Thread by @ChPiret

Au procès des #AttentatsJanvier2015 l'audience va reprendre pour la dernière semaine. Le verdict est attendu mercredI. Aujourd'hui, les derniers avocats de la défense vont plaider pour les accusés Mohamed-Amine Fares et Mickaël Pastor Alwatik. LT à suivre ici.

L'audience reprend. Me Safya Akorri se lève pour la défense de Mohamed-Amine Fares : "je suis inquiète de ce que nous sommes devenus. En quelques années, petit bout par petit bout, on nous a pris énormément."

Me Akorri : "ça a commencé par le plus visible et le plus violent : la chair, la vie de nos concitoyens. Ceux qui ne sont plus parmi nous et aussi ceux qui ne seront plus tout à fait les mêmes. Mais ensuite, ça a continué. Ca s'est fait par des lois et des débats nationaux."

Me Akorri : "et petit bout par petit bout, on nous a pris notre insouciance. Nous sommes un pays endeuillé, qui souffre. Et dans cette souffrance là, on se perd, on s'oublie."

Me Akorri parle en arabe. "Pardonnez moi de parler en langue arabe avant que les djihadistes ne la volent aussi. Cette langue, quand elle s'est invitée à cette audience [lors de l'audition de Peter Cherif, commanditaire présumé attentats, ndlr ], elle nous a glacés."

Me Akorri : "vous n'avez entendu personne en défense interroger les victimes. Parce que tous ici, devant les box, nous avons été tétanisés. En revanche, vous aurez entendu des avocats de parties civiles se lever et critiquer la parole des accusés. Indécente nous a-t-on dit."

Me Akorri : "l'accusé doit baisser la tête, prendre les coups. Il doit accepter des lectures biaisées du dossier. Parce qu'elle vient de gens lettrés."

Me Akorri : "regardez-les dans les boxes, dans les cages en verre. Il y a plus de policiers cagoulés que d'accusés. Monstre coupable ou innocent malheureux, je ne souhaite à personne de subir seul ces regards accablants."

Me Akorri : "Fares c'est le dernier homme, celui qui arrive le + tard dans le dossier. Celui pour qui l'instruction a duré 9 mois, moins que le délai légal d'un dossier correctionnel. C'est celui qu'une lettre anonyme dénonce dont on a jamais cherché à savoir d'où elle venait".

Me Akorri : "C'est celui qui n'a jamais rencontré Coulibaly. C'est celui dont on essaie de vous démontrer la culpabilité sans élément matériel. En disant : "regardez-le sourire sous son masque, s'il sourit c'est qu'il se moque de vous." En somme il a une tête de coupable."

Me Akorri : "même si les faits nous manquent, même si l'instruction ne le démontre pas, on reste sur l'idée que les armes partent de [Claude] Hermant, pour arriver à eux". Elle montre les accusés.

Me Akorri évoque la nièce de son client dont l'ADN a été retrouvé sur une arme et qui a déclaré aux enquêteurs "ils vont me tuer si je parle. J'ai peur pour moi, ils vont me démonter à sang".

Me Akorri : "Souliman c'est celui que vous n'avez pas vu. Qu'on n'a pas retrouvé. Monsieur Fares, et ça me glace, est ici en grande partie du fait de déclarations faites par quelqu'un qui n'aura jamais été confronté à lui."

Me Akorri énumère les sept versions différentes qu'a donné Souliman aux enquêteurs. Souliman, dont les déclarations ont été retenues à charge contre Mohamed-Amine Fares.

Me Akorri : deux semaines après la "5e version" de Souliman devant les enquêteurs : "une lettre anonyme, adressée à la juge d'instruction, intitulée : "Hyper Cacher - Mohamed Fares".

Me Akorri évoque le placement en garde à vue des proches de Mohamed-Amine Fares suite à ce courrier anonyme. "Sa petite amie, interpellée, menottée à 8 heures du matin, devant l'école [de sa fille ndlr]. C'est pas bien de lui retirer qu'elle a pleuré pendant les interrogatoires."

Me Akorri : "une grande partie des témoins ont été maltraités, n'ont pas été respectés. Il y a des épouses et des compagnes de personnes mises en cause qui n'ont pas été respectées à cette barre."

Me Akorri : "M. Fares est en garde à vue simultanément [que son ex-compagne, mère de leur fille, ndlr]. Il sait qu'elle est là. Et on ne veut pas croire qu'il se dise : "la mère de ma fille n'a rien à voir avec tout ça, il faut que je la sorte." Alors il va s'autoincriminer."

