Bonjour à tous, nous voici sur l'île de la Cité à Paris, au palais de justice, pour suivre pour les journaux @EBRApresse l'audience du jour au procès des attentats du #13Novembre2015.
C'est le Pr Bertrand Ludes, directeur de l'institut de médecine légale de Paris (après avoir dirigé celui de Strasbourg) qui est le premier témoin de la journée.
Le Pr Ludes dirigeait l'équipe de médecins légistes qui ont pris en charge les corps des victimes des attentats. Objectif: établir les circonstances et les causes des décès, rechercher tout indice de crime ou de délit.
Il s'agit aussi de faire une description détaillée des corps, et d'assurer la remise aux enquêteurs de tout objet ou projectile.
Le médecin légiste indique qu'il ne parlera pas de l'identification des corps (qui a été source d'erreurs), qui relève des forces de l'ordre.
Après les attentats du #13Novembre, l'IML de Paris a admis 123 corps, 17 fragments de corps (d'autres ont été damis par la suite). Le premier corps est entré à 6h le 14 novembre, le dernier est arrivé vers 10h50 le même jour.
L'IML a réalisé 69 autopsies, 49 scanners, 144 radios, 30 examens dentaires.
156 présentations aux proches ont en outre été assurées.
Tous ces examens ont été réalisés dans les 6 jours impartis.
"L'IML avait déjà traité d'autres catastrophes."
L'équipe qui a opéré était composé de 15 médecins légistes aidés de 4 médecins venus de la gendarmerie (IRCGN), 2 médecins en coopération, 4 chirurgiens dentaires, 6 radiologues, 3 balisticiens, 1 psychologue, 7 agents d'accueil, 22 techniciens, 3 agents de propreté...
... 3 agents techniques et 3 secrétaires.
Le Pr Ludes poursuite sur les constatations réalisées sur les corps: "moins d'un tiers comportaient des projectiles entiers. La majorité comportait des fragments de projectiles."
Les victimes présentaient "de nombreux orifices cutanés", entre "un et 32".
Le discours du Pr Ludes, très technique, laisse entendre que de nombreuses balles de kalachnikovs ont traversé les corps.
Au vu du temps imparti de 6 jours pour pour réaliser les examens, autopsier l'intégralité des victimes était impossible, d'autant qu'elles s'avéraient complexes: entre 6h et 8h par corps.
Il a donc fallu prioriser les autopsies, qui ont été concentrées notamment sur les victimes du Bataclan.
Un tiers des corps présentaient une seule zone touchée: 9 au crâne, 1 à la zone cervicale, 21 au thorax, 9 à la zone abdominale, et 3 aux membres inférieurs.
Cela représente 43 victimes: 33 au Bataclan et 10 sur les terrasses.
51 personnes ont été touchées sur deux de ces zones (40%), 31 sur trois zones (24%), 5 sur quatre zones de leur corps (4%).
Le Pr Ludes a aussi évoqué la victime du Stade de France, morte lors de l'explosion d'un kamikaze par la projection d'écrous.
Pour toutes les victimes des terrasses et du Bataclan, il explique que les projectiles de kalachnikovs provoquent une "dilacération des organes", avec "une atteinte aux vaisseaux" qui provoque une hémorragie très importante.
Pour de nombreuses victimes, "le décès est immédiat", poursuit le professeur de médecine légale. dans le cas d'une hémorragie massive, la mort peut intervenir en "3 à 4 minutes".
Mais dans ce cas, le premier impact a probablement déjà rendu la victime inconsciente, avant qu'elle ne soit atteinte par d'autres projectiles.
Le Pr Ludes exclut toute blessure par arme blanche.
Y a-t-il eu des tirs à bout touchant, demande une assesseure? Impossible à dire, répond le Pr Ludes, notamment en raison du "comportement" des projectiles dans le corps. "Nous avons une interrogation das un cas, précise-t-il. Mais on ne peut pas le démontrer."
