Je crois que nous avons intérêt à promouvoir plus de sobriété en 🇫🇷
Mais, concrètement, ça donne quoi ?
Voici une illustration avec un sujet hautement controversé : la consommation de viande !
Un fil à dérouler (sources à la fin)
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Il y a eu récemment beaucoup de polémiques autour de la viande, notamment en lien avec le bien-être animal et le végétarisme/véganisme.
Ici, je voudrais aborder les choses sous l’angle de nos intérêts collectifs : nous gagnerions à faire évoluer nos habitudes de consommation.
Quelle est la situation ?
Il y a d’abord un enjeu environnemental. Pour un même apport en protéines, la viande émet beaucoup plus de GES que les végétaux (@BonPote).
Et l’emprise au sol est très importante : lait + viande = 80 % de la surface nécessaire pour notre alimentation
Mais attention, il s’agit souvent de moyennes mondiales ! Cela ne tient donc pas compte du type d’élevage, de l’alimentation des animaux, du stockage dans les prairies, etc.
Ex. Un kilo de bœuf 🇫🇷 émettrait ~ 3 fois moins de CO2e que la moyenne mondiale (@ademe, @_Terra_Nova).
Il y a aussi la déforestation.
D’après une étude de 2020, le 🇧🇷 c'est 41 % des importations de soja de l’UE et 1/3 de la viande de bœuf.
Or, 1/5 du soja 🇧🇷 et 17 % du bœuf aurait un lien avec la déforestation illégale (@ScienceMagazine).
La 🇫🇷 importe + de 2mt de soja 🇧🇷/an.
Ces enjeux environnementaux ont un impact sur l’opinion publique.
Ainsi, une étude récente montrait que 67 % des 🇫🇷 avaient commencé à réduire leur consommation de viande + 14 % qui avaient l’intention de le faire (@BVA_France). Les écarts entre classes sociales sont limités.
Ce n’est pas tout. En 20 ans, le solde commercial 🇫🇷 pour la viande est passé de +800m€ à -1,3mds€ (@douane_france).
Ex. Entre 2010 et 2019, les importations de poulets de 🇵🇱 [Pologne] (généralement transformés ou congelés) ont quintuplé.
En parallèle, les accords de libre-échange renforcent une concurrence inégale.
Les antibiotiques comme promoteurs de croissance sont interdits en 🇪🇺 depuis 2006, mais pas au 🇧🇷, au 🇨🇦 et aux 🇺🇸
Sur les farines animales, l’🇪🇺 est plus stricte que ces trois pays.
À côté de cela, la grande distribution tire les prix vers le bas. Bruno Dufayet (@EleveursBovins) parle d’un manque à gagner de près de 1€/kilo.
D’après l’INSEE, le revenu moyen des 176 000 éleveurs 🇫🇷 (bovins, ovins, poulets, etc.) est de 1 020€/mois (déficits inclus).
Que faire ?
Sans doute manger moins de viande, afin de manger de la viande locale, de bonne qualité et qui rémunère mieux les producteurs.
D’ailleurs, dès 2017, 89 % des 🇫🇷 estimaient qu’il fallait manger moins de viande, mais de meilleure qualité (@IpsosFrance).
Pourtant, s’en remettre simplement aux comportements individuels ne suffit pas !
Certes, la consommation par 🇫🇷 est passée de 94kg (équivalent carcasse) en 1998 à 85kg en 2009 (@FranceAgriMerFR).
Mais c’est encore loin des 76kg de 1970. Et la consommation stagne depuis 10 ans.
Pourquoi ?
Cela serait notamment dû à la hausse de la vente à emporter et à la mode des burgers et des nuggets.
Autres tendances : moins de viande fraîche et plus de viande transformée ; moins de boucheries et de marchés et plus de grande distribution.
Au final, avec l’évolution démographique, nous n’avons jamais consommé autant de viande en 🇫🇷 qu’aujourd’hui (5,7mt en 2019) … et cela au bénéfice des importations.