Me Akorri : "dans cette autoincrimination, il parle d'un AK47. Vous savez qu'il n'y a pas d'AK47 chez Coulibaly. Et moi je ne veux pas croire qu'une cour d'assises de magistrats professionnels retiendrait une déclaration en garde à vue, sans avocat, et sur laquelle il revient."

Me Akorri : "et puis, va arriver la dernière version de Souliman, lors de la confrontation. Et ça se passe très mal. On a une explosion de Souliman [face à Farès ndlr] : "c'est mon frère il m'a trahi. Ca n'a rien à voir avec la procédure, c'est personnel."

Me Akorri : "de toutes ces déclarations divergentes, gênantes, improbables, qu'il est impossible de corroborer, il ressort de tout cela que l'accusation à aucun moment n'a établi un lien entre Claude Hermant [fournisseur des armes ndlr] et Mohamed Fares"

Me Akorri : "l'acquisision, on ne vous l'explique pas. Le port et transport [des armes ndlr] on ne vous l'explique pas. Mais on vous demande de le condamner pour ces deux délits. Quand, comment, à quel moment? Par quel biais? Mais il va falloir le démontrer."

Me Akorri : "on vous demande 7 ans, 2/3 de sûreté, pour une infraction qui n'est pas démontrée. Et ensuite on vient comme un prince vous dire qu'il existe toujours des doutes et qu'il faut tirer des conséquences de ces doutes. On vous demande d'oublier qu'il n'y avait rien."

Me Akorri : "et puis on vous sort une lettre pour dire qu'il serait rentré dans une pratique rigoriste de l'islam. Une lettre, on en a ri, qui commence par "wesh ça va ou bien" et qui finit par "je l'ai fait tombé dans la cuvette des toilettes". C'est ça la lettre !"

Me Akorri : "vous allez l'acquitter. Parce que M. Fares c'est pas juste une figure à l'intérieur d'un box. C'est un être humain, certes avec une tête de menteur, qui rigole sous son masque. Il est dérangeant parce qu'il n'est pas dans les critères qu'on a l'habitude d'avoir".

Me Akorri : "monsieur Fares c'est une fratrie de 12 enfants. Quand ses parents se séparent il est tout petit. Il supporte par qu'on parle de sa maman. Mais sa soeur, elle vous dit que la maman est alcoolique. Et oui, il rentre dans le stup. Et devient un délinquant d'habitude."

Me Alorri : "je mets beaucoup d'attentes en vous. J'ai la naïveté de croire que notre justice est la plus belle des justices parce qu'elle est tangible. Elle a ses défauts, elle est comme nous, mais elle cherche à être la meilleure d'elle-même."

Me Akorri : "cette tête de menteur, de dealer, d'insolent, de tête à claques, je vais vous demander de ne pas oublier que c'est l'un des nôtres. Il est comme nous, il n'a juste pas pris le bon chemin. Il n'est pas au ban de la société."

Me Akorri : "j'ai fait du mieux que j'ai pu mais je sais que je n'ai pas été la hauteur de la charge que vous m'avez accordée. Je ne pourrai jamais effacer les 3 dernières années, la détention provisoire, la fracture familiale, la honte, la souffrance."

Me Akorri : "mais j'imagine que vous pourrez vous dire que c'est un peu la faute des terroristes parce qu'ils nous ont tout pris".

Fin de la plaidoirie de Me Safya Akorri. L'audience est suspendue quelques minutes avant les plaidoiries des avocats de Mickaël Pastor Alwatik, les dernières de ce procès.

L'audience reprend avec l'avocate historique de Mickaël Pastor Alwatik, Me Delphine Malapert. "Je suis appelée pourune garde à vue. J'achète en chemin un exemplaire de Charlie Hebdo. J'arrive, joviale, presque sereine. Et puis je comprends que quelque chose cloche"

Me Malapert : "et là, Mickaël Pastor arrive. Je ne le reconnais pas. Il est comme fou. Il me répète en boucle: "je n'étais pas au courant, je n'ai rien à voir avec ces horreurs". Et moi je lui réponds : "je suis Charlie". Deux fous de désespoir."

Me Malapert : "on a reproché à monsieur Pastor d'être dans l'intimité d'Amedy Coulibaly. Mais Mickaël Pastor n'a jamais pénétré dans l'appartement d'Amedy Coulibaly. Il n'a pas pu voir les sombres drapeaux de Daech, les libres sur la mécréance des gouverneurs."