L'institut de médecine légale a reçu des questions complémentaires des proches des victimes, notamment pour savoir si une victime était consciente avant sa mort, ou le délai entre les impacts et la mort: "Des explications fournies aux familles et à leurs conseils".
Ces analyses ont été faites sur dossier, il n'y a pas eu de nouvel examen des corps.
Le travail de l'IML de Paris ne s'est pas arrêté avec ces 6 jours d'autopsies et d'examen: "D'autres éléments humains ont ensuite été admis à l'institut", explique le Pr Ludes. On pense notamment à la jambe du kamikaze Samy Amimour, retrouvée au Bataclan le 28 novembre.
Le Pr Ludes est interrogé par le ministère public sur la mort d'Ismaël Omar Mostefaï, l'un des terroristes du Bataclan tué lors de l'assaut de la BRI. Il a été atteint par l'explosion du gilet explosif activé par son comparse Foued Mohamed-Aggad, et par un tir des policiers.
Le médecin légiste indique qu'il a été conclu à un décès dû à "un traumatisme crâno-encéphalique majeur" lié au blast de l'explosion, mais cela est concomitant avec une plaie à l'aorte due au tir de la BRI, qui était elle-même "mortelle".
Pour Samy Amimour, autre kamikaze du Bataclan (celui qui était sur la scène) atteint de plusieurs balles de pistolet par le policier de la Bac avant d'activer son gilet explosif, impossible de savoir si la mort est due aux tirs ou à l'explosion.
La raison est simple: le thorax du terroriste a disparu avec l'explosion, rendant impossible le constat des tirs du policier. Le médecin légiste n'a pas besoin de préciser que l'explosion qui a coupé le corps en plusieurs fragment était en elle-même mortelle.
Me Jean Reinhart, avocat de parties civiles, fait part des témoignages de nombreuses parties civiles qui lui ont parlé de la difficulté et des problèmes rencontrés à l'IML pour voir les corps de leurs proche: "c'est pas merveilleux", grince-t-il.
L'avocat dit avoir reçu "83 mails" de questions à poser au directeur de l'institut médico-légal.
Le Pr Ludes concède que des décès ont pu être annoncés au téléphone par le personnel administratif de l'IML, alors qu'il revient aux forces de police de le faire.
Beaucoup de familles ont aussi regretté le peu de temps qu'elles ont pu passer auprès du corps de leur proche. "5 minutes seulement", leur a-t-on dit. "Si ça s'est passé comme ça j'en sui confus", déclare le Pr Ludes. "mais ça s'est passé comme ça!", entend-on dans la salle.
Le Pr Ludes confirme qu'avant les examens, les familles ne pouvaient toucher le corps de leur proche, notamment pour éviter toute "contamination": "Nous ne pouvons pas autoriser un accès libre au corps". Ce n'est qu'à la mise en bière que cela est possible.
Le directeur de l'IML de Paris explique que l'accueil a été prolongé jusqu'à "20h, 20h30 voire 21h" et non à 17h comme c'est le cas habituellement.
Le professeur assume le délai de 8à 9 mois pour délivrer l'ensemble des compte-rendus individuels de toutes les victimes: "Cela prend du temps. Nous avons eu un grand nombre de personnes touchées."
Voici le tour de Me Gérard Chemla, qui représente également des dizaines de victimes. Il expose le cas délicat d'une jeune femme tuée au Bataclan.
Son corps était recouvert d'un manteau qui n'était pas le sien, avec une carte de transports en commun à l'intérieur, ce qui a occasionné une mauvaise identification. Elle d'abord a été considérée comme vivante, par erreur.
En quête de réponses les jours après les faits, sa mère a très mal vécu, elle aussi, de se voir refuser l'accès aux corps non identifiés. Ce n'est que le 17 novembre qu'elle a eu les premières informations, et c'est le 19 qu'elle a pu la voir et l'identifier.
"Les réponses à ses questions n'ont pas été données", accuse Me Chemla, notamment le temps qui a pu s'écouler entre le moment où sa fille a été touchée par balle et sa mort.
