La seule chose intéressante dans les débats parfois surréalistes concernant les droits des patients et la bienveillance médicale, est la profonde incompréhension de l'organisation des soins en France.
Ce qui permet à plein de gens de fantasmer dessus.
Alors petit thread.
Tout d'abord il faut reconnaître que l'organisation des soins, et surtout le cadre législatif et réglementaire est totalement bordélique et par conséquence source d'incompréhension.
I
Entre des législateurs qui confondent régulièrement santé publique et démagogie, et un ordre de médecin qui pense que le simple port d'un costume et d'une cravate est une condition nécessaire et suffisante pour interpréter les textes déontologiques du code de la santé publique..
... les médecins et les patients sont perdus, ou se retrouvent en conflit là où il ne devrait pas y en avoir.
On va donc essayer d'exposer ça de la façon la plus simple, en espérant que cette simplicité n'aggrave les malentendus.
Commençons donc du côté des patients. C'est à dire de nous tous.
Quand on est malade, surtout si on est porteur d'une maladie chronique on veut plusieurs choses parfois contradictoires.
On veut déjà trouver un médecin capable de faire le bon diagnostic.
On veut ensuite un traitement qui soulage vite et ce (ça c'est très important) bien plus qu'un traitement qui guérit.
On veut comprendre ce qui nous arrive mais aussi pouvoir publier qu'on est malade.
On veut faire confiance au médecin pour les traitements et la prise en charge, afin de ne plus avoir en tête la charge mentale que représente la maladie ET on veut savoir comment on va être traité, quelles sont les options et les risques.
On veut évidemment pouvoir choisir ses traitements (au pluriel) ET avoir celui (au singulier) qui est le plus rapidement efficace et dans dangers.
Et on veut tous, sans exception, être traités d'égal à égal par le médecin et non pas comme une personne qui en raison de sa maladie serait spontanément devenue débile.
Maintenant voyons ce qui se passe côté médecin.
Ici les choses se corsent.
Évidemment quand on est médecins on veut soigner le plus efficacement possible.
Sauf que "efficacement" a plusieurs significations.
Efficace ça peut vouloir dire faire disparaitre le symptôme.
Ça peut vouloir dire faire disparaitre la maladie (c'est totalement différent).
Ça peut vouloir dire faire disparaitre la plainte du patient (ce qui est encore différent des deux premiers concepts).
Ça peut aussi vouloir dire faire le maximum pour un patient même si pour c'est nuisible à la société.
Ou à l'inverse, faire ce qui est le mieux pour la société même si pour un patient donné le bénéfice est absent.
Dans ce dernier exemple, qui peut paraître abstrait, on peut illustrer ces situations par l'usage des antibiotiques (utiles pour un patient donné mais avec le problème de l'antibio résistance pour la population) ou avec les soins intensifs chez les patients âgés déments.
En théorie (et dans l'immense majorité des cas également en pratique), ces deux approches, celle du patient et celle du médecin sont parfaitement compatibles.
Exemple : Vous avez une infection urinaire, votre médecin vous confirme ce que vous aviez deviné toute seule, vous propose un traitement qui vous convient, le traitement supprime les symptômes, la maladie et votre plainte, et tout le monde est content.
Mais parfois ça ne se passe pas du tout comme ça.
- vous avez une maladie que pour des raisons qui vous appartiennent (déni, peur, échecs antérieurs, incompatibilité avec les contraintes de votre vie, opposition religieuse ou philosophique) vous ne souhaitez pas traiter.
Ou alors vous voulez bien qu'elle soit traitée mais uniquement sous certaines conditions (certains médicaments, certains examens, certaines temporalités), parce que certaines choses vous font peur, ou, au contraire, parce que d'autres vous semblent plus adaptées.
Bref vous avez compris l'idée générale, parfois, quand on est patient, on ne veut pas d'un pack de soins, mais du sur mesure.
Sauf que côté médecin, il est impossible de répondre à cette demande qui pourtant peut paraître parfaitement légitime.
Et là en général il y a clash.
Alors pourquoi le médecin ne peut pas répondre à ces demandes sachant que d'une part le code de déontologie précise de façon explicite que le patient est toujours en droit de choisir, et que d'autre part, les médecins ont une liberté de prescription ?
Et bien parce que ces deux affirmations sont totalement fausses.
En France l'exercice de la médecine est encadré. La médecine est un monopole. Vous ne pouvez pas être médecin sans respecter des lois, règles et autres cadres juridiques.
Un médecin doit (obligation), que le patient le veuille ou pas, suivre des protocoles diagnostiques et thérapeutiques.
Il n'est ainsi pas possible pour un médecin de prescrire certains médicaments sans la réalisation de certains examens complémentaires préalables. Pas plus qu'il ne peut prescrire des traitements non éprouvés par la science.
