Audience correctionnelle, comparution immédiate. Amir, prévenu, est mécontent. Il a le sentiment que le procureur (votre serviteur) & le tribunal se moquent de lui, & il le fait bruyamment savoir, l'avocat de permanence chargé de le défendre se faisant pour sa part tout petit.
Amir a été interpellé il y a 4 jours. Les gendarmes l'ont arrêté alors qu'il quittait le domicile de son ex compagne, mère de ses enfants, où 1 discussion houleuse venait d'avoir lieu. Comme souvent, il s'est énervé, a cassé des objets & a menacé son ex de tout 1 tas de misères.
L'objet de la discorde? Officiellement, les droits de visite d'Amir, qu'il entend exercer quand il le souhaite malgré 1 jugement JAF très clair qui en fixe les modalités. Officieusement ? L'ex d'Amir refait sa vie & ça ne lui plaît pas DU TOUT. Il est donc venu, à l'improviste.
S'agaçant tout seul, il a fait 1 scène, il a fait peur aux enfants, comme trop souvent. Son ex en a marre et elle veut que ça cesse. Elle a donc fait le 17 et elle n'a pas manqué d'indiquer aux gendarmes qu'en plus de lui pourrir la vie, Amir revend des stupéfiants. Beaucoup.
Elle a précisé que d'ailleurs, ils seraient bien inspirés de s'intéresser à son véhicule, Amir préférant que l'objet de son commerce soit toujours à portée de main... Il n'en a pas fallu plus aux gendarmes pour intervenir et pour mener une fouille attentive de la voiture.
Ils n'ont pas eu besoin d'être attentifs bien longtemps...Dans la boîte à gants, 500g d'héroïne. Amir s'est aussitôt recrié, 1 malentendu, évidemment!! Il a cependant vite réalisé que son explication allait avoir du mal à passer... Et pourtant, elle ne manquait pas de créativité.
Amir était chez lui,dans son appartement,quand il a constaté que ses WC avaient 1 fuite. Il a voulu fermer le petit robinet d'arrivée des eaux,mais il était grippé.Soucieux de faire des économies, il est sorti sur le palier pour accéder à son compteur, dans les parties communes,
afin de fermer la vanne et d'éviter que la fuite goutte toute la nuit...Et LÀ, ouvrant le placard, il a découvert 1 paquet, caché près de son compteur !! Il a vite compris que c'était des produits stupéfiants car, il doit bien le reconnaître, il a 1 petit passé dans ce domaine.
Il a pris le paquet en se disant qu'il trouverait bien 1 moyen de découvrir s'il s'agissait de coke ou d'héro &, Amir doit bien l'avouer, il espérait se faire 1 petite pièce là dessus, les temps sont durs .Il voit bien que les gendarmes peinent à le croire mais c'est la vérité.
Les enquêteurs peinent d'autant plus à le croire que l'enquête de voisinage révèle des allers et venues incessants chez Amir, de visiteurs parfois bizarres et qui restent peu de temps, assez caractéristiques d'un lieu de revente de stupéfiants..
La perquisition réalisée chez Amir permet la découverte d'une balance de précision (pour la pâtisserie explique-t-il), de cellophane en quantité, pouvant permettre de confectionner des pochons en vue de la revente (pour que les restes ne sèchent pas au frigo selon l'intéressé).
Les gendarmes trouvent aussi de la caféine, beaucoup, ce qui est étrange signalent-ils à Amir, car cela peut être utilisé pour couper l'héroïne. PAS DU TOUT, c'est utilisé par les athlètes en musculation! Les enquêteurs jettent 1 oeil douteux sur la carrure longiligne d'Amir...
qui assure s'être décidé depuis peu à se mettre au sport incessamment. Amir voit sa garde-à-vue prolongée, ce qui laisse le temps d'identifier et d'auditionner quelques toxicomanes qui s'approvisionnent chez lui...Le suspect ne lâche pour autant rien. C'est 1 MALENTENDU.
Je constate que le malentendu dure depuis 1 moment à la lecture du casier judiciaire d'Amir, plusieurs fois condamné pour trafic de stupéfiants, et qui a passé la majeure partie de sa vie d'adulte en prison... Sans effet bénefique manifestement, puisqu'il persiste.
Je décide de le déférer en vue d'une comparution immédiate. Devant moi il reconnaît être allé chez sa compagne, s'être énervé, avoir jeté des objets partout, et oui peut-être qu'il a proféré des menaces, il ne se souvient plus bien... Il s'excuse pour ça, vraiment.
Mais le trafic de stup ? NON. Il a TROUVÉ cette marchandise, il n'aurait JAMAIS vendu 500g, il a bien compris la leçon avec sa dernière condamnation, il n'est pas assez fou non plus pour recommencer si rapidement après sa sortie de détention, 9 mois avant.
Je m'efforce de lui expliquer que tout cela est très amusant mais que le dossier comporte des preuves du trafic & qu'avec 1 telle version son avocat ne fera pas de miracle... L'avocat, présent, hoche vigoureusement la tête. Amir s'énerve, je veux qu'il mente, c'est ça?! Il crie
donc j'abandonne, après tout s'il veut ajouter à la récidive de trafic de stup l'impression pour le tribunal qu'Amir se moque de lui... Le jour de l'audience, il reste sur la même version. Le président s'étonne qu'1 marchandise d'1 telle valeur marchande soit laissée a l'abandon.
Amir n'en démord pas : les apparences sont contre lui, mais ça ne constitue pas 1 preuve si? Il frappe du poing sur la barre, s'emporte qu'on le considère comme 1 menteur. Son jeune conseil essaye de le calmer, en vain, une fois de plus, on veut le faire plonger...
