Audience correctionnelle, il n'y a pas grand monde dans la salle pour l'affaire qu'on s'apprête à juger. Sylvain à la barre jette un oeil revêche à ses juges; du côté des parties civiles est présent l'avocat du père des victimes mineures,Fred, qui a choisi de ne pas être présent.
Il est très en colère contre Sylvain mais également contre Agnès, son ex et la mère des enfants victimes, Léo et Anna ; il a senti qu'il allait dire certaines choses qu'il regretterait & a donc trouvé plus sage de laisser son avocat le représenter et porter la parole des petits.
La présidente énonce les faits reprochés : violences sur conjoint en présence de mineurs, violences habituelles sur mineurs... Elle en profite pour appeler Agnès, visée comme victime, qui se lève et à la question de la présidente "entendez vous vous constituer partie civile?",
secoue négativement la tête. Interrogé sur son positionnement sur les faits objets des poursuites, Sylvain reste sur la ligne qu'il a adoptée depuis le début de l'enquête : il conteste. La présidente résume : les enfants d'Agnès ne vivent pas avec elle mais avec Fred
qui en a la garde habituelle. La maman bénéficie de droits de visite 1 week-end par mois et une partie des vacances, ce qui est inférieur à ce qui est accordé habituellement car Agnès a quelques difficultés personnelles qui font qu'elle a parfois du mal à gérer les enfants.
Son ex ne veut pas la couper des petits mais depuis des années c'est parfois dur d'y aller : maman est malade, des troubles psy qui rendent le quotidien compliqué. Elle souffre de bipolarité et ne prend pas toujours son traitement, et donc selon les périodes...
Les week-ends et vacances se passent plus ou moins bien, les séjours chez maman sont parfois écourtés. Quand Agnès a rencontré Sylvain, Léo et Anna ont d'abord été contents : maman était toujours triste d'être seule, elle pleurait souvent quand ils retournaient chez papa...
Ils se sont dit qu'elle irait mieux avec quelqu'1 qui pourrait la soutenir, s'occuper d'elle, surveiller qu'elle prend ses médicaments...Il était si gentil au début, il cherchait à se faire aimer d'eux quand ils le voyaient certains week-ends,ils faisaient des sorties en famille.
Au bout de quelques mois il a emménagé chez elle, & là tout a changé. Il est devenu dur, cassant, avec Agnès mais également avec Léo & Anna. Il leur parlait mal, aboyait des ordres... Il a commencé à critiquer l'éducation reçue par les enfants, bien trop coulante selon lui.
Il s'est donc employé à les punir pour tout et rien, en leur attribuant des corvées au début puis de manière plus dure. Il leur criait dessus tout le temps, leur disait des choses humiliantes à leur propos mais également sur leur mère, en se moquant d'elle en présence d'Agnès.
Ensuite sont venues les empoignades, les gifles, les coups... Quand maman a essayé de s'interposer les poings ont commencé à pleuvoir sur elle aussi; à sa réaction Léo et Anna ont compris que ce n'était pas la 1ère fois. Pendant quelques mois ils n'ont rien dit.
En parler à leur père ça aurait signifié ne plus aller chez leur mère & même s'ils s'y rendaient la peur au ventre, ils ne pouvaient pas la laisser toute seule, elle avait besoin d'eux...Léo & Anna en ont parlé ensemble et ont décidé de garder le silence, de faire bonne figure.
C'était pourtant dur de préparer ses affaires 1 fois par mois, la boule dans la gorge, pour aller passer deux jours dans cette ambiance de plomb... Léo a fini par craquer un dimancher soir, au retour d'un de ces week-ends lugubres. Son papa l'a entraperçu dans la salle de bains,
1 belle ecchymose sur le flanc, un endroit inhabituel même si Léo est un vrai casse-cou qui tombe souvent... Papa a posé des questions et son fils a tenté d'éluder... Son père l'a senti très mal & a donc insisté ; au bout de quelques questions le petit garçon a fondu en larmes.