Le Pr Ludes répond simplement que la victime, touchée à la fesse par une balle à la trajectoire ascendante, es décédée d'une hémorragie interne très importante. Le projectile est en effet monté jusque dans la région ombilicale, sans ressortir du corps.
Me Mouhou présente lui aussi un cas difficile: une jeune femme mal identifiée lorsqu'elle est arrivée à l'IML. Le corps d'une autre victime a été présenté à sa famille. Puis le rapport de l'IML envoyé n'était pas le bon non plus.
Le Pr Ludes explique que les identités de deux victimes avaient été interverties, sur la terrasse de la Belle Equipe. Leurs corps sont arrivés avec les identités incorrectes sur le PV de police.
"Cela nous a conduit à demander à ce que les corps, dans ces cas de décès massifs, soient admis sous X à partir de maintenant, ajoute le directeur de l'IML de Paris. Et que les opérations d'identification soient appliquées à chaque corps."
Le président Periès met fin aux questions de Me Mouhou: "Il y a eu une erreur, je crois qu'on l'a bien compris. Elle était en amont et n'a pas pu être rectifiée malheureusement."
Sans surprise, les avocats des parties civiles se succèdent maintenant pour demander des explications et des informations sur certains cas précis de victimes.
Les difficultés d'identification et d'accueil on "laissé une empreinte importante chez les famille qui n'ont pas très bien vécu ce moment", dit encore une avocate.
Une avocate présente le cas d'une famille à qui l'on a dit que l'identification de leur fille pouvait prendre 15 jours: "Son père en a nourrit l'espoir fou qu'elle était encore vivante."
La déposition du Pr Bertrand Ludes, directeur de l'institut médico-légal de Paris, s'achève. L'audience est suspendue.
L'audience se poursuit maintenant avec une policière de la sous-direction antiterroriste (Sdat) de la PJ. Elle était la responsable de "l'atelier Victimes" dans le cadre du plan attentats déclenché le 13 novembre 2015.
L'identification des victimes était pour elle "une priorité centrale" mais le travail s'est fait "dans un contexte complexe qui a pu générer de multiples frustrations". Elle met notamment en cause les réseaux sociaux, qui ont pu apporter "une confusion supplémentaire".
La policière, baptisée SDAT005, détaille le dispositif mis en place pour la prise en charge des victimes dans le cadre des attentats.
"Nous avons été l'objet de nombreuses pressions pour obtenir un bilan immédiat, ce qui était évidemment impossible dans un délai très court", explique-t-elle.
"Les hôpitaux avaient pour priorité de soigner des gens, pas de faire remonter des identités à la police. ça paraît peut-être évident, mais c'est toujours mieux de la rappeler."
La policière liste les "cas problématiques", ces cas de mauvaise identification de certaines victimes, toutes des femmes. L'agent fond en larme en évoquant un cas d'homonymie qui a touché une victime du Bataclan et pour laquelle la famille n'avait "aucune réponse le 17 novembre".
La policière de la Sdat explique que les problèmes d'identification sont venus "des soit disant identifications dans les levées de corps sur les scènes de crime". Elle rejoint ainsi l'analyse du Pr Ludes.
"Tous les personnels ont mené à bien leur mission en un temps records: moins de dix jours", conclut-elle.
La commissaire souligne que la tâche était d'autant plus ardue que, contrairement à u crash aérien par exemple, il n'y avait pas de liste pré-établie permettant d'orienter le travail d'identification.
Dans son témoignage, elle met en lumière le travail de nombreux services, dans l'urgence et dans des conditions très difficiles, et une pression (médiatique et ministérielle) très forte.
Elle se réjouit, comme le Pr Ludes, que les corps arrivent maintenant à l'IML sous X, sans exception. Cela évite les confusions entre identités comme ce cas d'inversion de deux victimes: les secours avaient tout simplement interverti leurs effets personnels.
L'audience est terminée pour aujourd'hui, ce live s'achève donc ici. Bonne soirée.

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