Le prévenu s'enfonce en criant à l'injustice, l'acharnement, maudit sa compagne qui l'a balancé pour se venger, les prétendus consommateurs qui participent au complot, il tourne en boucle et nous souhaite, à tous, les pires infamies.
Amir est condamné à 1 lourde peine d'emprisonnement.Pour marquer son désaccord, il recule son buste &, prenant de l'élan, frappe violemment sa tête contre la barre...Sonné 1 instant,il reprend vite ses hurlements sous l'oeil médusé de tous, avant d'être entraîné hors de la salle.
• • •
Missing some Tweet in this thread? You can try to
force a refresh
La pluie de SMS des environs de 6h fait plaisir ce matin. Je suis substitut et les 3 interpellations dans un dossier dont je dirige l'enquête depuis des semaines se sont bien passées. Cette procédure a nécessité beaucoup de travail, et mes enquêteurs sont éparpillés,
1 groupe à BORDEAUX, 1 à CRETEIL & 1 à LYON. Il y a environ 2 mois, Anthony, Jérôme et Julien sont venus sur mon ressort, pour de soi-disant vacances... Vacances qui en réalité avaient pour but, en + de passer du bon temps, de se faire de l'argent facile, sans risque.
Ils ont décidé de s'en prendre à des victimes qui n'oseraient pas se plaindre : des prostituées. Par le biais d'un site de rencontres qui permet de prendre RDV pour une relation tarifée, ils ont depuis 1 cyber café noué contact avec Ana, 1 prostituée étrangère.
Hervé se tient bien droit à la barre. Il est mal à l'aise. 56 ans, aucune mention au casier, rien ne le prédestinait à comparaître devant le Tribunal Correctionnel. Rien, jusqu'à ce soir-là, où il a tué un homme et son fils. Hervé est là pour homicide involontaire.
L'ambiance est pesante, comme souvent, comme toujours dans ce genre de dossiers. Sur le banc des parties civiles, Laura et sa fille Emma, se raccrochant l'une à l'autre comme depuis des mois, depuis ce soir-là où leur vie a explosé. Un samedi pluvieux, tard.
Christophe est allé chercher Matteo, son fils, chez ses parents où il a passé quelques jours. C'est un peu loin... Il a mangé chez eux puis a installé son petit dernier, bien sanglé, dans son réhausseur à l'arrière, où il s'est très rapidement endormi.
Cour d'assises. Je représente l'accusation. Laurent, l'accusé, a l'air de s'ennuyer ferme. Il encourt la perpétuité mais n'a pas l'air inquiet... Il est poursuivi pour des faits de vol avec arme commis en état de récidive légale. Il a en effet déjà été condamné plusieurs fois,
jamais pour des faits de même nature mais pour du trafic de stupéfiants, ce qui le place en état de récidive, c'est la loi. La peine de 20 années de réclusion encourue pour un vol avec arme passe donc à la perpétuité... Gros enjeu, dont l'accusé ne paraît pas prendre conscience.
Je n'ai pas suivi ce dossier au départ & j'ai été désignée pour assurer les fonctions d'avocat général aux assises. "Vous verrez Sir ! Facile...". Je m'y suis plongée avec cette impatience teintée de fébrilité car les assises, ce n'est jamais rien. Mon proc avait raison : facile.
Audience correctionnelle, comparution immédiate. Myriam est fatiguée. Pour la énième fois, elle raconte son histoire. Ça fait trop longtemps que ça dure. Elle veut que ça s'arrête. Son plus grand malheur, pense-t-elle maintenant... C'est d'avoir rencontré Sylvain.
Ils étaient tous jeunes et n'avaient connu que des amourettes, et là, le flash, le coup de foudre, la symbiose. Ils ne se sont plus quittés. Les premiers projets.Le mariage. Le premier enfant, 1 fille. Sylvain a toujours été caractériel & un peu jaloux, mais rien d'inquiétant.
Le 2ème enfant, 1 autre fille. La maison. Une vie qu'on construit, petit à petit. Sylvain se blesse au travail, et est placé en invalidité. Les revenus du ménage diminuent. Les enfants sont plus grands & vont à l'école. Myriam décide de se remettre à travailler.
Audience correctionnelle, formation collégiale. Je représente le ministère public avec 1 auditeur de justice qui doit prendre les réquisitions. On juge 1 vol avec violences & l'ambiance dans la salle est proprement irrespirable.
Une tension à couper au couteau est palpable. A la barre 3 prévenus, qui viennent répondre de faits commis au préjudice d'une boulangerie pâtisserie réputée de la ville. Christelle, poursuivie pour complicité, y a travaillé dans le passé. Elle connaissait les horaires,
les moments où la recette serait bonne, & les habitudes du patron. Elle a rencontré Salim, la petite trentaine. Il appartient à une famille bien connue du parquet de mon ressort. Défavorablement connue comme on dit. Malgré de nombreuses condamnations, Salim ne se range pas.
1 information judiciaire est ouverte à mon cabinet. J'ai lu le dossier et à ce stade, je n'ai pas d'avis. Interrogatoire de première comparution, Michel nie, avec force. C'est un homme d'1 petite soixantaine d'années, ancien ingénieur, dont on sent qu'il a une certaine autorité.
Il répond à mes quelques questions, & sourit quand je l'interroge sur les téléchargements de fichiers pédo pornographiques... "Vous savez, Madame le juge, à mon âge les jeunes filles..." Ah Michel badine?..Je lui mets sous le nez l'album photo qu'a constitué l'OPJ.
"Des jeunes filles Monsieur? Pouvez vous évaluer l'âge de ces mineures?" Silence de l'autre coté du bureau, l'avocat de Michel détourne les yeux... Elles ont 6 ou 7 ans. "N'est-ce pas étonnant que votre fille situe les 1er faits dont elle vous accuse alors qu'elle avait cet âge?"