Un médecin ne peut pas vous réalisez des examens ou prescrire des traitements en violant certains règles de sécurité (vérification objective de l'absence de grossesse avant des examens irradiants ou avant un traitement à risque de malformations fœtales).
Bref un médecin ne fait pas ce qu'il veut.
Mais me direz-vous, s'il s'affranchit des règles, qui va le lui reprocher si vous êtes d'accord ?
C'est vrai ça ?
Bah figurez-vous, que dans le droit français, votre accord, quand il s'agit de ne pas respecter les règles, n'a strictement aucune valeur. Rien. Même pas un peu.
Tout se passe comme si vous étiez un mineur.
Cela veut dire que votre accord, même écrit, même devant témoins, même avec l'ensemble des avocats de France à vos côtés, ne vaut rien.
Parce que votre accord ne vous est pas opposable.
Cela veut dire que si par exemple vous donnez votre accord pour avoir un scanner sans qu'on ait vérifiée si vous étiez enceinte, votre accord ne peut pas vous être opposé si ensuite vous portez plainte parce que...vous étiez enceinte et votre enfant a un problème.
Idem si vous donnez votre accord pour bénéficier d'un traitement peut être efficace mais aux risques conséquent, et que le traitement ne marche pas et aggrave les choses.
Le législateur vous protège et vous pouvez même a posteriori renier votre accord.
Et évidemment cela est encore plus vrai avec les questions éthiques. Vous êtes atteint d'un mal incurable avec es souffrances que rien ne peut apaiser ? Votre médecin partage votre constat ? Vous déclarez devant témoins vouloir mourir et souhaitez que le médecin vous aide ?
Bah s'il le fait il va en taule. Votre avis ne vaut rien.
Mais....
Tout n'est pas aussi dramatique.
Parfois le désaccord peut-être plus compliqué.
Prenons l'exemple de la sclérose en plaques.
Votre médecin vous propose un traitement à l'efficacité réelle mais faible, associé à des effets secondaires réels et importants.
Pourtant vous connaissez quelqu'un qui a un traitement plus efficace, avec mois d'effets secondaires, et parfaitement adapté à votre cas.
Cependant votre médecin ne vous en parle même pas. Vous essayez de comprendre pourquoi, et il vous explique que celui qui est mieux et moins risqué, est réservé à ceux qui sont toujours malades après avoir essayé celui qui marche pas et qui est mal toléré.
Absurde ? Non.
Pourtant le code de déontologie est explicite : le médecin doit vous proposer le traitement le plus efficace et le moins risqué.
Sauf que, toujours en France, ce n'est pas vous le "client" du médecin.
Les clients du médecin sont la sécurité sociale et les mutuelles. Ce sont elles qui décident* quels traitements sont remboursés, et dans quel ordre*
(* La haute autorité de santé aussi mais avec un rôle anecdotique quand on commence à parler pognon).
Résumons-nous.
En France en tant que patients nous avons des droits inscrits dans le code de la santé publique.
Mais ce même code fait de nous :
- des mineurs qui de facto n'ont pas le possibilité de décharger nos médecins de certaines obligations légales
- des usagers qui n'ont pas leur mot à dire dans la pertinence des soins que notre système de protection sociale nous accorde.
Une fois qu'on a dit ça, ça donne quoi ?
- ça donne que vos médecins ont une obligation, de vous soigner son certains protocoles non négociables.
- ça donne que vos médecins doivent vous informer que votre état de santé est altéré que vous souhaitiez l'entendre ou pas.
- ça donne que vos médecins doivent vous refuser certains soins, dont l'utilité pour vous à titre individuel est incontestable, et ce que vous soyez d'accord, pas d'accord, que vous soyez capables de vous les payer ou que vous les déchargiez de leur responsabilité
Et là vous vous dîtes peut-être : bah alors Qff il verrait aucun inconvénients à ce que les médecins fassent n'importe quoi pour faire plaisir aux patients, c'est juste qu'il a peur de la loi.
Et c'est là que vous avez tort.
Toutes ces règles qui sont parfois abstraites, parfois confuses, parfois contradictoires, parfois totalement en décalage avec la société, parfois nuisibles dans votre situation personnelle....
...sont nécéssaires.
Elles sont nécessaires parce que comme l'a prouvé la crise du COVID, il n'y a rien de plus facile pour un médecin que de faire n'importe quoi, de le faire avec démagogie, et de le faire en prenant, pour flatter son ego, des risques inconsidérés pour les patients.
Raoult est violé toutes ces règles et tout le monde peut voir les dégâts.
Péronne a violé toutes ces règles et des patients floués par ses discours en payent encore le prix.
Etc.
Mais au-delà de ces noms médiatiques, ce médecin que tout le monde connaît qui vous écoute la larme à l'oeil et vous prescrit du MÉDIATOR pour votre surpoids...
