Laurent pose une excellente question. Pourquoi est-il si vital pour le système financier, et plus largement pour l'économie, que le niveau des bourses soit élevé ?
Pourquoi une baisse des actions ou de l'immobilier serait une catastrophe pour le capitalisme financiarisé ?
Thread.
De nombreuses personnes pensent que les niveaux des bourses où s'échangent les actions ont peu d'importance pour l'économie réelle. Selon leur opinion, cela n'a aucun impact sur les entreprises car la bourse est principalement le marché de l'occasion.
Le marché boursier ne sert pas à financer les entreprises. D'autant plus que les multinationales ne se financent plus en émettant de nouvelles actions (augmentation de capital), elle préfèrent aller sur le marché obligataire où la monnaie créée par la BCE coule à flots.
Donc peu importe ce que valent les actions, la valorisation des actifs financiers est une histoire de riches, qui sert à valoriser leur patrimoine. Une chute de la bourse ne leur ferait pas de mal, et personne ne pleurera sur le sort des riches.
Cette opinion est un enchaînement d'erreurs dues à une méconnaissance profonde des mécanismes financiers, notamment ceux liés à la dette et au crédit.
En réalité, le niveau des actifs financiers et immobiliers est primordial pour le système financier.
Si la bourse ou l'immobilier baissent violemment et dans la durée, c'est tout le système financier qui s'effondrerait, et entraînerait dans sa chute toute l'économie.
Pour comprendre cette affirmation, il faut revenir à la notion centrale en finance qui est celle du collatéral, peu connue des citoyens ordinaires. Le collatéral est une sorte de garantie offerte par les emprunteurs aux banquiers lorsque ceux-ci leur octroient des crédits.
Le collatéral est une sorte de gage laissé aux créanciers en cas de déconvenue de l'emprunteur. Comme nous ne sommes plus dans l'Antiquité où femmes et enfants étaient donnés en gage, de nos jours, ce sont des actifs financiers qui constituent le collatéral.
Le collatéral est donc une sécurité offerte aux banquiers qui veulent avoir la garantie que la somme créée lors de l'octroi du crédit, sera détruite lors de son remboursement, quitte à vendre à tout prix et en urgence ce qui a été apporté en collatéral.
Le collatéral est valorisé à tout moment à la valeur de marché, puis selon les mouvements boursiers, l'emprunteur ajuste le collatéral en répondant à des appels de marges. Si l'emprunteur a mis en collatéral une action qui baisse, alors il doit apporter plus de titres ou du cash.
Si vous avez bien suivi, plus la bourse monte, plus les possédants d'actifs financiers peuvent apporter des garanties importantes, et plus leur capacité d'endettement augmente.
Les fonds Millenium et Citadel gèrent $61 milliards pour le compte de leurs clients, mais grâce à l'effet de levier (crédit), ils peuvent multiplier par 6 et 8 la mise initiale ! Dans un monde où les taux sont bas, c'est une aubaine pour leurs clients !
Ainsi, plus la bourse monte, plus l'effet de levier est possible : il suffit d'apporter un peu de cash et beaucoup d'actifs en collatéral (titres de dettes, actions...).
Mais plus la bourse baisse, plus les emprunteurs qui ont fait du levier doivent vendre des titres (s'ils n'ont pas de cash sous la main) pour répondre aux appels de marge.
Ainsi, la bourse rentre dans des cycles de hausse qui s'auto nourrissent. Mais, quand la bourse baisse violemment et pendant une durée significative, elle rentre dans un cycle de baisse infernal, ou la baisse nourrit la baisse.
Quand la bourse continue de baisser, les banques liquident le collatéral de leurs clients, et essuient souvent de lourdes pertes. Elles perdent en capacité de crédit et en confiance, alimentant moins l'économie en nouveaux crédits: c'est un cycle de récession qui se met en place.
Suite aux positions démesurées d'un fond, incapable de répondre aux appels de marges, les banques ont liquidé plus de 30 milliards d'actifs mis en collatéral. Les banques, notamment Nomura et Crédit Suisse, ont perdu des sommes colossales $10 milliards).
Mais depuis 2008, les banques centrales croient avoir trouvé la parade : faire en sorte que les bourses ne baissent jamais trop longtemps, en injectant de la monnaie fraîchement créée via des rachats de titres de dettes (qui servent aussi de collatéral).
Ainsi, le monde de la finance est devenu un monde où la banque centrale agit en assureur de dernier recours, où le cycle haussier n'est jamais rompu, ce qui permet toujours plus de levier (et de folie).
Le monde de la finance est tel un drogué qui ne peut jamais être en manque de son héroïne monétaire. Son dealer, la banque centrale, répond toujours présent quand il est en crise. Ce cirque continuera jusqu'au jour où la finance mourra d'une overdose inéluctable !
Un dernier point: comme de plus en plus d'acteurs financiers traditionnels investissent dans les cryptos, le jour où il faudra apporter du cash pour répondre aux appels de marge, il est fort à parier qu'ils seront obligés de se séparer de leurs cryptos. N'est pas hodler qui veut.

