Vous reprendrez bien un peu de #iel ?
Saviez-vous que #iel , avant le Robert, était déjà présent dans le Wiktionnaire, le Dictionnaire des francophones, mais aussi la Grande Grammaire du français ? Qu'il existe plein de variations de pronoms 😱 bien au-delà de "iel"? ⬇️⬇️⬇️
Le dico @LeRobert_com n'est pas le premier à avoir intégré "iel". Il était déjà présent dans le "Wiktionnaire", très rapide pour enregistrer l'usage, la "Grande Grammaire du français" (dirigé par A. Abeillé et D. Godard) sortie cette année et le "Dictionnaire des Francophones"
Le DDF recense "iel" mais aussi "ceuxelles" et "iel-même"!! Son conseil scientifique est présidé par B. Cerquiglini, qui s'est élevé contre l'intégration de "iel" dans Le Robert... 🤔 C'est étonnant, mais on peut le comprendre ainsi :
J'imagine que B. Cerquiglini dirait que le DDF a vocation a être très descriptif et à enregistrer TOUT l'usage (les recensions de "iel" "ceuxelles" "iel-même" viennent du wiktionnaire) alors qu'il considère que Le Larousse et le Robert devraient être plus normatifs
Tout ça montre qu'il n'y a pas un dictionnaire, mais des politiques éditoriales différentes selon le type de dico (et le support: papier ou numérique!) Ce n'est donc pas étonnant si une forme est dans un dico et non un autre. Revenons à "iel" dans la Grande Grammaire du français.
Vous vous souvenez quand Brigitte Macron avait dit qu'il y avait "deux pronoms", "il" et "elle"? Il y en a bien plus, mais surtout il y a une grande possibilité de variation des pronoms personnels, en genre, en nombre, et plus encore! La GGF montre ça très bien.
La GGF note ainsi des variations du pp sujet en genre et nombre: soit des neutralisations (par "on", par "je" pour la première personne du pluriel, type "j'allons") ou des masculinisations: des "elles" qui deviennent "ils", ou des formes de type "eux" employées pour le féminin
Exemples donnés par la GGF: "Jeanne et Julia, i(l)s son venus et j'ai parlé avec eux" (ici le "ils" est quasiment prononcé "i", sans [z] de liaisons, donc on peut considérer qu'il y a une variation en genre et une neutralisation du pluriel!)
La GGF note d'autres variations : "elle" qui devient quelquefois "al" à l'oral ("al a un petit loyer") et le pronom "iel" (ou "yel") "iel se sentait vide". Mais on n'en pas fini avec les variations!
La GGF note aussi les jeux de suffixation de -ti et de -tu (notamment au Québec) : "Comment ça va-t-i?" "C'est-tu assez fort!" "on va-tu prendre un café" et remarque qu'il y a une extension de la forme "t-il" même après un sujet féminin! (encore une variation de genre!)
La GGF note d'autres variations de proformes personnelles faibles. Par exemple la forme "me-le", déjà attestée au XVIe siècle, est toujours présente dans le Nord et en Provence ("Donne-me-le"! "Garde-te-le"!)
On pourrait continuer avec la liste des variantes: une tendance des proformes "le" "la" "les" à se substituer à "lui", "leur" à la Réunion, une tendance du français méridional à étendre l'utilisation de "lui", "leur, "me" "te" "se" "nous" "vous"...
Par exemple "le vétérinaire lui a soigné le chien" au lieu de "le vétérinaire a soigné son chien" ou "il m'a embouti la voiture" au lieu de "il a embouti ma voiture" (exemples de la GGF).
Bref, en lexicographie ou en grammaire, le travail est de noter les usages et les variantes. On peut se tromper et croire qu'une variante va s'imposer, dans ce cas-là on rectifie à l'édition suivante en notant "faible", ou en sortant carrément le mot...
Les dictionnaires (et les grammaires) ont des lignes éditoriales qui peuvent varier, mais sont tjs des compromis, entre descriptivisme et normativisme, entre variations et normes, entre volonté de saisir le dynamisme de la langue et risque de se tromper sur la fortune d'un mot...
A. Rey prenait la métaphore de la carte "La carte doit être exacte, mais on sait bien qu’elle doit choisir, qu’elle dépend d’un système de projection, qu’elle peut être légèrement fautive (...) et rester une bonne carte, si elle est très lisible, riche en informations « utiles »"
A. Rey "Seule la naïveté volontariste d’une représentation unique, simple et linéaire de la langue (...)a pu induire l’illusion d’exhaustivité, et celle de la représentativité neutre.[C'est] condamner le dictionnaire pour n’avoir pas réalisé un programme absurdement irréalisable"
A. Rey "Découvrir le poids idéologique et le reflet des contraintes dans [le dico], comme dans tout autre texte —y compris (...) scientifique— est légitime et nécessaire. S’en indigner lorsqu’il s’agit de ce type d’ouvrage relève encore et toujours de la naïveté culturelle."
Comment ça, Alain Rey disait qu'il y avait de l'idéologie dans les dictionnaires comme dans tout discours? Eh oui, je vous invite à le lire. Les citations sont tirées de cet article : cairn.info/revue-le-franc…
Tout comme je vous invite à consulter ce TRESOR qu'est la Grande Grammaire du français cc @ActesSud et à lire ce fil de @Gouximan sur les querelles des dictionnaires!