Me Malapert : "on essaie de créer une proximité avec Belhoucine [autre accusé de ce procès ndlr] mais ce n'est pas démontré. On évoque une détention ensemble, mais ils n'étaient pas dans le même bâtiment !"

Me Malapert : "monsieur Belhoucine a son propre clan. Et Mickaël Pastor, il n'en fait pas partie de ce clan ! On voudrait vous faire croire qu'ils ont tenus des petites réunions. Mais ça n'a aucun sens ! Elle est où l'association de malfaiteurs terroriste?"

Me Malapert : "Moi, je ne veux pas agrandir le box, je veux qu'il y ait les bonnes personnes dedans, ceux qui invoquent Allah et refusent de parler à la cour, ceux qui sont passés entre les mailles du filet."

Me Malapert : "et puis, il va vous falloir des actes matériels. Et les actes matériels, dans l'OMA [ordonnance de mise en accusation, ndlr] ils n'existent pas."

Me Malapert : "les faits matériels, madame l'avocate générale l'a très bien dit, c'est le socle. Le socle de l'association de malfaiteurs. Mais sans le socle, tout s'effondre. Moi, je vais vous démontrer qu'il n'y a jamais eu de socle."

Me Malapert : "comment être serein quand on a été proche d'Amedy Coulibaly, qu'on a touché des armes? Comment être serein quand un pays entier est chamboulé? Alors il efface les messages, mais après les attentats. Avant, il ne sait pas ce qu'il va se passer."

Me Malapert : "alors le flou et le doute persiste, c'est vrai. Mais on ne peut pas être condamné sur du flou, du doute et des supputations."

Me Malapert : "Alors c'est exaspérant ses mensonges. Il le dit lui même : "bien fait pour ma gueule". Mais on ne condamne pas à 20 ans pour des mensonges.
Et il y a l'élément central que monsieur Pastor n'a pas fait disparaître : lui-même. Il n'a pas pris le large. Il est là."

Me Malapert : "de manière spontanée, Mickaël Pastor parle des éléments les plus importants. Il a parlé sur l'essentiel et il a aussi un peu collaboré puisqu'il a fourni aux enquêteurs une des dernières lignes d'Amedy Coulibaly."

Me Malapert : "dans ce dossier, il y a ceux qu'on croit et ceux qu'on ne croit pas. Il y a l'équipe des salafistes, eux on les croit. Mais l'équipe des anciens détenus, eux, on ne les croit pas."

Me Malapert : "il ne s'est rien dit à l'audience qui permette aujourd'hui de prouver que des armes ont été stockées par Mickaël Pastor. Rien dit."

Me Malapert : "le 3 janvier, Mickaël Pastor est sur son nuage. Parce que la veille, il a passé une bonne soirée avec des copains et copines. Et il passe deux heures à échanger des messages avec l'un des jeunes filles qui était là. Ils sont dans une phase de séduction."

Me Malapert : "le 5 janvier selon l'accusation, Mickaël Pastor passe l'après-midi avec Amedy Coulibaly qui n'est concentré que sur la préparation des attentats. A la lecture du dossier, les accusations ne sont absolument pas crédibles."

Me Malapert : "ça nous paraît fou à nous de monter dans une voiture et de sillonner l'Ile-de-France avec un copain car on n'a rien à faire. Mais on va feindre encore combien de temps d'ignorer que tout le monde n'est pas comme nous, tout ne monde n'a pas les mêmes repères."

Me Malapert : "il vous l'a dit : quand il voit les armes, il n'a plus envie de fréquenter Coulibaly. Il n'est pas bien, il est fuyant. D'ailleurs le 6 janvier, il va falloir de nombreuses tentatives d'Amedy Coulibaly pour parvenir à joindre Mickaël Pastor."

Me Malapert : "quand il touche ces deux armes, il est sidéré. Alors oui, il n'a pas agi en bon père de famille. Il y a de quoi écrire tout un chapitre sur la responsabilité de Mickaël Pastor sur le plan civil, la responsabilité morale."

Me Malapert : "et puis, en remontant dans la voiture où se trouvent les armes, l'infraction de détention d'armes est qualifiée. Puisqu'il sait, il les a touchées. C'est pour cela qu'on ne vous plaidera pas l'acquittement de Mickaël Pastor."

Me Malapert : "j'ai presque oublié de vous parler du gant". Elle sort alors un gant noir. "Mickaël Pastor serre la main de Coulibaly, et celui-ci enfile son gant." Elle fait de même. "Voilà pourquoi à l'intérieur, on a retrouvé l'ADN de M Pastor, mélangé avec celui de Coulibaly."

