Tout petit thread, car je n'aime pas ce que je lis sur touitoui aujourd'hui : Je ne suis pas de perm ce jour-là mais je suis dans le bureau voisin et j'entends 1 certaine effervescence. Je me rapproche, pour voir - le parquetier est par nature curieux...
Ma collègue a le commissariat en ligne. Le service a été appelé en centre ville où un homme vivant seul a alerté ses voisins par ses hurlements, des bruits d'objets tombant au sol... Il est connu dans l'immeuble pour avoir des troubles psychiques.
Il a à plusieurs reprises été hospitalisé contre sa volonté, et manifestement il est en pleine crise. Un équipage se déplace sur les lieux, 2 policiers que je connais bien, des anciens, fiables, consciencieux. 8ème étage de la tour. Ils sonnent.
L'homme crie, n'est pas accessible au dialogue, menace de se défenestrer si la police rentre, puis de se trancher les veines... Les policiers préviennent les pompiers, 1 autre équipage arrive et d'en bas, les collègues et les badauds voient l'homme très agité
sortir sur le balcon, aller et venir, dedans-dehors, il crie, tient des propos désordonnés... Les policiers n'osent pas rentrer dans l'appartement en cassant la porte. Ils craignent évidemment que l'homme se jette dans le vide, ils n'auraient pas le temps de l'en empêcher...
Ils négocient, longtemps, mais sans parvenir à le calmer, l'homme est vraiment mal, ça dure longtemps et il continue à dire qu'il va sauter, en finir... Les policiers appellent le parquet, rentrer, pas rentrer?.. Ma collègue hésite aussi, les 2 solutions comportent des risques.
Ils finissent par rentrer, au bout de très longtemps et n'entendant plus aucun bruit dans le logement depuis 1 moment, craignant donc que l'homme ait attenté à sa vie. L'un des policiers a juste le temps de se précipiter vers le balcon où a filé le malade. Il l'effleure.
Trop tard, l'homme s'est jeté dans le vide. Évidemment, il perd la vie. Ce policier en sera très affecté, longtemps. Il n'en parlera pas, bien trop pudique : je l'apprendrai de ses collègues.
Aujourd'hui j'ai lu des tweets ignobles sur la police, entre provocation et mépris... Et je ne comprends pas qu'on puisse reprocher à tous les errements, même inqualifiables (que prétendument je couvre, évidemment!) de quelques uns.
Avant de me reprocher de défendre les policiers lorsque je trouve qu'on les attaque injustement ;
Avant de vomir sa haine de l'uniforme à longueur de tweet pour 1 minorité de pourris qui le salissent ;
Avant de caricaturer ces hommes & femmes qui risquent leur vie pour nous ;
Demandez vous comment vous supporteriez la violence, la tristesse, la peur et la détresse que la société leur déverse dessus tous les jours. A chaque prise de poste, impossible de savoir ce qui va leur tomber dessus. Quel choix vont ils devoir faire en 2 secondes?
Quel choix qui sera décortiqué à l'infini si ça tourne mal ? Combien d'outrages, dont mieux vaut ne pas songer a se plaindre sous peine de se voir accuser d'en faire 1 business? Depuis quand se faire traiter de bâtard est il considéré comme faisant partie du métier ?
De quelle autre profession exige-t-on qu'on le supporte ?..
Tout ça pour dire que j'ai été très agacée par beaucoup de choses aujourd'hui, jusqu'au blocage, ce qui est rare (mais ça m'a fait du bien).

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23 Apr
Parce que ce qui se passe à l'ENM me heurte profondément, je voudrais ce soir vous parler de Sir quand c'était une toute jeune hobbit de 24 ans. Je me souviens exactement de l'endroit où je me trouvais quand j'ai appris que j'étais reçue au concours. J'étais au travail.
Ma mère travaillait à la poste, elle ne gagnait pas beaucoup, et j'ai perdu mon père jeune. Toutes mes études, je les ai financées grâce aux bourses. Pas de prépa privée pour moi, la fac, puis l'IEJ. Après les écrits, plus de bourses : il fallait travailler pour gagner sa vie.
J'avais donc 1 plein temps dans 1 société de recouvrement & en même temps, je bossais les oraux. On était en fin d'après midi quand j'ai su que YES!! J'étais reçue !! Ma vocation déjà, et finie la galère ! J'ai crié de joie, mes collègues m'ont félicitée... Après ça a été vite.