Taux d’approvisionnement pour la volaille (@douane_france) :
146 % en 2000,
111 % en 2010,
95 % en 2017.
L’opinion publique est bien disposée, mais cela ne suffit pas. Il faut maintenant que les pouvoirs publics organisent les choses efficacement.
1) Il y a un levier directement activable du côté de la restauration collective : écoles, hôpitaux, entreprises publiques, EHPAD, etc.
Au lieu de proposer de la viande (souvent importée) à chaque repas, pourquoi ne pas réduire les quantités, au profit d’une viande locale ?
Cela permettrait notamment de promouvoir d’autres habitudes alimentaires, axées sur la qualité des produits et la connaissance de l’origine.
Et les prix ?
Une étude montre que les cantines proposant un menu végétarien quotidien ont un coût denrées moyen de 1,96€ par repas contre 2,30€ pour celles n’en ayant jamais. Et les 1ères sont 2,5 fois plus susceptibles que les 2ndes de proposer de la viande (bio) locale !
2) Les pouvoirs publics peuvent donc contribuer à modeler l’offre dans un sens avantageux à la collectivité. Ils doivent également permettre aux consommateurs d’accéder à des informations fiables sur ce qu’ils consomment.
(Richard Carmichael a évoqué ces 2 leviers en "step 1")
Serge Papin (ex PDG de système U), dans son rapport au Ministère de l’agriculture, parle de « patriotisme agricole ».
Il écrit notamment : « L’affichage de la provenance dans la restauration hors foyer et pour les plats cuisinés devrait être obligatoire ».
3) Le circuit de la grande distribution (80 % de la viande fraîche en volume) peut être amélioré : transparence sur l’origine, meilleur encadrement des promotions, prix minimum pour les producteurs, etc.
Il importe tout particulièrement de rééquilibrer les forces entre les agriculteurs d’un côté et les distributeurs et transformateurs de l’autre.
Ex. Dans la dernière période, le prix payé par le consommateur a ↗️ beaucoup plus vite que le prix payé aux éleveurs bovins.
4) Enfin, à terme, il va falloir revenir sur les traités de libre-échange, qui portent atteinte à nos intérêts sociaux et environnementaux. Cela se joue au niveau 🇪🇺, mais la 🇫🇷 peut dès maintenant faire du lobbying pour l’adoption de réglementations moins défavorables.
En définitive, même si l’🇪🇺 limite leurs marges d’action, les gouvernants ne sauraient se défausser de leurs responsabilités, car ils disposent malgré tout de leviers importants activables rapidement. Nos habitudes de consommation sont une affaire collective !
Je sais que les questions agricoles s'avèrent particulièrement complexes et sensibles (plus encore dans le cas de la viande !). N’ayant aucune compétence sur ces sujets, j’ai peut-être manqué des éléments essentiels ou fait des erreurs d’appréciation en abordant les choses.
Je mentionne donc quelques comptes qui connaissent bien les sujets agri et qui n’hésiteront pas à me corriger au besoin 😉
En tout cas, mon but est de voir, sur un cas particulier, comment un effort de « sobriété » (= manger moins de viande) est envisageable et peut servir nos intérêts collectifs.
Potentiel : + de 1md€ dans l’économie 🇫🇷 (surtout pour les éleveurs) et moindre empreinte écologique.
C’est donc avant tout une méthode que je défends.
Les indicateurs du marché montrent d’importantes lacunes. Aux pouvoirs publics, dans un environnement contraint, de prendre leurs responsabilités et de se guider en tenant compte de toutes les dimensions de l’intérêt général.
À l’occasion, je tenterai peut-être l’exercice dans d’autres domaines, car je suis convaincu que, derrière le mot abstrait de « sobriété », se trouvent en réalité des actions concrètes, souvent bénéfiques à notre pays dans le contexte actuel ⤵️
- Déforestation : Raoni Rajão, et al., « The rotten apples of Brazil’s agribusiness : Brazil’s inability to tackle illegal deforestation puts the future of its agribusiness at risk », Science, July 2020, vol. 369, Issue 6501, 246.