Me Malapert : "et puis, il y a eu le tacle final de l'accusation : "monsieur Pastor n'est pas passé à l'acte, mais peut-être y a-t-il renoncé? En tout cas sa dangerosité est avérée : 20 ans de réclusion" Mais c'est grave !"

Me Malapert : "en somme, aucun acte matériel n'est établi. Et le socle des éléments matériels ne peut absolument pas être caractérisé. J'ai une certitude c'est qu'à l'issue de ce procès, on ne peut absolument pas avoir de certitude."

Me Malapert : "et je ne suis pas d'accord lorsque madame l'avocate générale dit que sans les accusés, rien n'aurait été possible. C'est faux. Amedy Coulibaly était déjà programmé pour tuer."

Me Malapert : "c'est un homme. J'ai vu l'amour dans ses yeux lorsque sa soeur et sa nièce sont venues, j'ai vu l'émotion le premier mois avec les témoignages, j'ai vu la peur du verdict."

Fin de la plaidoirie de Me Delphine Malapert. Me Guillaume Arnaud se lève à son tour pour la défense de Mickaël Pastor.
"Sa maman, 70 ans. Sa siamoise. Il ne l'a pas vue pendant les 18 premiers mois de sa détention. Il était à l'isolement. Il a craqué."

Me Arnaud : "il n'a manqué de rien. Il a toujours été au centre. Il est tout pour elle, elle pour lui.
La religion. La religion a toujours été là aussi dans la vie de Mickaël Pastor Alwatik. Et quand il rentre à Villepinte, il lui fait la promesse d'arrêter les conneries. "

Me Arnaud : "et cette promesse passe par une pratique religieuse plus stricte. Parce que c'est un cadre. Alors il s'appelle Mickaël Nezar Pastor Alwatik. On vous l'a dit c'est le docteur Jekyll et mister Hide. C'est facile, pratique. Même pas à démontrer."

Me Arnaud : "Alors aucune attitude ne sera jamais là bonne. Il rit pendant les projections des dessins de Charb, il ment. Il éructe à l'audience, il surjoue. Il vomit, il simule."

Me Arnaud : " alors oui, je crois. Je crois à votre rigueur. Son double non et prénom, c'est lui. C'est de là d'où il vient. Une mère qui le déclare et l'élève seule. Un père qui revient. En fait, c'est seulement l'histoire d'une vie. Sa vie à lui."

Me Arnaud : "alors au Pnat [parquet national antiterroriste, ndlr] on ne s'embarrasse pas de sa famille. On est comme ça. On nous cite Annah Arendt. Mais Annah Arendt nous a aussi appris que l'homme du mal c'est celui qui débite des banalités."

Me Arnaud : " du côté de l'accusation on fait fi des soirées, des fêtes, on fait fi de la préparation du financement de la pizzeria. On l'écarte, parce que le projet n'est pas abouti. Alors on l'écarte et on demande 20 ans 2/3. Comme Mehdi Belhoucine."

Me Arnaud : "Au Pnat [parquet national antiterroriste, ndlr], on ne s'embarrasse pas. C'est déjà dans le réq def [réquisitoire définitif, ndlr]. Mais l'oralité des débats, la magie de l'audience? Je ne sais pas ... C'est peut-être le box en verre qui empêche."

Me Arnaud : " pour adhérer à une idéologie, il faut combattre un ennemi. Mais j'aimerais qu'on me dise qui est l'ennemi de Mickaël Pastor ? La projection de ce procès est beaucoup trop grande. Et la projection sur Mickaël Pastor elle l'est encore plus."

Me Arnaud : "alors on aimerait voir Amedy Coulibaly uniquement comme un monstre. Mais il va falloir oublier des gens qui ne l'ont pas connu comme ça. Mickaël Pastor s'est excusé. Pas de l'avoir connu. Mais de devoir dire que pour lui, Coulibaly a été un homme normal, gentil."

Me Arnaud : "il n'a jamais eu la volonté de cacher son choix religieux. Par contre, ce qui devrait nous questionner, c'est qu'il a arrêter de prier quand il a été mis en examen. Il s'est dit que tout allait être charge. Heureusement, il a repris. Et moi je trouve ça rassurant."

Me Arnaud : " mais c'est pas parce qu'on croise Amedy Coulibaly qu'on tombe dans le takfirisme. Et c'est pas parce qu'on apprend des sourates qu'on tombe dans le djihadisme."

