la réaction en chaine (méthode des réacteurs modernes).
21/ Mais l'uranium 235 pur, obtenu par séparation isotopique, peut également servir d'explosif nucléaire…Enfin, comment, dans une machine conçue pour l’occasion, ralentir les neutrons et maîtriser/entretenir une réaction en chaine ?
22/ Pour répondre à ces questions, les scientifiques allemands choisissent de faire appel au plus respecté d’entre eux : le prix Nobel Werner Heisenberg. Heisenberg rend 2 rapports au HWA en décembre 1939 et février 1940.
23/ Il y évoque la possibilité de fabriquer une machine à uranium fonctionnant avec de l’uranium naturel (grâce aux 0,7% d’U235) à condition de disposer d’un modérateur peu absorbant : eau lourde ou graphite.
24/ Il estime à environ 40 tonnes la masse minimale d’uranium naturel dans un réacteur modéré par l’eau lourde ou par le graphite. Il précise également que cette machine fonctionnerait mieux avec l’uranium enrichi, et qu’elle pourrait alors utiliser de l’eau « légère ».
25/ Néanmoins, il ne parle pas explicitement de neutrons rapides, et n’aborde pas le cas d’une multiplication exponentielle des fissions, ce qui est la différence essentielle entre un réacteur et une bombe.
26/ Il reste donc à se procurer le matériel nécessaire. L’industrie allemande ne semble pas en mesure de produire à des coûts raisonnables du graphite avec la pureté requise…
27/ Seule l’usine de Norsk Hydro (Norvège) produit de l’eau lourde. Des espions français évacuent, en 1940, le stock d’eau lourde de l’usine devant l’arrivée des allemands.
28/ Fin 1939, les militaires du HWA commandent une tonne d’oxyde d’uranium à la société Auergesellschaft (Pub de 1944) qui gère les mines de Jáchymov. L'usine de l'Auergesellschaft à Oranienburg, au nord de Berlin, assure la production d’oxyde d’uranium.
29/ L’uranium est d’abord attribué aux laboratoires d’Henseiberg à Leipzig et de Bothe à Heidelberg. En parallèle, 3 pistes sont étudiées, notamment par le physicien/chimiste Paul Harteck, pour tenter d’enrichir et obtenir de l’U235.
30/ La spectroscopie de masse utilise le champ magnétique pour séparer les isotopes. Cette technique nécessite des accélérateurs de particules nommés « Cyclotrons ». Les allemands prennent par exemple possession du cyclotron parisien de Fréderic Joliot-Curie en août 1940.
31/ Une autre méthode pour enrichir l’uranium est la diffusion thermique dont des allemands de l’université de Munich (K.Clusius et G.Dickel) sont les inventeurs. Lors des premiers tests, des problèmes de corrosion liés à l’hexafluorure d’uranium sont observés.
32/ Enfin, la diffusion gazeuse est évoquée comme la 3ème piste avec un projet de construction d’une centrifugeuse par Konrad Beyerle. Pour aller plus vite, en parallèle, on mobilise les ressources directement disponibles : l’uranium naturel et l’eau lourde.
33/ En effet, après les conquêtes très rapides des allemands en 39-40, l’uranium et l’eau lourde semblent abondamment disponibles. Les allemands mettent la main sur les mines d’uranium du Congo belge après l’occupation de la Belgique en mai 1940…mais pas sur le stock d’uranium !
34/ Ils prennent également possession de l’usine norvégienne d’eau lourde de Norsk Hydro en septembre 1940. Mais l’usine, bombardée et attaquée plusieurs fois, aura du mal à produire les quantités désirées…
35/ Les allemands se lancent donc dès 1940 dans la construction de machines à uranium (Uranmaschine), les 1ères du monde. Nous en parlerons plus en détails dans le prochain épisode mais faisons un point conclusif sur le programme nucléaire des allemands au milieu de la guerre.
36/ Le projet « Uranverein », sous la tutelle militaire du HWA, est en fait un réseau de laboratoires, dont certains travaillent sur la recherche fondamentale (Walter Bothe à Heidelberg et Otto Hahn à Berlin) et d’autres sur des recherches plus appliquées (machines à uranium).
37/ D’autres programmes nucléaires sont lancés en Allemagne nazi, notamment par la poste allemande qui développe déjà des projets militaires (cryptage des télécommunications par exemple) autour d’un projet de cyclotron pour séparer l’uranium, porté par le physicien Von Ardenne.
38/ Une équipe « secrète » issue de l’Uranverein menée par Diebner, travaille sur un projet de réacteur sur le site militaire de Kummersdorf (photo). Enfin, reste à mentionner que la marine de guerre allemande travaille sur un projet de réacteur nucléaire pour ses sous-marins.
39/ En 1941, l’Allemagne a donc plusieurs programmes nucléaires en cours, sans feuille de route très précise et avec plusieurs équipes rivales. En 1941 à Copenhague, Werner Heisenberg informe Niels Bohr des avancées allemandes, sans que ses intentions soient claires.
40/ Ce que nous savons, c’est que ce programme n’est pas la priorité militaire du 3éme Reich. L’ouverture d’un nouveau front à l’Est avec l’invasion de l’URSS en juin 1941 mobilise beaucoup de ressources. D’autres programmes militaires ont plus de succès auprès d’Adolf Hitler.
41/ Par exemple, les allemands débutent également le développement des missiles V2 par Wernher von Braun sur la station expérimentale de Peenemünde. Plusieurs milliers d'exemplaires seront lancés contre Royaume-Uni et en Belgique en 1944 et 1945.