- Consommation de viande en 🇫🇷 (et image) : @FranceAgriMerFR, septembre 2020, p. 10 et 12, franceagrimer.fr/Actualite/Fili….
+ Sur les produits et les circuits de distribution : id., p. 15 et 29.
- Image du changement en 2 étapes : Richard Carmichael, « Behaviour change, public engagement and Net Zero », A report for the Committee on Climate Change, October 2019, p. 10.
@EmmPont et @mclucal m’ont fait remarquer que je donnais beaucoup de poids aux problèmes intellectuels, au risque de méconnaître la réalité des rapports de force ⤵️
Cela me donne l’occasion de présenter mon analyse de la situation politique
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Je l’ai déjà écrit plusieurs fois : le cap suivi par l’exécutif nous mène dans une impasse.
En effet, nos efforts de compétitivité créent de multiple tensions sociales : dégradation des conditions de travail, mesures d’austérité, déséquilibres entre classes sociales…
Cela menace de plus en plus la cohésion de la cité, et notre système de redistribution n’arrive pas à rééquilibrer les choses.
S’ajoute le fait que le commerce extérieur français reste structurellement déficitaire et que nous sommes très en deçà des enjeux environnementaux.
Mon premier fil sur les inégalités a eu beaucoup plus de succès que prévu, puisque je suis passé de 600 à 1 200 abonnés en trois jours !
Un immense merci à toutes celles et ceux qui ont partagé le fil, et en particulier à @ordrespontane qui a très gentiment initié le mouvement.
J’en profite pour dire un mot sur ce compte.
Mon ambition ? Rien de moins que proposer une alternative crédible pour 2022 😇
J’expose donc mes idées en rédigeant des fils sur les différents éléments de notre conjoncture : classes sociales, inégalités, industrie, écologie, etc.
Ce n’est pas de la recherche ou du journalisme, car je formule une véritable proposition POLITIQUE.
Voilà pourquoi je ne m’attends pas à ce que nous soyons d’accord sur tout (ni même sur quoi que ce soit). Mais j’espère vous convaincre que le cap que j’envisage est raisonnable…
La dénonciation des inégalités est très présente dans le débat public.
Cependant, pour ce qui concerne la 🇫🇷, les inégalités de niveau de vie ont très peu augmenté.
A-t-on alors affaire à un ressenti non étayé par les faits ?
Tâchons d’y voir un peu plus clair
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Cette question est de première importance, car le problème de la répartition est au cœur de la vie politique.
- Que l’on demande plus d’égalité : en 2020, 64 % des 🇫🇷 estimaient que la justice sociale impliquait que l’on prenne aux riches pour donner aux pauvres (@CEVIPOF).
- Ou que l’on juge que nous sommes allés trop loin : « Une petite minorité contribue de manière illimitée […], tandis que les autres […] ne produisent pas, ne contribuent pas, mais bénéficient sans condition de transferts sociaux sans cesse croissants » (@NicolasBaverez).
Emmanuel Macron en appelle sans cesse à l’unité du pays, surtout depuis le début de la pandémie.
En vain, car les 🇫🇷 ne se rassemblent pas autour de lui.
Pourquoi donc ?
Tout simplement parce qu’on ne mène pas une politique d’union nationale avec un programme partisan !
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Depuis le bandeau de son livre de campagne (« Réconcilier la France ») jusqu’à ses derniers appels autour de la #FranceUnie (⤵️), E. Macron ne cesse de dénoncer les divisions.
N’est-ce pas dans cet esprit qu’il a voulu dépasser le clivage droite/gauche ?
Mais si du point de vue électoral E. Macron s’est placé au centre, il n’en va pas de même du point de vue social ! Là, il se situe clairement du côté des classes supérieures, c’est-à-dire du petit nombre.
Peut-être est-il même le président qui a le plus manifesté cet ancrage.