Et mon avis sur le fond : 1) #iel est un paravent, bien commode pour justifier et/ou masquer des réactions souvent bien politiques dès qu'on parle de féminisme ou, encore davantage, de non-binarité
2) #iel est un prétexte (comme tous les débats sur le wokisme) pour éviter de causer d'autres sujets politiques. C'est absolument fou la couverture médiatique de ce non-événement : un dico intègre un nouveau mot (en ayant le soi de préciser "rare")
Je suis sidérée par le nombre de réactions médiatiques, on en a parlé partout (même en détention quand je suis arrivée pour un cours de culture gé, on m'a demandé de parler de iel) ce qui d'ailleurs va renforcer l'usage du mot #ironie
Si vous voulez revenir à des considerations grammaticales sur la richesse des variations pronominales (entre autres !) vous pouvez suivre sur Twitter @AbeilleAnne qui a co-dirigé la Grande Grammaire du Francais #GGF@ActesSud
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"Tu vois" "mmmh" "j'avoue"... des mots qui semblent inutiles mais qui en réalité servent à assurer la fonction phatique du langage, c'est-à-dire le lien entre le locuteur et l'interlocuteur. 😛
Nouvelle chronique #ParJupiter@Charlineaparis@franceinter
Un test: si votre interlocutrice et votre interlocuteur vous raconte une histoire et que vous ne lui envoyez aucun signal phatique d'encouragement, il ou elle risque de fortement se troubler. Marche encore mieux au tel, vous aurez forcément au bout d'un moment "mais t'es là"?? 😉
Est-ce que vous avez déjà subi le malentendu du "ça va?", utilisé quelquefois comme un simple salut phatique (qui n'attend pas de réponse) et quelquefois comme une vraie question?
Petit événement lexicographique @LeRobert_com intègre le mot «iel» dans ses pages numériques (on verra s’il passe intègre le papier !) Qu’est-ce que ça dit sur l’invention, l’institutionnalisation de nouveaux mots et le fonctionnement des dictionnaires?⬇️ dictionnaire.lerobert.com/definition/iel
Le mot "iel" est un mot-valise, une forme hybride qui réunit "il" et "elle". C'est une invention d'une forme neutre (il me semble que twitter la propose sur son interface française depuis quelques temps)
Un dictionnaire enregistre l’usage. Le Robert considère donc que le mot « iel » est en pleine ampleur et va s’imposer. On verra avec l’avenir s’il a raison ou non, si le mot va s’imposer dans divers usages courants ou restera dans des sphères restreintes et militantes.
Nous voulons "conserver" notre langue. Une langue ne se "conserve" pas dans une boîte, sinon elle meurt. Une langue vivante change.
Source: euh, toute la linguistique! Et Alain Rey, "L'Amour du français. Contre les puristes et autres censeurs de la langue".
"La plus belle et la plus claire": cliché nationaliste datant de Rivarol qui disait en 1784 "ce qui n'est pas clair n'est pas français". Ce discours est d'ailleurs à l'époque un moyen d'encenser la monarchie et sa politique militaire qui auraient permis de développer la langue
Je vous résume l'"Observatoire" du décolonialisme en quatre points (les gens, le propos, la rhétorique, les méthodes) 1) "observatoire" autoproclamé sans légitimité institutionnelle, composé de chercheuses et de chercheurs et de leur cercle amical bien au-delà de la recherche
2) le propos. Propos proclamé: défendre la science, la rationalité, le débat contradictoire. Propos réel: en grande partie, des billets d'humeur sur la société, la politique, et leurs collègues.
3) le ton: celui de la constatation indignée (ça me fait penser à ce que disait Angenot sur le style pamphlétaire, ça évite d'avoir à argumenter, genre c'est EVIDENT que c'est scandaleux), de l'insulte peu originale (ils aiment bcp liberté égalité débilité), tendance à la litanie
« Je préfère le bon sens du boucher-charcutier de Tourcoing » (aux statistiques, aux études) : retour sur cette stratégie rhétorique employée par #Darmanin : que veut dire prétendre s’appuyer sur le "bon sens" populaire ? Petit fil ⬇️
L’argument du « bon sens » est souvent relié 1)à l’argument de la réalité (VS les théoriciens déconnectés) 2) à une référence populaire (le bon sens populaire) et donc nier ce « bon sens », ce serait être une élite déconnectée du réel
Deux problèmes à cela: 1) Il n'y a pas UN bon sens populaire mais des avis 2) le bon sens n’est pas un rapport immédiat à la réalité de l’expérience. Ce rapport est médiatisé par l’opinion. Or l’opinion ça se travaille, notamment par la répétition, médiatique politique
La "bobologie" fait son entrée dans Le Petit Robert 2022! (cc @etrouillez ;)!)
Mais que veut dire ce mot?
À votre avis, il désigne...
Choix 1), vous pensez à "bobo", mot onomatopéique, qui désigne un mal sans gravité. Il est associé au vocabulaire enfantin (comme lolo, dodo...) et existe depuis très longtemps!
Choix 2), vous pensez à l'emprunt à l'anglo-américain "bobo" créé par le journaliste américain D. Brooks à partir des initiales de "bourgeois" et de "bohemian". Le mot est rapidement entré dans l'usage en français.