Audience correctionnelle, comparution immédiate. Jordan, l'1 des prévenus, est jeune, à peine 21 ans, et sous curatelle, à cause d'un retard mental léger. Il s'exprime avec un défaut de prononciation très marqué, et bute sur les mots. Il touche des aides, que son curateur gère.
Une fois toutes les charges payées, il ne reste pas grand chose pour les loisirs de Jordan, qui ne cesse de réclamer en vain des rallonges... Il voudrait profiter de la vie comme tous les jeunes de son âge mais son curateur nous l'a expliqué : ses troubles le rendent influençable
et il a le chic pour se faire des "amis" qui profitent de lui, squattent son appart, pillent son frigo, et dilapident ses maigres économies en sorties et achats futiles. Par conséquent, les cordons de la bourse sont tenus bien serrés... Ce qui n'arrange pas Jordan.
Lui il veut des beaux vêtements de marque, un portable dernier cri et des sorties où l'alcool coule à flots... Depuis quelques années il a donc pris une mauvaise habitude : il vole. Oh au départ, rien de trop méchant, des vols à l'étalage... Jordan n'est pas très doué,
il se fait donc souvent interpeller. Au début, au vu de sa personnalité, le procureur s'en est tenu à des rappels à l'ordre, tenant Jordan encore éloigné du tribunal. Mais il n'en a pas tenu compte & a poursuivi sur sa lancée. Le procureur a tenté des alternatives aux poursuites,
sans grand succès puisqu'à part les amendes, que Jordan paie toujours (son curateur y veillant), il n'est pas très diligent quant au respect des mesures qu'il doit exécuter. Dans le même temps, le vol à l'étalage étant peu lucratif, il a décidé de se diversifier...
Il a rencontré de nouveaux amis, qui ont des connaissances bien plus pointues que les siennes sur les 1001 façons de gagner de l'argent rapidement... Jordan monte donc d'un cran et se met au "vol roulotte" : il dégrade les véhicules pour dérober leur contenu...
Le butin est souvent dérisoire mais parfois, on tombe sur un sac à main, de l'argent liquide, des moyens de paiement que Jordan s'empresse d'utiliser... Ca commence à faire beaucoup. Les garde-à-vues se mettent à pleuvoir. Il voit un expert psychiatre, tout va bien...
Le suspect est un peu limité intellectuellement certes, mais parfaitement responsable de ses actes. Jordan fait connaissance avec le tribunal correctionnel. Le juge se montre d'abord bienveillant, mais le jeune homme n'en fait qu'à sa tête et il récidive, encore, et encore.
Jordan jure chaque fois ses grands dieux qu'il a compris, mais ses bonnes résolutions ne durent guère. Le tribunal, qui s'agace, le met sous sursis probatoire, espérant qu'1 surveillance régulière va l'aider... Il est aussi condamné à des TIG... Il rate les rendez-vous
& multiplie les rapports d'incidents de son conseiller de probation. Le JAP le recadre, sans effet sur le long terme. & les garde-à-vues continuent de tomber...Jordan passe 1 nouveau cap, le vol avec effraction. La nuit il s'introduit chez les gens, qui dorment ou sont absents.
Il prend tout ce dont il peut profiter ou qu'il peut revendre...Pour rentrer il casse 1 vitre, ou force 1 porte...Il n'est pas prudent & là encore, il se fait prendre...Garde-à-vue et défèrement devant le procureur : le cambriolage, Jordan est clairement passé au stade supérieur.
Je le reçois et puisque la bienveillance n'a jusque là pas pris, je tente la manière forte : Jordan prend 1 bonne remontée de bretelles & est placé sous contrôle judiciaire. Oh il promet qu'on ne l'y reprendra plus, avec ce petit cheveu sur la langue & son air perdu...
Je ne me fais pas d'illusions et je ne suis pas vraiment surprise de voir son nom s'afficher dans les garde-à-vues du jour, quelques mois après...Jordan passe en comparution immédiate, pour la première fois. Limité ou pas, il sait ce que le juge a envie d'entendre.
Il commence à connaître la musique alors il fait part de ses projets d'insertion, de cette période à vide qu'il traverse actuellement...Je reconnais qu'il est attachant, mais j'ai épuisé mon stock de patience & mes réquisitions sont dures :Jordan doit être confronté à la réalité.
La défense joue sur la corde sensible, et les difficultés de Jordan sont réelles... Il sort libre de l'audience, 1 peu triomphant, beaucoup soulagé... Il se tient à carreaux un moment, cette fois il a senti le vent du boulet, mais il oublie vite, et quelques mois après...
Il est en garde-à-vue avec 2 copains. Vol violences.1 jeune homme de leur connaissance chez qui ils faisaient la fête est salement amoché...La soirée a mal tourné, fini en bagarre : Jordan & ses compères en ont profité pour dépouiller la victime. Ce sera la comparution immédiate.
Jordan est manifestement dépassé, ce n'est pas 1 violent mais ses comparses n'ont pas l'habitude de faire dans la dentelle, & 1 peu l'alcool, 1 peu l'effet de groupe, il a lui aussi frappé...Il essaye de dérouler son argumentaire mais là, le coup de la nouvelle dernière chance
a du mal à passer : les promesses de Jordan se heurtent au regard sévère de la victime, l'oeil au beurre noir, le bras en écharpe. Jordan a beau assurer qu'on ne l'y prendra plus, le procès se termine sur son regard baissé alors qu'il va connaître sa 1ère nuit en prison.