Il lui a tout raconté, les punitions, les humiliations, les violences tous les week-ends depuis l'année dernière, sur lui, sur Anna, et sur maman. Son père se le fait confirmer par sa fille qui avec réticence décrit la même chose ; elle lui fait même écouter un enregistrement
pris en cachette de ce qui se passe chez leur mère, et ce que Fred entend ne lui laisse plus aucun doute sur la véracité de ce que déclarent ses enfants. Il bout, tous ces efforts pour qu'Agnès reste en lien avec les petits... Pour ça?? Il va à la gendarmerie avec Léo et Anna.
Il dépose plainte, les enfants vont à l'Unité Médico Judiciaire : le médecin relève certaines marques récentes sur le corps des deux, compatibles avec des coups, et surtout note qu'ils sont au bout du rouleau et très, très inquiets pour leur maman.
Les gendarmes n'attendent pas : dès réception du rapport médico-légal, ils vont interpeller Sylvain & le placent en garde-à-vue. Agnès est auditionnée mais elle dit n'être victime de rien & que ses enfants non plus. Le gendarme incrédule lui lit les déclarations de Léo et d'Anna,
les conclusions du médecin : elle ne comprend pas, vraiment, tout va bien à la maison. L'enquêteur lui fait écouter l'enregistrement : on entend Sylvain crier, lui dire des horreurs, des bruits d'objets brutalement renversés, et des sons qui ne laissent aucun doute, des coups...
Agnès détourne le regard. Non, elle n'a rien à dire. Non, elle ne s'estime pas victime et non, elle ne dépose pas plainte. Oui elle a conscience que la présence de Sylvain est devenu un obstacle pour qu'elle puisse continuer à voir ses enfants... Elle hausse les épaules.
Sylvain conteste, il n'a frappé personne. L'enregistrement ? Il s'est énervé parce que quand ils sont à la maison tous les 3 ils le poussent à bout, tout leur est permis, elle n'a aucune autorité... Il part au quart de tour mais ce qu'on entend ce ne sont pas des coups,
ce n'est que verbal. Il n'est pour rien dans les marques que présentent les enfants, ils mentent dans leurs déclarations. Personnellement les déclarations concordantes des mineurs étayées par les éléments médico-légaux, l'enquête de voisinage, la bande son, des auditions parmi
les proches d'Agnès dont certains éléments confirment l'existence de violences, ça me suffit : je décide de poursuivre Sylvain, & je lui fais imposer 1 interdiction de rencontrer Agnès, pour la protéger. A l'audience on apprend qu'il ne l'a pas respectée et il reste dans le déni.
Il balaye toutes les accusations d'1 revers de main : ils ne voulaient juste plus venir chez leur mère qui est, disons-le, "un vrai boulet quand elle s'y met". Je vois Agnès hocher vigoureusement a tête... Elle n'a pas revu ses enfants depuis la plainte. Je requiers avec force
1 fois que l'avocat de Fred a expliqué comment tout cela perturbe Léo & Anna, très tristes de ne plus voir leur mère... Après avoir entendu sa condamnation, Sylvain lève les yeux au ciel et quitte la salle d'audience d'un pas décidé ; immédiatement, Agnès se lève pour le suivre.
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La collègue du parquet de permanence me prévient ce matin-là : "Sir ouverture d'info en fin de journée, tu vas faire nocturne, VAMA multiples, tentative de meurtre sur PDAP". Bien sûr lecteur je traduis : juge d'instruction, le parquet a décidé d'ouvrir une information judiciaire
pour plusieurs vols avec arme et une tentative de meurtre sur personne dépositaire de l'autorité publique, je présume un gendarme ou un policier. Je suis curieuse alors je me renseigne : deux suspects, en garde-à-vue depuis avant hier soir, s'en sont pris à plusieurs personnes
sur la voie publique pour leur voler quelques biens de faible valeur avec menace de pistolets avant d'être pris en chasse par 3 gendarmes du PSIG (peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie). Ils ont pris la fuite dans un véhicule, poursuivis
Parce que ce qui se passe à l'ENM me heurte profondément, je voudrais ce soir vous parler de Sir quand c'était une toute jeune hobbit de 24 ans. Je me souviens exactement de l'endroit où je me trouvais quand j'ai appris que j'étais reçue au concours. J'étais au travail.