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19 Apr
Je suis jeune substitut et aujourd'hui, c'est jour de reconstitution : sans aucun doute, on va faire nocturne. Je n'ai pas suivi le dossier depuis le début alors cette semaine j'ai bien travaillé la procédure : assassinat, cela mérite d'être bien au point.
En fin de journée je m'habille chaudement et je me rends sur place. Le juge d'instruction est assez autoritaire, peut facilement s'impatienter voire devenir cassant : la tension peut rapidement monter. Les policiers ont bloqué le périmètre et la circulation est bloquée,
les faits s'étant partiellement déroulés sur la voie publique. Je me gare un peu plus loin et je finis à pied. Je salue les policiers, nombreux, le médecin legiste, ainsi que mon collègue magistrat instructeur, sans chaleur particulière. On attend le mis en examen et les avocats.
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16 Apr
Je me suis levée tôt ce matin. Je suis de perm et en allant à la salle de sport avant le travail, je me suis dit que je pourrais profiter tranquillement de mon cours de RPM sans être dérangée par le téléphone d'astreinte... Je m'escrime depuis même pas une demi heure
quand le mobile posé devant moi bien en évidence s'illumine. La maison d'arrêt, à 7h30?.. Je grimace, mauvais signe. Je sors vite, vite de la pièce où les enceintes déversent leur son très fort et me réfugie au plus loin de ce vacarme, je décroche, essoufflée :"Oui?
- Madame le procureur? C'est la maison d'arrêt. On a 1 décès. Suicide". Je fronce les sourcils, pas besoin d'en savoir +. "J'arrive". Je fonce récupérer mes quelques affaires, terminé le RPM, vite à la douche. Je me presse, on fera l'impasse sur le maquillage pour aujourd'hui,
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14 Apr
Audience correctionnelle, le juge ouvre de grands yeux en voyant s'avancer Yann et Jean-Paul. Pantalons de travail à la propreté douteuse, chemise à carreaux et bretelles, les 2 compères sont bien assortis et manifestement ont arrêté un travail au champ pour venir au tribunal.
Ils se tiennent prudemment de chaque côté de la barre, à 1 distance raisonnable l'un de l'autre et en évitant de se regarder, l'air un peu perdu de ceux qui n'ont pas l'habitude du tribunal correctionnel. Le président commence à lire ce qui est reproché à Yann et Jean-Paul.
Ils sont tous les deux poursuivis pour violences aggravées réciproques : ils se sont saisis l'un d'une faux, l'autre d'1 rotofil, et ont décidé de régler le conflit qui les oppose, enfin. Cela fait bien longtemps qu'ils cohabitent, chacun sur son lopin
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12 Apr
Il est tard dans la nuit quand le téléphone de permanence sonne. Je ne dors pas encore, je regarde pour la 9ème fois peut-être Donnie Darko et c'est la voix à peu près claire que je décroche : "madame le procureur ?"
J'ai reconnu la voix du chef de quart de nuit du commissariat :
"Oui commandant, bonsoir". Cet officier n'a pas l'appel nocturne facile, s'il veut me prévenir, il a une bonne raison... Il me le confirme : il a un mort sur les bras, en pleine voie publique, et des témoins ont décrit un grand bruit, comme une détonation.
Les collègues sont sur place, et il va se déplacer : il semblerait que le corps soit tombé du dernier étage d'une annexe de l'hôpital psychiatrique, située en centre ville. Je grimace. "J'arrive". Je note l'adresse qu'il vient de me donner, mets le film sur stop et me lève.
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11 Apr
Il y a quelques jours, j'ai appris le décès de mon tout premier proc. J'avais 27 ans quand j'ai été nommée substitut du procureur dans son tribunal. Je me souviens de ses yeux ronds quand il m'a vue débarquer avec mon style gothique & mes éclats de rire qui raisonnaient fort.
Je me souviens de son oeil malicieux quand la 1ère fois il m'a tendu le téléphone de permanence et l'énorme classeur qui allait avec, et qu'il il m'a dit que pendant sa 1ère perm, il avait eu une prise d'otages et 1 évasion en hélico à la maison d'arrêt.
J'ai dû faire de grands yeux ronds car il a explosé de rire, et il m'a rassurée en me disant qu'il avait très bien géré, et que je gérerais tout aussi bien, et que de toute manière, je pouvais l'appeler nuit et jour si besoin. Je l'ai appelé, bien sûr, nuit ET jour.
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