Petit événement lexicographique @LeRobert_com intègre le mot «iel» dans ses pages numériques (on verra s’il passe intègre le papier !) Qu’est-ce que ça dit sur l’invention, l’institutionnalisation de nouveaux mots et le fonctionnement des dictionnaires?⬇️
dictionnaire.lerobert.com/definition/iel
Le mot "iel" est un mot-valise, une forme hybride qui réunit "il" et "elle". C'est une invention d'une forme neutre (il me semble que twitter la propose sur son interface française depuis quelques temps)
Un dictionnaire enregistre l’usage. Le Robert considère donc que le mot « iel » est en pleine ampleur et va s’imposer. On verra avec l’avenir s’il a raison ou non, si le mot va s’imposer dans divers usages courants ou restera dans des sphères restreintes et militantes.
C’est aussi un choix éditorial, bien entendu. Le Robert essaie de suivre de très près l’usage, et intègre souvent certains mots avant le Larousse, par exemple « autrice ». Remarquons cependant que « iel » était dans le Wiktionnaire depuis plusieurs années déjà.
Ce choix prouve bien qu’il n’y a pas un dictionnaire, mais des dictionnaires. Le Wiktionnaire avait intégré « iel » depuis longtemps, Le Robert l’intègre à présent, et si le mot s’impose massivement, le Larousse suivra dans quelques années (et l’Académie dans 100-200 ans).
C’est aussi sans doute un choix politique du Robert qui assume une politique éditoriale inclusive, et qui a intégré par ex "silencier" "intersectionnalité" (mots très en usage… ) Qu’on aime l’intersectionnalité ou pas, ça parait difficile de ne pas mettre le mot dans le dico !
Le Figaro a fait un article critique (sans surprise) sur le mot « iel » avec des réactions de linguistes qui me paraissent hâtives. Je trouve bizarre de dire que le mot ne vient pas d’un manque : pourquoi alors aurait-il été créé ? lefigaro.fr/langue-francai…
Je laisse les historien·nes de la langue répondre, mais s’il est vrai que les pronoms bougent bien moins que d’autres catégories de mots, il me parait très surprenant d’affirmer avec Benard Cerquiglini qu'ils n’ont pas bougé depuis le 4ème siècle🧐 (Serments de Strasbourg :842!)
Je trouve ça aussi bizarre de dire que ce serait une copie de l’anglais. Il y a bien des créations ou de nouveaux usages de pronoms neutres en anglais, mais de fait ce mot qui mélange une forme au féminin et au masculin me parait très morphologiquement français !
Les dictionnaires suivent l’usage mais, par leurs choix, peuvent donner un coup de pouce à certains mots ou les légitimer. Même si l’usage précède logiquement le dictionnaire, on entend toujours la phrase « Ce mot n’existe pas, il n’est pas dans le dictionnaire ! »
Bref, le Figaro fait un titre accusateur en parlant d'"idéologie woke" à l'assaut du Robert... mais leur article est tout aussi idéologique, puisque les considérations linguistiques sur les pronoms qui n'ont pas bougé ou le manque d'usage me paraissent contestables... 1/2
Et que le reste des considérations sur un usage qui serait "discourtois" n'est pas linguistique, mais exprime un avis personnel (qu'on a bien le droit d'avoir, mais qui est normatif, et qui s'écarte de la question de l'observation de l'usage).
Bref, qu’on n’aime ou pas le mot le sujet mérite mieux qu’un article hâtif. D’ailleurs, pour un journal qui n’aime pas les anglicismes, le Figaro fait vraiment beaucoup pour fluidifier l’usage du mot « woke » en français… - bientôt dans tous les dictionnaires ? 😉
Grand débat, est-ce que c'est "woke" d'intégrer le mot "woke" dans les dictionnaires? 😉 Alors que c'est un anglicisme je pense que le Figaro est tout à fait pour qu'on l'intègre... vu l'usage ça sera sans doute le cas... la bataille sera sans doute celle de la définition du mot!
C'est toujours compliqué dans l'usage des mots de distinguer ce qui relève des simples besoins des locutrices et locuteurs des actes militants. Mais tenter imposer le mot "woke" (et sa définition péjorative fourre-tout) n'est pas un usage neutre idéologiquement! (en existe-t-il?)
J'espère que des collègues feront des articles sur le mot "iel" (moi je ne le connais pas bien), en étudiant précisément notamment son usage, et en regardant s'il est vraiment en train de s'imposer massivement.
Mais en tout cas ce qu'on voit, c'est que le Figaro voulait tellement faire vite un article critique (quasiment copié collé par Le Point et Valeurs actuelles) qu'il s'est contenté de critiques hâtives sans faire par ex de mesure d'usage. N'est-ce pas un choix idéologique?
Il y aurait deux études intéressantes à faire 1) l'étude de ce pronom, son histoire, ses usages, des critiques (multiples) à son encontre, et de son évolution (cette histoire de pronom fixe depuis le Ive siècle me semble bizarre, il faudrait distinguer morpho, formes et emplois)
2) l'étude de son usage (le grand critère pour faire entrer un mot dans un dico). J'avais tendance à considérer que son usage était (très) restreint mais je ne suis pas lexicographe. J'aimerais savoir quels ont été les calculs du Robert. J'attends les corpus ! ☺️
(ce qui est "marrant" c'est qu'en combattant l'usage d'un mot on peut contribuer à le faire exister. Tous les articles qui parlent de "iel" vont contribuer à amplifier son usage. Tous les articles qui parlent de "woke" aussi, d'ailleurs...)
Ah oui je précise que si l'usage est bien le critère majeur pour décider ou non de l'intégration d'un mot dans un dictionnaire il ne suffit pas de "tendre l'oreille" comme le dit Le Figaro pour savoir si un mot est en usage ou non ! Belle ignorance du travail des lexicographes
Autre précision : ce n'est pas parce qu'un mot entre dans le dictionnaire qu'on va vous obliger à l'utiliser. Vous croyez que vous utilisez tous les mots de votre dictionnaire ? ;)
A propos de cette histoire de pronoms, sources dans la discussion!
Le communiqué de @LeRobert_com : comment mesure-t-on l'usage d'un mot? A quel moment le fait-on entrer dans le dictionnaire? #iel #ielgate dictionnaire.lerobert.com/dis-moi-robert…

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17 Oct
On dirait un bingo des clichés. J'en compte au moins 6. Et vous ? On va les reprendre un à un, avec une référence scientifique à chaque fois. ⬇️
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16 Jun
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