Me Arnaud : "il a rencontré Amedy Coulibaly en détention. Ils ont partagé du temps à la buanderie. Il s'occupait des draps, c'est un vrai travail, qui prend du temps. Et puis quand il sort, il essaie de se réinsérer."

Me Arnaud : "moi quand le Pnat [parquet national antiterroriste, ndlr] commence à rogner des témoignages, à les découper pour en faire des pièces du puzzle dont il a lui-même dessiné l'image, cela commence à m'inquiéter. Vraiment."

Me Arnaud : "tout le temps de la détention, il y avait Rachida. Il sort, quelques semaines plus tard, elle lui dit "au revoir". Mais le pire c'est qu'il apprend qu'elle va se marier. Et puis il y a le désir d'enfants, de famille. Ca l'envahit totalement."

Me Arnaud : "alors il décide d'un mariage rapide. L'idée c'est quand même de pouvoir dire "je suis marié" si jamais il croise Rachida. Lui vous dira qu'il a été spectateur de son propre mariage. Dès le lendemain, il part à Nice rejoindre sa mère."

Me Arnaud : "lui, il n'a qu'une seule idée en tête : que sa mère vienne vivre avec eux. Et sa pour Chaineze, c'est trop. Et puis un musulman lambda qui ne respecte pas les règles de la répudiation, c'est un point de crispation pour elle."

Me Arnaud : "ce qui est assez étrange pour monsieur Pastor c'est qu'on ne sait plus si la religion c'est l'élément de radicalité ou l'élément intentionnel. On essaie de faire une grande confusion dans tout ça et on espère que ça passe."

Me Arnaud : " l'endoctrinement auquel le Pnat [parquet national antiterroriste ndlr] vous demande de croire, moi j'ai du mal. Quelques discussions ... et c'est tout."

Me Arnaud : "l'art de la formule, les coups de pression sur la portée internationale du procès. C'est à cette hauteur qu'ont été les avocats généraux. Ils sont allés si souvent s'essuyer dans les robes de parties civiles. On attendait quelque chose du parquet. Ca a été navrant."

Me Arnaud : "alors peut-être que Mickaël Pastor n'était pas loin de la frontière. Mais il ne l'a jamais franchie. Il n'avait même pas connaissance de la carte. Alors oui, aujourd'hui vous pouvez trembler. Car vous pouvez faire une erreur."

L'audience est suspendue jusqu'à 14h30. Ce sera alors la dernière plaidoirie de la défense, celle de Me Marie Dosé. Puis les derniers mots des accusés avant que les magistrats partent délibérer.

L'audience reprend. Me Marie Dosé s'avance à la barre. C'est à elle que revient la dernière plaidoirie de ce procès. "Vous serez délivré de nous dans une heure. Et dans deux jours de ce procès".

Me Marie Dosé : "au plus profond de moi, je ne parviens pas à croire qu'il y a d'un côté le procès des valeurs et de l'autre celui des accusés de leur défense, de leur téléphonie, de leur voitures etc. Ils ont été éclaboussés jusqu'à l'intérieur de leur boxes."

Me Dosé : "ils n'étaient pas, ils ne sont pas, ils ne seront jamais les auteurs directs de ces attentats. Tout cela n'a rien à voir avec l'antisémitisme crasse, l'idéologie radicale d'un Peter Cherif."

Me Dosé : "après l'assassinat de Samuel Paty, je me suis dit : "il faut que la défense, on réagisse". Mais ils avaient raison mes confrères. Il ne fallait pas. Car tout ceci ça suinte jusqu'à eux. Vous pourrez au moins nous accorder ça, nous n'avons pas été une défense agressive"

Me Dosé : "il faut qu'on s'interroge : il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Mes confères de parties civiles, vous êtes trop nombreux. Ca pose la question du procès équitable. Et certains trop souvent se posent en procureurs privés. Il y a un déséquilibre."

Me Dosé : "le tour de parole, nécessairement, malmène l'équité. 1 question, 3, 10, 15, 20. Trois heures de questions. Et puis l'avocat général se lève. Et nous on arrive trop tard. Et ça, il va falloir le questionner tous."

Me Dosé :"je pense que tous ici nous ne pouvons pas se satisfaire de ça. Tout ce passe comme si chaque fois ou presque nos interventions sont rendues inaudible par votre nombre." Elle montre les parties civiles.