Ma mère travaillait à la poste, elle ne gagnait pas beaucoup, et j'ai perdu mon père jeune. Toutes mes études, je les ai financées grâce aux bourses. Pas de prépa privée pour moi, la fac, puis l'IEJ. Après les écrits, plus de bourses : il fallait travailler pour gagner sa vie.
J'avais donc 1 plein temps dans 1 société de recouvrement & en même temps, je bossais les oraux. On était en fin d'après midi quand j'ai su que YES!! J'étais reçue !! Ma vocation déjà, et finie la galère ! J'ai crié de joie, mes collègues m'ont félicitée... Après ça a été vite.
Tout petit thread, car je n'aime pas ce que je lis sur touitoui aujourd'hui : Je ne suis pas de perm ce jour-là mais je suis dans le bureau voisin et j'entends 1 certaine effervescence. Je me rapproche, pour voir - le parquetier est par nature curieux...
Ma collègue a le commissariat en ligne. Le service a été appelé en centre ville où un homme vivant seul a alerté ses voisins par ses hurlements, des bruits d'objets tombant au sol... Il est connu dans l'immeuble pour avoir des troubles psychiques.
Il a à plusieurs reprises été hospitalisé contre sa volonté, et manifestement il est en pleine crise. Un équipage se déplace sur les lieux, 2 policiers que je connais bien, des anciens, fiables, consciencieux. 8ème étage de la tour. Ils sonnent.
Je suis jeune substitut et aujourd'hui, c'est jour de reconstitution : sans aucun doute, on va faire nocturne. Je n'ai pas suivi le dossier depuis le début alors cette semaine j'ai bien travaillé la procédure : assassinat, cela mérite d'être bien au point.
En fin de journée je m'habille chaudement et je me rends sur place. Le juge d'instruction est assez autoritaire, peut facilement s'impatienter voire devenir cassant : la tension peut rapidement monter. Les policiers ont bloqué le périmètre et la circulation est bloquée,
les faits s'étant partiellement déroulés sur la voie publique. Je me gare un peu plus loin et je finis à pied. Je salue les policiers, nombreux, le médecin legiste, ainsi que mon collègue magistrat instructeur, sans chaleur particulière. On attend le mis en examen et les avocats.
Je me suis levée tôt ce matin. Je suis de perm et en allant à la salle de sport avant le travail, je me suis dit que je pourrais profiter tranquillement de mon cours de RPM sans être dérangée par le téléphone d'astreinte... Je m'escrime depuis même pas une demi heure
quand le mobile posé devant moi bien en évidence s'illumine. La maison d'arrêt, à 7h30?.. Je grimace, mauvais signe. Je sors vite, vite de la pièce où les enceintes déversent leur son très fort et me réfugie au plus loin de ce vacarme, je décroche, essoufflée :"Oui?
- Madame le procureur? C'est la maison d'arrêt. On a 1 décès. Suicide". Je fronce les sourcils, pas besoin d'en savoir +. "J'arrive". Je fonce récupérer mes quelques affaires, terminé le RPM, vite à la douche. Je me presse, on fera l'impasse sur le maquillage pour aujourd'hui,
Audience correctionnelle, le juge ouvre de grands yeux en voyant s'avancer Yann et Jean-Paul. Pantalons de travail à la propreté douteuse, chemise à carreaux et bretelles, les 2 compères sont bien assortis et manifestement ont arrêté un travail au champ pour venir au tribunal.
Ils se tiennent prudemment de chaque côté de la barre, à 1 distance raisonnable l'un de l'autre et en évitant de se regarder, l'air un peu perdu de ceux qui n'ont pas l'habitude du tribunal correctionnel. Le président commence à lire ce qui est reproché à Yann et Jean-Paul.
Ils sont tous les deux poursuivis pour violences aggravées réciproques : ils se sont saisis l'un d'une faux, l'autre d'1 rotofil, et ont décidé de régler le conflit qui les oppose, enfin. Cela fait bien longtemps qu'ils cohabitent, chacun sur son lopin