Je ne réfléchis pas souvent à ma pratique d'écriture, bien que ce soit une occupation importante pour moi.
Mais ajd je l'ai fait, avec le résultat suivant, qui pourra être utile aux aspirants et aspirantes au monde de la recherche et de la création intellectuelle en général.
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On peut identifier quatre contraintes d'écriture, c'est-à-dire quatre tâches qu'on essaie de réaliser simultanément lorsque l'on écrit, mais qui peuvent se gêner mutuellement.
L'analyse c'est la nécessité d'exposer des matériaux empiriques et conceptuels de manière claire, généralement en séparant les divers aspects de l'objet considéré. C'est la composante de base qui fait une explication, c'est ce qu'on fait principalement en cours, par exemple.
La réflexivité est la capacité à exercer un regard critique sur nos outils d'analyse. Notamment sur la dimension historique, sociale, symbolique, des concepts, sur notre situation d'énonciation en tant qu'auteur.
C'est la tâche la plus exigeante, parfois même parasitaire.
La démonstration, c'est simplement le fait qu'une explication trouve sa valeur finale dans l'exposé d'un argument non trivial et bien documenté au sujet d'une question socialement disputée. Sans être forcément dogmatique, la démonstration doit prétendre emporter la conviction.
Et la rhétorique, c'est la myriade de procédés de langage que l'on emploie plus ou moins consciemment pour véhiculer ses idées. Le phrasé, le ton, les artifices stylistiques, le registre de langue, etc, ils sont bien sûr présents même lorsqu'on a une prétention analytique.
On peut imaginer abstraitement qu'une personne au pinacle de l'art d'écrire soit capable de satisfaire chacune de ces contraintes à un niveau élevé sans qu'elle n'empiète sur les autres. Je ne pense pas que ce soit si courant...
Ou on peut imaginer, plus modestement, que l'on est sans cesse en train de batailler pour trouver un équilibre entre ces contraintes. Moi par exemple j'ai tendance à pratiquer un niveau élevé de réflexivité (c'est lié à ma discipline), ce qui peut limiter la qualité du texte.
Spontanément, je suis p.ex très méfiant envers les textes qui sont d'abord démonstratifs : un auteur qui parcourt rapidement sa matière empirique, qui ne réfléchit pas à ses concepts, mais qui défend une thèse claire - je me méfie.
Mais chaque forme de savoir tend à placer l'accent sur l'une ou l'autre des contraintes d'écriture, ou même consacre délibérément ses efforts à l'une d'entre elles. L'équilibre n'est pas forcément un idéal absolu: mieux vaut être très bon sur 1 point, que moyen partout.
L'écriture académique tend à se focaliser sur l'analyse et la réflexivité, à un point qui parfois tourne à l'excès. Il existe des travaux de recherche à la limite du narcissisme tant le souci réflexif reconduit tout témoignage empirique à la subjectivité.
Il en existe d'autres qui poussent le souci analytique au point d'oublier qu'au bout du compte, il faut tout de même aboutir à des énoncés non triviaux, et qu'on ne peut pas simplement prétendre représenter la réalité sans filtre ni objectif normatif.
Bon je m'arrête, tout cela est surtout pour discuter.
Mais c'est intéressant de regarder différentes oeuvres en sciences sociale ou philosophie sous cet angle - de regarder la nôtre aussi, et bien sûr celles des étudiants et étudiantes.
Pour tout vous dire, ces réflexions viennent du fait que je commence un travail qui suppose un registre d'écriture très différent de celui que j'ai employé jusqu'à présent.
Et les habitudes sont difficiles à perdre !
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Bon, disons de façon plus nuancée que le PR a des limites importantes, et qu'il faut savoir l'utiliser avec prudence. Ce n'est pas non plus une abomination totale...
Mais allons y pour ses défauts :
1. Cela tend à imposer un canevas de rédaction trop canonique. Les refs ont tendance à vouloir une organisation de l'écriture très conventionnelle, car cela rend plus facile la vérification de leurs critères. Bref, on reste ds une vision rigide de l'évaluation, le plus svt.
La première page de "Energie et équité" de Illich (1974).
Ca dépote un maximum non ?
Ce n'est pas le moindre des maux du changement climatique de nous contraindre à un débat sur l'origine de l'énergie que l'on consomme. Car en acceptant cela, on se détourne du débat sur la valeur sociale de l'énergie consommée.
Et Illich est l'un des rares à envisager une véritable modernisation socio-politique sans exubérance énergétique. Il ne suit pas trop la pente de l'idéalisation du passé et imagine une autonomie collective (le rêve libéral) sans sa confiscation par l'accumulation.
La question est complexe : est-ce que ces techno fonctionnent à l'échelle ? Sont-elles sûres ? Sont-elles économiquement viables ? Peuvent-elles être déployées rapidement ?
Mais aussi : est-ce qu'il faut opposer les réductions d'émissions (ordinairement préconisées par les écolos) et les techniques d'émissions négatives - qui pourraient avoir pour csq de maintenir à flots les énergies fossiles ?
@SRContretemps Je ne vais pas écrire de réponse à ce texte, vous publiez absolument ce que vous voulez. Mais à l'évidence l'auteur a fait un travail baclé. Il suffit de lire les questions par lesquelles il commence pour s'en rendre compte :
@SRContretemps "pourquoi se contente-t-il de questionner la « construction juridique et technique » de la « mégamachine » ? Pourquoi nous propose-t-il slt une « mutation politique » plutôt qu’une mutation économique ; une « révolution technique et juridique » plutôt qu’une révolution sociale ?"
@SRContretemps Honnêtement il suffit de lire la table des matières pour comprendre que la mutation politique décrite est économique et sociale - ce dernier terme étant au centre du livre, défini et redéfini sans cesse.
@LionCordier En plus c'est idiot cette histoire de ressources finies. Très souvent il s'agit de flux et pas de stocks, donc on parle de seuils, de sensibilité, et c'est un dialogue avec des usages. Bref l'antienne liberté infinie monde fini c'est bof bof scientifiquement
@LionCordier On me demande des précisions.
Donc prenons l'exemple des fossiles. Ce sont des ressources qui existent en quantités limitées, ok. Mais le pb n'est pas que l'on en manque, plutôt qu'il y en a trop (si on les brûles toutes, on est foutus).
@LionCordier Si limite il y a, elle se trouve du côté de l'effet de serre induit par l'accumulation de CO2 atmosphérique. C'est le forcage du bilan radiatif planétaire. Et c'est pas une ressource stock, c'est un flux, un ensemble d'échanges chimiques et physiques - et c'est ce qui est menacé.