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1 Apr
Thread : le dividende social

Jusqu'en 2009, la dette publique correspondait pratiquement au cumul des intérêts versés depuis 1974 !
Ceux qui disent que la dette publique n'est pas un problème, devraient se pencher sur son origine.

À dérouler...
Bien sûr que la dette publique est un problème, sinon nous ne serions pas là à en parler quotidiennement.
Aujourd'hui, du fait de la politique monétaire de la #BCE les taux sont nuls, voire négatifs. Donc la charge des intérêts des prêts octroyés aujourd'hui seront nuls. Mais qu'en serait-il dans 5, 8, ou 10 ans quand il faudra roller la dette ? Que vaudront les taux d'emprunts ?
Read 18 tweets
30 Mar
On apprend dans cet article de @zerohedge que #Archegos a multiplié par 5 à 8 sa mise grâce à des produits dérivés élémentaires (CFD & TRS).
La perte totale des banques impliquées risque d'être salée : jusqu'à $10/15 milliards.
Attention à l'effet domino !
zerohedge.com/markets/very-s… Image
On se rend compte du mensonge des banques centrales qui arrosent les marchés de monnaie d'intérêt public, en nous faisant croire que cette monnaie arroserait l'économie réelle.
Il est évident que cette monnaie nourrit la cupidité des banques et de leurs clients spéculateurs.
#BCE
Sans les banques centrales complices, le château de cartes se serait effondré depuis 2008 ! C'est la course à l'effet de levier nourri par la monnaie des banques centrales qui permet à la finance de ne pas s'effondrer.
Jusqu'au jour d'un effondrement brutal, d'un retour au réel.
Read 5 tweets
28 Mar
1. Si on considère que les banques commerciales prêtent de l'argent qu'elles ne possèdent pas, et qu'elles ne perdent jamais d'argent car elles sont "trop importantes pour faire faillite", deux options s'offrent à nous :
- la première option est la nationalisation
2. La deuxième option est de considérer que l'argent qu'elles créent et qu'elles gèrent est le notre, à tous. Dans ce cas, on peut considérer que même si la gestion de l'argent est privatisé, les gains doivent être partagés avec nous tous (l'État).
3. Pour décider de la répartition des gains, nous pouvons nous inspirer de la gestion d'actifs, et de répliquer leur model de partage des profits : les frais de gestion sont typiquement de 1 % des actifs sous gestion auxquels s’ajoutent 20 % sur les profits générés.
Read 14 tweets
25 Mar
Les 3 amis du banquier

1. Le thésauriseur : celui qui accumule de l'argent sans le dépenser, trop occupé à le compter. Le thésauriseur, un inquiet de la vie, se sent rassurer grâce à l'idée de posséder. Alors que le thésauriseur stérilise l'argent, le banquier lui redonne vie !
2. Le preneur de risque : le banquier adore ce client, son meilleur client, celui qui n'a peur de rien, soit par goût pour le risque, soit par insouciance. Toujours prêt à s'endetter, le preneur de risque veut accumuler. A la fin, de toute façon, c'est nous qui en payons le prix.
3. Les impatients : l'impatience est la matière première des banquiers. On parle de ceux qui ne peuvent se contrôler pour acheter le dernier smartphone, pour changer leur voiture, pour partir en voyage. Les impatients courent après le temps, le banquier sait le leur faire payer !
Read 7 tweets
25 Mar
Que penser lorsque les épargnants hurlent à l'idée de se faire taxer leurs euros dans leur comptes courant, mais qui ne se rendent pas compte que l'argent subie déjà une taxe invisible, l'#inflation, qui est un phénomène fortement lié à la création monétaire par le crédit ?
Même avec les chiffres de l'INSEE qui sous-évalue la hausse réelle des prix, 100€ de 2008 ne valent plus en pouvoir d'achat que 85€ en 2021.
On entend pas les épargnants hurler leur désespoir. Mais à qui profite vraiment la création monétaire, le crédit, les intérêts touchés ?
Ceux qui hurlent quand il s'agit de taxer la monnaie elle-même, acceptent de payer l'impôt sur le revenu du travail qui a été introduit en 1913 aux États-Unis pour payer les intérêts de la dette publique à la banque centrale nouvellement créée, la #FED, une institution privée.
Read 4 tweets
24 Mar
La grande illusion monétaire
2010, ceci est un billet de 100€
...
2015, ceci est un billet de 100€
...
2020, ceci est un billet de 100€

Le billet vaut toujours 100€, mais chaque année nous payons un impôt invisible : l'inflation.
À qui profite cette illusion ? :
L'inflation profite à ceux qui la génèrent directement par la création monétaire : les banques.
Et à leurs clients : ceux qui s'endettent (sur le dos des citoyens qui ne s'endettent pas).
L'invention du billet est une avancée "formidable", car l'inflation qui grignote l'épargne par la création monétaire se voit beaucoup plus difficilement que la dévaluation de la monnaie métallique qui consistait à faire fondre les pièces pour les rendre plus légères.
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