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force a refresh
Je suis très jeune et sur mon premier poste quand je suis contactée sur la permanence pour Léane, 6 ans. Sa maman, Betty, l'a amenée à la gendarmerie, un peu paniquée... Sa fille lui a fait des confidences pendant qu'elle lui faisait sa toilette, et elle est inquiète.
Léane lui a dit que son papa l'avait touchée. Betty explique être séparée du père de l'enfant depuis plusieurs années. C'est lui qui est parti, il a rencontré quelqu'un et il ne la prend pas souvent, un week-end par mois peut-être ?..Elle est rentrée de chez lui hier soir.
Ce matin dans la salle de bains & alors qu'elle nettoyait Léane avec un gant de toilette, la petite lui a dit que son papa l'avait touchée et lui avait fait mal. Betty a tout de suite eu peur, elle a vécu des choses très douloureuses dans sa famille... Et ça fait écho chez elle.
ATTENTION HISTOIRE TRISTE
Jeune substitut, je remplace aujourd'hui 1 collègue, en vacances, sur 1 reconstitution criminelle. Histoire de ne pas avoir l'air d'1 plante verte & de pouvoir poser des questions pertinentes si besoin, j'ai travaillé le dossier, pour être au point.
Ma collègue m'avait prévenue, cette procédure est terrible, et elle avait raison. Léa a 1 petite trentaine, elle ne travaille pas, elle a 1 petit Dylan de 4 ans environ, 1 garçonnet adorable, métis, qu'elle élève seule. Le papa? 1 courant d'air, vite parti sans laisser d'adresse
quand il a su qu'elle était enceinte. Elle galère Léa, elle a eu 1 parcours heurté, n'a plus de liens avec sa famille... Dylan est 1 petit garçon adorable, et au dossier on a des photos d'un ange qui rit toujours aux éclats. Il rit mais il ne parle pas du tout.
Manuela attend son tour sur le banc des prévenus. Son legging bariolé, ses grosses baskets, ses cheveux décolorés relevés en chignon lâche et sa moue boudeuse... Elle ne change pas vraiment. Ça fait des années que je la connais, et des années qu'elle se retrouve sur ce banc.
Je suis une toute jeune substitut en charge des mineurs quand je rencontre Manuela, 15 ans à peu près. Un profil fracassé comme les juges des enfants en voient défiler tant. Un père courant d'air, parti depuis longtemps. Une mère polytoxicomane et peinant à gérer le quotidien.
Les enfants ont toujours connu le défilé des travailleurs sociaux et de temps en temps les placements quand Maman était dans une période "sans"... Les aînés de Manuela ont quitté la maison très tôt et à présent, la grande, c'est elle. La vie à la maison est dure à supporter.
Audience correctionnelle, comparution immédiate. Amir, prévenu, est mécontent. Il a le sentiment que le procureur (votre serviteur) & le tribunal se moquent de lui, & il le fait bruyamment savoir, l'avocat de permanence chargé de le défendre se faisant pour sa part tout petit.
Amir a été interpellé il y a 4 jours. Les gendarmes l'ont arrêté alors qu'il quittait le domicile de son ex compagne, mère de ses enfants, où 1 discussion houleuse venait d'avoir lieu. Comme souvent, il s'est énervé, a cassé des objets & a menacé son ex de tout 1 tas de misères.
L'objet de la discorde? Officiellement, les droits de visite d'Amir, qu'il entend exercer quand il le souhaite malgré 1 jugement JAF très clair qui en fixe les modalités. Officieusement ? L'ex d'Amir refait sa vie & ça ne lui plaît pas DU TOUT. Il est donc venu, à l'improviste.
La pluie de SMS des environs de 6h fait plaisir ce matin. Je suis substitut et les 3 interpellations dans un dossier dont je dirige l'enquête depuis des semaines se sont bien passées. Cette procédure a nécessité beaucoup de travail, et mes enquêteurs sont éparpillés,
1 groupe à BORDEAUX, 1 à CRETEIL & 1 à LYON. Il y a environ 2 mois, Anthony, Jérôme et Julien sont venus sur mon ressort, pour de soi-disant vacances... Vacances qui en réalité avaient pour but, en + de passer du bon temps, de se faire de l'argent facile, sans risque.
Ils ont décidé de s'en prendre à des victimes qui n'oseraient pas se plaindre : des prostituées. Par le biais d'un site de rencontres qui permet de prendre RDV pour une relation tarifée, ils ont depuis 1 cyber café noué contact avec Ana, 1 prostituée étrangère.
Hervé se tient bien droit à la barre. Il est mal à l'aise. 56 ans, aucune mention au casier, rien ne le prédestinait à comparaître devant le Tribunal Correctionnel. Rien, jusqu'à ce soir-là, où il a tué un homme et son fils. Hervé est là pour homicide involontaire.
L'ambiance est pesante, comme souvent, comme toujours dans ce genre de dossiers. Sur le banc des parties civiles, Laura et sa fille Emma, se raccrochant l'une à l'autre comme depuis des mois, depuis ce soir-là où leur vie a explosé. Un samedi pluvieux, tard.
Christophe est allé chercher Matteo, son fils, chez ses parents où il a passé quelques jours. C'est un peu loin... Il a mangé chez eux puis a installé son petit dernier, bien sanglé, dans son réhausseur à l'arrière, où il s'est très rapidement endormi.