Me Dosé : "je ne dis pas ça pour rien. Je dis ça parce que vous avez raté Mickaël Pastor. J'ai ma part de responsabilité, mais vous l'avez raté. La machine à broyer était trop forte pour lui parce que le poids du préjugé était trop lourd et trop long."

Me Dosé : "Je pense vraiment qu'il faut le réfléchir ça. C'est leur procès. Leur procès. Et puis l'avocat général a été absent, peut-être était-ce plus confortable. Mais ces passerelles entre parties civiles et accusations, moi j'ai du mal avec ça."

Me Dosé : "pourquoi vous dites vous les barbares? Pourquoi marquer au fer rouge? Pour qui? leurs familles? La douleur que vous portez, vous avocats de parties civiles, elle s'en trouve apaisée? Vraiment?"

Me Dosé : "quand le lundi après l'assassinat de Samuel Paty, on se bouscule le matin pour leur dire : "ne vous inquiétez pas, il n'y aura pas d'amalgame". Et qu'ils répondent : "mais vous rigolez, Me. Dans nos cellules, on regarde BFM". Et ils ont raison."

Me Dosé : "bien sûr, je suis dans le florilège du pire. Mais à force de laisser le pire gagner du terrain, chaque jour un peu plus, c'est le pire dont on va se souvenir."

Me Dosé : "on a tous été avocats de partie civile, quand j'entends une mère de famille dire à la barre : "j'en veux plus à eux qu'à Coulibaly car c'est eux qui l'ont armé". Mais notre travail d'avocat d'empêcher un père de famille de penser comme ça!"

Me Dosé : "vous voulez des réponses à vos questions en refusant de construire des ponts entre nous et eux. Comment voulez-vous que Mickaël Pastor vous explique sa relation à Coulibaly quand il entend qu'il aime sa soeur juive parce qu"il est antisémite?"

Me Dosé : "ce qui est terrible et ce qui m'affole c'est qu'on exige, on espère des réponses complexes à nos questions simplistes. Comment sombrer dans les bas-fonds en s'entraînant l'un l'autre."

Me Dosé : "la justice antiterroriste c'est la justice du copier-coller. Qu'importe, ça passera. C'est quand on vous dit : "de toute façon, plus personne n'est placé sous contrôle judiciaire depuis l'assassinat du père Hamel".

Me Dosé : "il y a eu quelque chose d'intéressant à cette audience c'est Sonia Mejri. Elle vous a dit : "faites attention à vos libertés parce que c'est ce qu'il déteste". Ici elle est un élément à charge, mais devant ses juges, on lui fait le coup de la taqqiya."

Me Dosé : " on marche sur la tête. c'est ça la justice antiterroriste. C'est celle qui juge les morts comme Belhoucine et qui refuse de juger les vivants et les rapatrier avant qu'ils ne s'évadent. Comme Hayat Boumeddiene. Elle est tranquille Hayat Boumeddiene."

Me Dosé : "alors, je ne sais pas si on est dans un procès historique mais notre présent suinte la peur et notre inertie est celle du pleutre."

Me Dosé : "certains magistrats antiterroristes ont parfaitement conscience que, je cite une de vos confrères, "c'est des peines de malade. Mais bon ...". Mais bon quoi? On a peur de se tromper? N'est-ce pas prendre le pire risque du monde que de ne plus en prendre aucun?"

Me Dosé : "vous savez qu'en ce moment je défends une jeune femme, dans une maison d'arrêt en France, qui est tombée amoureuse de sa codétenue. Et on lui dit :"ah ça c'est de la taqqiya". Sérieusement? La taqqiya c'est en train de devenir l'étendard qu'on brandit."

Me Dosé : "c'est de dire que la radicalisation c'est une maladie incurable, un aller sans retour. Mais vous savez que c'est faux ! Que c'est contreproductif. Mais on persiste et on signe."

Me Dosé :"comment peut-on dire "nous sommes une société résiliente qui surmontera ce combat" et demander des peines comme celles-là, des "peines de malade" comme dit votre collègue? Mais vous avez la bonne définition de la résilience?"

Me Dosé : "la résilience c'est cette victime qui va s'avancer à la barre et va dire "j'ai de la compassion pour eux".

Me Dosé : "nous ne lutterons pas contre ça sans la complexité, la modération, l'effort de comprendre et la mesure. Je souscris à tout ce qu'a dit mon confrère Malka mais la laïcité c'est une fin en soi, pas un moyen. Guérir ça passe par le religieux."

Me Dosé : "pendant longtemps, j'ai refusé de défendre ceux qui refusaient de me donner la main. Maintenant, j'ai changé. Parce que j'ai compris que c'est pas comme ça qu'on gagnait."

