1/Très belle réflexion de Cincinnatus sur le clivage droite/gauche. Un clivage que toute personne sensée reconnaît comme simpliste et appauvrissant, mais dont toute personne raisonnable sait combien il est difficile, sinon illusoire, de vouloir se passer tout à fait.
2/Cincinnatus montre bien que ce qui définit la droite et la gauche dépend de deux paramètres : un ensemble de valeurs et d'idées en recomposition permanente d'une part et un axe séparateur lui-même mobile selon les pays et les époques d'autre part.
3/Parfois c'est l'axe qui se déplace ("glissement tectonique" vers la droite ou la gauche), parfois ce sont les valeurs qui changent de camp (exemple : la "nation", valeur de gauche sous la Révolution, valeur de droite un siècle plus tard...).
4/L'exemple du Parti démocrate (autrefois à droite, et ségrégationniste) et du Parti républicain américains choisi par Cinci est éloquent. Le glissement de certains partis de gauche vers des valeurs libérales en est un autre. Mais le libéralisme (politique) fut jadis de gauche...
5/Le glissement de l'axe droite/gauche est parfois très rapide : en un an, entre 92 et 93, les brissotins (ou Girondins), qui étaient à la gauche de l'Assemblée législative ne se sont-ils pas retrouvés à la droite de la Convention ?
6/On peut opter pour une optique nominaliste, relativiste, en disant que les mots de "gauche" et de "droite" ne recouvrent rien substantiellement, qu'ils ne sont que des positions relatives par rapport à un axe. On dira alors qu'il y a toujours & partout une gauche & une droite.
7/La position nominaliste reviendrait à dire, par exemple, que même au Parlement iranien, il y a une gauche et une droite ; ou que, dans chaque parti, même de droite, il y a une gauche et une droite.
Une position essentialiste dirait, elle, que la gauche iranienne est en exil...
8/On est toujours "à gauche" des uns et "à droite" des autres. Dans certains pays, le simple fait d'être laïque vous classe à gauche et, dans d'autres, le simple fait d'être attaché à la nation vous classe à droite.
9/Cincinnatus a raison de penser qu'on n'en finira pas de sitôt avec cette classification "topographique" qui structure notre vie et notre imaginaire politiques depuis plus de deux siècles. Et cela même si l'on considère que les enjeux du moment exigent qu'on ne s'y arrête pas.
10/Cincinnatus a raison de dire que, plutôt qu'à la fin de l'axe "gauche-droite", on assiste à la "démultiplication, largement prévisible, des enjeux orthogonaux à cet axe" (environnement, islamisme, libéralisme). On pourrait ajouter : sécurité, frontières, laïcité, racisme.
11/José Ortega y Gasset a écrit (avant Raymond Aron) : «Être de gauche ou être de droite, c’est choisir une des innombrables manières qui s’offrent à l’homme d’être un imbécile. Toutes deux sont en effet des formes d’hémiplégie morale ».” (La Révolte des masses, p. XXV)
12/Je n'irais pas aussi loin. Se dire de droite ou de gauche, pourquoi pas ? Il entre dans cette manière de voir des positions intellectuelles, mais aussi une mémoire, des héritages, des affects, des fidélités et des affinités qui ne se résument pas à des programmes.
13/Ce qui est désastreux, moralement et intellectuellement, est de renoncer à l'exigence de vérité pour se conformer à la ligne de son camp. Ce n'est pas de se rattacher à un camp qui est grave, c'est d'y aliéner sa pensée. Et de croire que la vérité a élu domicile dans un parti.
14/Camus for ever : "On ne décide pas de la vérité d'une pensée selon qu'elle est de droite ou de gauche et encore moins selon ce que la droite et la gauche décident d'en faire."
Lettre au directeur des Temps Modernes (30 juin 1952)
15/Pour ma part, il m'est devenu parfaitement indifférent de me dire de gauche ou de droite, même si je suis foncièrement né dans un milieu de gauche modérée, républicaine, humaniste (et anticommuniste). La gauche de René Cassin, Pierre Mendès France ou de Jacques Julliard.
16/Désormais, il en est de mon identité de gauche comme des boutons de fièvre : elle ne ressurgit que dans les moments de forte fatigue ou de grand stress... Par exemple, quand je suis confronté à des sectaires de droite, des racistes, des butors. Je suis de la gauche herpétique.
• • •
Missing some Tweet in this thread? You can try to
force a refresh
1/Incompétence ou mauvaise foi? Prenons ce sempiternel exemple visant à dénoncer le sexisme de l'accord au masculin pluriel:
"«100 femmes et un chien sont revenus» : «La violence symbolique est hallucinante, analyse le psycholinguiste Pascal Gygax."