Cette autre médecin débordante de compassion qui vous prescrit une traitement contre l'Alzheimer..
Ou cet autre chirurgien qui accepte de modifier votre aspect alors que le problème n'est pas votre physique....
Tous ceux-là, qui violent les règles, ne le font pas pour vous faire plaisir. Ils ne sont pas vos alliés. Ils ne flattent que leur ego.
Bon bref. De la même façon qu'il n'existe pas médecine officielle et de médecine alternative mais uniquement la médecine qui marche et celle qui marche pas...
Il n'existe pas de médecine malveillante et bienveillante, mais uniquement la médecine qui respecte les règles qui vous protége, et celle qui flatte l'ego du médecin en flattant le votre.
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La victoire de la démagogie est d'avoir persuadé les patients qu'ils seraient mieux pris en charge par des pervers narcissiques que par des spécialistes de leur troubles.
..il ne faut pas s'y tromper. Ceux qui, volontairement préfèrent discuter de la souffrance des patients, sans se donner les moyens d'apprendre à les soigner, et qui masquent cette inaptitude par des discours apaisants, ont des troubles psy. Ils jouissent de la souffrance d'autrui
Et on connaît tous ces externes, internes, médecins, passés au travers des mailles du filet, se délectant (et se valorisant sur les réseaux sociaux) de leurs entretiens où ils disséquent ad nauseam la souffrance des patients plutôt que de se donner les moyens de les soulager.
Le seul truc inhabituel du jour dans mon hôpital est la lumière jaune qui clignote quand on badge pour entrer dans le service. Il va sans doute falloir changer les piles.
Après il existe des hôpitaux où la situation est légèrement plus compliquées mais sans que ce soit le chaos qu'on a connu. Et ce pour deux raisons :
1- on a appris (dans la douleur) à se réorganiser. Là où l'absence d'un IDE ou d'une médecin était un drame il y a deux ans, cela n'est maintenant pas plus perturbant que le flux d'absentéisme habituel.
2- on a également appris (toujours dans la douleur) à aller à l'essentiel.
Pendant que vous bossez et que Twitter est calme, voilà un #UnLapinUnThread qui devrait, si j'arrive à synthétiser mes idées, vous faire revoir totalement la notion de cerveau. Rien que ça.
Et on va même utiliser des mots compliqués, mais avant ça, on va parler d'Imhotep.
Préambule.
Pour comprendre en quoi on est en train de revoir la notion même de cerveau et de neuroanatomie, il faut déjà comprendre ce que l'on pensait comprendre (!).
Et pour cela il faut comprendre d'où l'on vient.
Alors on va faire un peu d'histoire.
Il est mince, il fait beau (oui parce qu'on ne sait sait pas si le héros en lui-même l'était), il sent bon le sable chaud... Et notre héros est une sorte de légionnaire.
Nous sommes quelque part au XXVII (27e) siècle avant notre ère en Égypte.
Ça fait longtemps que ça vous manquait alors #UnLapinUnThread sur les troubles du sommeil...chez les femmes.
(Oui maintenant y'a un logo...)
Alors on est d'accord que la question du sommeil des femmes peut paraître incongrue.
D'une part parce que le sommeil est un des phénomènes les comparables chez les mammifères
D'autre part parce qu'a priori les différences hommes/femmes en terme d'hormones et de reproduction sont responsables de presque toutes les différences observées.
Sauf que les a priori sont souvent trompeurs et on va regarder ça de plus près.
Les anciens neurologues utilisaient des noms propres imprononçables pour tout est n'importe quoi afin de dérouter l'ennemi. Mais on a du mal à imaginer à quel point. En voici un exemple avec :
Vladimir Mikhaïlovitvh BECHTEREV
(1857-1927).
Grâce à Vladimir on a :
Le réflexe de BECHTEREV (1er)
-- flexion du gros orteil quand on tape le tarse et qui est un équivalent de signe pyramidal --
Le réflexe de BECHTEREV (2e)
-- flexion du pectoral quand on tape son tendon d'insertion humérale (ça sert à rien, c'est juste drôle) --
Suite à une idée de @trulleauPT_PhD je vais essayer de vous donner mon point de vue totalement subjectif sur les autres professions qui interviennent dans les soins en neurologie.
Et logiquement on va commencer par les kinés.
Alors commençons par ma déclaration d'intérêts : je ne suis pas kiné, aucun membre de ma famille n'est kiné, aucun kiné ne me paye et vice versa. D'ailleurs je ne suis suivi par aucun kiné alors que je devrais.
Mais sinon pourquoi la kinésithérapie est-elle utile en neurologie ?
Vous allez pas le croire, mais la réponse est bien plus fondamentale qu'une simple énumération de techniques ou de maladies.
La réponse est liée à la neuroanatomie fonctionnelle.