42/ Dans le même temps, aux USA, la presse parle du projet nucléaire allemand dès juin 1940. Le projet atomique américain devient le gigantesque projet Manhattan, après l’entrée en guerre des USA suite à l’attaque japonaise de Pearl Harbor en décembre 1941.
43/ Les USA vont développer une seconde piste pour la bombe nucléaire, celle du plutonium, découvert le 14 décembre 1940 à l'université de Berkeley. Malgré les alertes de Carl Friedrich Freiherr von Weizsäcker (en photo) les allemands ne vont pas explorer cette piste.
44/ En Allemagne, loin de se douter des développements récents aux USA, c’est désormais le temps de l’expérimentation avec les premières « machines à uranium ». Les scientifiques allemands, qui sont les premiers au monde à construire des réacteurs nucléaires…
45/ Réussiront-ils à enrichir l’uranium ? Maîtriser la réaction en chaine ? Et finalement réaliser une bombe nucléaire ? Vous avez sans doute déjà la réponse…mais vous aurez plus de détails dans un prochain thread.
Barrières, distanciations, confinement, acceptabilité sociale, communication de crise…
Ça vous parle ?
Voici un thread « vulgarisé » sur l’histoire de la gestion du risque #nucléaire avec un focus sur la France et quelques parallèles avec le #COVID19.
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1/ Avant-propos : Il ne s’agit pas d’une histoire exhaustive et elle est en quelque sorte un peu « institutionnelle ». Malgré cela, ce thread est un peu long donc bon courage...
N’hésitez donc pas à le critiquer, compléter ou à poser des questions !
2/ La protection par l’éloignement du danger, qui fut à la fin du XVIIIe siècle, la première forme de gestion des risques industriels, a trouvé l’une de ses formes la plus aboutie dans l’industrie nucléaire.
Conseil lecture sur l’histoire des risques technologiques.
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Savez-vous qu’en 1967, dans une caverne au cœur des Ardennes, démarre un petit réacteur #nucléaire ?
Considéré comme une curiosité, personne n’imagine qu’il sera le précurseur du futur programme nucléaire français.
Thread : Chooz A, pionnier des REP.
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1/ Après les premiers réacteurs de recherche fin 40’s et 50’s, le programme nucléaire militaire et civil français se développe autour de la filière nationale des réacteurs dit « uranium naturel graphite gaz » (UNGG).
2/ Aux réacteurs militaires du @CEAMarcoule (G1, 2 (photo) et 3) vont s’ajouter les réacteurs électrogènes de @EDFCHINON (EDF1, 2 et 3) qui démarrent dans les 60’s. A côté de ces réacteurs UNGG, d’autres filières sont toutefois testées, mais de manière marginale.
Connaissez-vous les centrales nucléaire d’Erdeven, de Plogoff ou encore du Carnet ?
Non ? C’est normal ! Ces projets n’ont jamais vu le jour…
Thread sur les tentatives avortées de construction d’une centrale #nucléaire pour la #Bretagne…
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1/ Avant-propos : L’histoire de la lutte contre l’implantation d’une centrale #nucléaire est très longue donc ce thread est un récit très raccourci avec Plogoff en fil rouge. Vous trouverez à la fin quelques sources biblio pour aller plus loin.
C’est parti !
2/ Depuis 1967, la Bretagne accueille déjà un réacteur nucléaire à Brennilis mais il s’agit d’un petit réacteur à eau lourde refroidi au gaz carbonique :
Idylle atomique et uranique mélancolique, Salvador #Dali, 1945.
Technique : Huile sur toile
Dimensions : 66.5 x 86.5 cm
Une courte tentative d’analyse…
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1/ Dans ce tableau sombre, on identifie un avion, des bombes, une explosion et un visage meurtri. Ces éléments et le titre du tableau nous amènent logiquement à penser aux bombardements nucléaires d’Hiroshima et Nagasaki d’aout 1945 qui ont fortement marqué Salvador Dali.
2/ Mais, en regardant de plus près, il ne s’agit pas du tout d’une représentation réaliste de ces événements : on ne trouve pas de « champignon atomique » et l’avion semble plutôt lâcher des bombes « classiques ».
Savez-vous qu’en 1963 démarre « La boule de Chinon », le premier réacteur électronucléaire français ?
Comme souvent, l’apprentissage fut difficile avec de nombreuses batailles d’experts entre EDF et le CEA.
Thread sur la genèse du 1er réacteur #nucléaire de Chinon.
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1/ Après les premiers réacteurs de recherche fin 40’s et 50’s, le réacteur militaire G1 du CEA Marcoule produit en 1956 les premiers kilowatts-heures d’électricité et entrouvre la porte au #nucléaire civil en #France.
2/ EDF récupère alors l’énergie des réacteurs du @CEAMarcoule (G1, G2 et G3) pour la transformer en électricité. Il ne s’agit alors pas d’un réacteur nucléaire dédié à la production d’électricité mais plutôt de dispositifs expérimentaux produisant très peu d’électricité !
Savez-vous qu’en 1967, le général de Gaulle inaugure le Redoutable, premier sous-marin nucléaire lanceur d’engins français ?
Mais avant cela, il y a eu de nombreux échecs et apprentissages, dans un contexte géopolitique très tendu.
Thread : La genèse du Redoutable.
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1/ Après la 2nde Guerre mondiale, les #USA lancent un programme de sous-marins à propulsion nucléaire. Le 17 janvier 1955, l’USS Nautilus, 1er sous-marin avec un réacteur #nucléaire à son bord prend la mer dans le Connecticut.
2/ Equipé d’un réacteur à eau pressurisée (REP) « Westinghouse » à uranium enrichi (S2W 10 MW), ce sous-marin est une révolution : il peut vivre et combattre sous l’eau pendant plusieurs semaines.