Non. letemps.ch/societe/lecrit…
2/Dans cet exemple (très artificiel), il faut être aveugle pour ne pas voir que la "violence insoutenable" n'a rien à voir avec l'accord au masculin pluriel. C'est l'énoncé lui-même qui est d'une muflerie sans nom en ce qu'il place sur le même plan une femme et des chiens...
3/Ce "psycholinguiste" militant attribue donc à une simple fonction grammaticale une dimension vexatoire qu'elle n'a nullement, sans voir que le sexisme est dans l'énoncé : "100 femmes et un chien". Incompétence ou idéologie, je ne sais.
1/Indispensable Brice Couturier qui - sur les ondes d'une radio à laquelle je reste fidèle mais trop souvent perméable ou complaisante au wokisme - nous offre de quoi penser et résister.
Témoin cette série de chroniques sur les politiques identitaires venues des Etats-Unis.
2/Quand on proclame que "le personnel est politique", qd l'identité se fait révolutionnaire, quand "parler en tant que" se substitue à "l’échange d’arguments entre personnes jouissant d’un statut épistémologique égal", la "déraison" (D. Murray) s'installe. franceculture.fr/emissions/le-t…
3/Le livre de Douglas Murray rend compte des divisions qui affectent la "communauté" lgbt, entre des militants homosexuels qui aspirent à la normalisation et la tendance queer, intolérante, dont le combat vise à "une transformation radicale de la société". franceculture.fr/emissions/le-t…
1/Je vous réponds vite, puis je vous laisse tranquille.
Je vous concède volontiers 2 points :
- Il y a la loi et il y a les mœurs, et la judiciarisation est un aveu de défaite. Quand on songe à légiférer sur les vêtements ou les poignées de main, c'est un symptôme de crise.
2/Seconde concession : en effet la culture française vit une crise de confiance. Il y a des raisons multiples à cela (j'élude) ; oui, le modèle laïque et républicain est ébranlé. Est-ce honteux? Je ne le crois pas. Parfois un aveu de faiblesse vaut mieux qu'un excès de confiance.
3/Était-ce un aveu de faiblesse d'interdire le voile islamique à l'école ? Assurément : c'était en effet le signe qu'on ne croyait plus aux seules vertus de l'éducation républicaine. D'où le recours à la loi. C'est malheureux, mais c'est parfois nécessaire.
1/Je pense que vous mésinterprétez l'enjeu du moment. D'abord un aveu : dans la France des années 70-80, j'aurais sans doute eu la même réaction que vous : "la république en danger parce qu'un juif ou un musulman rigoristes refusent de serrer la main d'une femme, quelle farce !"
2/J'irais plus loin encore : s'il y avait en France un nombre stable de Musulmans, comparable à celui des Juifs, et parmi eux, une proportion à peu près stable de rigoristes, les discussions du moment m'apparaîtraient peut-être comme à vous oiseuses, peut-être malsaines.
3/Mais nous ne sommes plus dans la France des années 70-80. Pour des raisons qui tiennent à l'immigration, à la démographie et au prosélytisme, la part de la population musulmane en Europe est en expansion spectaculaire (cf. les livres de Leschi et de Fourquet) depuis 40 ans.
1/Quelques réflexions sur l'affaire Finkielkraut-Duhamel.
Commençons par rétablir la vérité : Finkielkraut a explicitement condamné Duhamel, qu'il a jugé "inexcusable". C'est capital. Sur ce point toute polémique est insultante et malhonnête. #Finkielkraut
2/Il me faut arbitrer entre trois sentiments:
- une vraie estime pour Finkielkraut (que je ne lui retire pas, quels que soient nos désaccords);
- ma consternation à l'annonce de son renvoi brutal de LCI ;
-la conviction qu'il n'en a pas moins dérapé et que ce n'est pas un hasard.
3/L'intervention de Finkielkraut était juridiquement fondée, moralement déplacée et médiatiquement désastreuse.
- Juridiquement fondée parce que, quoi qu'on puisse en penser, la justice dissocie la détournement de mineur de la question du "consentement" (dont elle tient compte).
1/Le dernier billet de Cincinnatus est une mine d'or. Une relecture de Nietzche à la lumière de l'actualité politique, manuel de résistance à la vogue délétère des nouvelles idéologies du ressentiment (identitarismes, intégrismes, posthumanisme, radicalismes de toute obédience).
2/Cincinnatus, à la lumière de Nietzsche (et de... Cavanna : «Les gauchistes sentent le curé froid !»), expose ce qui souvent se cache derrière la rhétorique vindicative des SJW : une haine maladive de l'excellence, des passions tristes, un idéal frelaté de pureté.
3/Cincinnatus montre aussi comment la culpabilité autodestructrice dénoncée par Nietzsche s'est retournée chez nos SJW en une passion de l'incrimination, de l'inculpation généralisée des "autres" : nous sommes entrés dans l'ère d'un procès sans fin.