Me Dosé : "dans le Coran, le djihad est cité 40 fois comme un effort général, un effort contre soit, un effort tout cours. Il est cité une seule fois comme un effort contre l'Autre."

Me Dosé : "cet analphabétisme religieux vient de l'absence totale d'un enseignement du fait religieux. De l'absence de l'histoire de l'islam en France. Parce que l'islam a une histoire en France."

Me Dosé : "quand les attentats de Charlie nous ont tous sidérés, on a aussi été sidérés par l'état de notre jeunesse. Une jeunesse qu'on a découvert complotiste, qui nous disait : "oui mais quand même les dessins ..." et qu'on n'a pas vu poussé, sous nos propres toits"

Me Dosé : "la place démesurée de la religion, l'islam dans les prisons. On fait semblant aussi là ou quoi? On leur propose quoi dans les prisons? On en parle des raisons pour lesquelles l'islam est devenu l'opium du peuple carcéral?"

Me Dosé : "moi j'imprime des cours de gestion sur Internet que j'envoie dans une pochette sur laquelle c'est écrit : "dossier pénal, confidentiel" pour quelqu'un qui est incarcéré en TIS [terrorisme islamiste, ndlr]"

Me Dosé : "avant cette audience, j'ai découvert par un ami professeur un texte sous forme de dessins d'une chanson magnifique qui s'appelle "Rentrez chez vous". Qui raconte que Paris vient d'être broyé par des terroristes et puis que les Français doivent partir de la France."

Me Dosé : "et que les Français doivent prendre des bateaux et que finalement, on traite les Français comme des migrants. Et puis il y a eu l'attentat de Samuel Paty, et dans cette chanson que j'adore, je n'arrivais plus à avoir aucune empathie pour les migrants en France."

Me Dosé : "et ça, il va falloir faire attention à cette chose en nous qui cède à la facilité."

Me Dosé : "Mickaël Pastor m'a réclamé le dernier livre de Charb. Et je lui ai menti. Je lui disais : "non, je ne suis pas repassée chez moi, je l'ai laissé au cabinet." Parce que je me suis dit qu'il allait le lire là à l'audience. Et qu'on dirait qu'il en ferait trop."

Me Dosé : "c'est Mickaël Pastor que vous jugez et personne d'autres. S'il vous plait, ne le fuyez plus. Il vous reste quelques heures pour le comprendre."
Fin de la plaidoirie de Me Marie Dosé.

Place aux derniers mots des accusés. Christophe Raumel est invité à se lever. "Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter pour votre défense".
Il hésite. "Depuis que le procès a commencé, j'ai vu des images choquantes, des témoignages bouleversants."

Christophe Raumel :"je regrette infiniment d'être dans ce dossier, j'ai vraiment honte. Mes derniers mots c'est pour les victimes."

Place à Michel Catino : "je compatis avec les victimes. Je voudrais dire un mot pour l'avocate générale qui a dit que je ne m'occupais pas de mes enfants. Alors que c'est faux. J'ai commis des délits, je les ai reconnus mais j'étais loin de supposer que ça allait m'amener ici."

Meetin Karasular : "je suis désolé de ce qui est arrivé à toutes ces personnes qui ont perdu leur vie. Je remercie le ciel, je suis pas impliqué dedans. De fond de mon coeur, je sais bien que je peux regarder mes enfants dans les yeux, que j'ai rien à faire dans cette histoire."

Miguel Martinez : "j'aimerais adresser mes derniers mots aux familles des victimes et aux victimes. Je pense à une des parties civiles, j'ai eu l'occasion de pouvoir échanger quelques mots avec vous Madame. Vous ne vous êtes pas trompé sur moi."

Miguel Martinez : "j'ai quand même eu l'impression d'avoir été entendu, d'avoir été compris. C'est l'impression que j'ai eu. Je vous cache pas que je suis inquiet, je ne vous cache pas mes peurs. C'est vous qui avez le reste de ma vie entre vos mains. "

Miguel Martinez : "je vous ai demandé de ne pas juger le mauvais homme. Je ne suis pas terroriste. J'ai jamais été un sympathisant et j'ai jamais été informé de quoi que ce soit."

Abdelaziz Abbad : "ma compassion est sincère et c'est important pour moi que vous y croyiez, vous la receviez. Je n'ai aucun lien avec les faits et j'espère que vous comprendrez que je ne peux pas passer de la compassion aux excuses. C'est difficile d'être ici assis dans les box"

Willy Prévost : "je voudrais avoir de la compassion pour les familles des victimes. Moi je pensais pas que tout cela ça allait arriver. J'espère que vous avez écouté mon histoire."

Ali Riza Polat : "déjà je comprends pas, j'ai rien à voir dans cette histoire là. J'ai pas donné une arme, j'ai pas donné une balle. On m'a reproché de me défendre mieux qu'un avocat. C'est normal c'est ma vie. Je ne peux pas demander pardon pour des choses que je n'ai pas fait."

Ali Riza Polat : "on m'a fait des trucs fallacieux, on ment à mon encontre. Je tombe malade, dans les médias on dit que je simule. L'avocat général dit "ou on vous aime, ou on vous aime pas". Mais quand vous mettez votre robe, on vous demande pas d'aimer ou pas"

Ali Riza Polat : "vous voulez que je vous dise quoi? Que j'ai vendu des armes alors que c'est faux? Mais ces armes là si je les avais eues, je les aurais gardées pour moi. Je l'ai dit."

Ali Riza Polat : "on ne va pas refaire le procès, je ne vais pas recommencer à redéballer. J'ai plein de trucs à dire. Je ne comprends pas. Il y a des plaidoiries de la partie civile que j'ai beaucoup aimées. Mais on me demande complicité de types que j'ai jamais vus !"

Ali Riza Polat reprend tout le dossier. Le président intervient : "ce sont les derniers mots, hein ..."
Il poursuit : "je ne peux pas demander pardon pour une chose que je n'ai pas faite."

Amar Ramdani : "avant tout je voudrais dire à Me Dosé : merci. Et à Me Akorri aussi, pour ce qu'elle a dit ce matin."
Il hésite beaucoup. Puis se rassied avec un geste de la main : "c'est bon ...."

Saïd Makhlouf : "moi ça fait six ans que je suis incarcéré, six ans qu'il y a que des hypothèses. J'ai confiance en la justice française. Mais j'ai peur que ce soit le côté politique qui l'emporte. Et ça ça me fait vraiment vraiment peur."

Saïd Makhlouf : "il y a les droits français et j'espère que ces droits seront appliqués. Parce que comme vous le disiez : les caméras du monde entier nous regarde. Donc j'espère que nos droits seront appliqués, ici. Dans notre pays."

Mohamed-Amine Fares : "je voudrais dire toute ma tristesse et la compassion que j'ai pour les victimes. Après, je voudrais dire que je suis innocent. Je n'ai jamais vendu une seule arme."

Mickaël Pastor Alwatik : "avant tout j'espère que les familles des victimes vous trouverez le repos, déjà ça. J'ai jamais eu aussi peur de ma vie. Pourtant j'ai fait des conneries. Mais je n'ai jamais eu aussi peur. Et en même temps je me dis :"il faut leur faire confiance".

Mickaël Pastor Alwatik :"il faut me croire quand je dis que je n'ai rien à voir avec ça. Je n'ai vraiment rien à voir avec ça !"

Les cinq magistrats professionnels et deux assesseurs supplémentaires s'apprêtent à se retirer pour le délibéré.
Le président indique que la question subsidiaire de la circonstance aggravante d'antisémitisme ne sera pas posée dans le délibéré.

D'autres questions subsidiaires seront en revanche posées : "pour tous les accusés, hormis ceux qui sont jugés par défaut, la question de l'association de malfaiteurs sans la qualification terroriste est posée."

Pour certains accusés, les questions subsidiaires relatives à la détention, l'acquisition et le transport d'armes, indique encore le président Regis de Jorna.

Le président lit l'extrait du code de procédure pénal sur l'intime conviction que les magistrats devront rencontrer pour juger les 14 accusés.
L'audience est suspendue. La cour d'assises spécialement composée part pour délibérer. Le verdict sera être rendu mercredi à 16 heures.

Les accusés s'apprêtent à quitter la salle d'audience. La prochaine fois qu'ils y reviendront ce sera pour le prononcé du verdict, mercredi 16 décembre.

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Le compte-rendu de cette 54e journée d'audience, illustré par Matthieu Boucheron, est à retrouver ici > franceinter.fr/justice/au-pro…

Et puis ici, avec @sophparm on revient pour vous sur ces trois mois d'audience : les témoignages fort, la parole des accusés, les larmes, les rires, la tension, la colère, l'incrédulité, la surprise. Tout ce qui en a fait un procès d'assises exceptionnel.
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