#Urbanité#Ethnicité#IsaacJoseph
Quelques mots sur cet article d'Isaac Joseph dans @RevueTerrain en 1984, fulgurant (5.5 pages très denses), étonnant, très actuel - et doublé d'un entretien familial fictif! 💫✨
(sans revenir sur les magnifiques #haiku qu'on y entend) 1/8
IJ place son propos d'emblée au croisement entre l’École de Chicago et le pragmatisme (présent alors à Chicago à travers Dewey, Mead, etc.): "L’ethnicité, c’est l’incertitude comme mode de vie" 2/8 journals.openedition.org/terrain/2808
Notamment à partir du cadre simmelien, qui a ouvert la voie pour une "pensée de l’urbain qui le définit par ses troubles: troubles individuels dus à l’intensification de la vie nerveuse et troubles collectifs liés au déracinement et aux proximités contagieuses et séditieuses" 3/8
IJ y reprend des distinctions centrales de cette ethnographie urbaine naissante dans une ville en pleine mutation, notamment la distinction entre ghetto ou ségrégation & mobilité; mais aussi la distinction plus tardive de Goffman entre apparences normales et mobilisation
4/8
ou situations d’alarme: le "guide pour l’attention" (plus que pour l'action, Goffman) au milieu de ce "grouillement" est aussi un cadre pour requalifier les "troubles" comme "sentiment d’insécurité"
5/8
On est en 1984, IJ nomme déjà bien des problèmes du quotidien du XXIème siècle..., et à contrecourant de certaines perspectives critiques: "Tout le monde se sent minoritaire: les minorités et les majorités, les envahisseurs et les envahis." 6/8
A tout à l'heure pour la "métaphore de la mosaïque"
Sur le trouble, la postérité est riche! Marc Breviglieri, @Jojo848329021 , etc. Par exemple, ce chapitre revenant sur un programme collectif 7/8 u-picardie.fr/curapp-revues/…
Sur le guide pour l'attention - plutôt que pour l'action, je renvoie à ce chapitre (évidemment disponible sur @hal_fr ) où je reviens sur cette littérature 8/8 books.openedition.org/editionsehess/…
#Urbanité#Ethnicité#IsaacJoseph Suite du 🧶 avec la fameuse métaphore chicagoane de la ville comme mosaïque
Pour IJ, avec l’écologie urbaine et ses aires naturelles, les territoires ethniques se trouvent dépolitisés, puisqu’ils correspondent à un moment...
9/15
... du processus migratoire, la phase d’urbanisation : avec la métaphore de la mosaïque ce sont les ségrégations qui sont naturalisées
Elle porte aussi la justification du relativisme culturel:
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"Autant de territoires ethniques ou sociaux — les effets de classe et de race se combinent, dit R. Park —, autant de villes dans la ville" (Park intersectionnel? prof sur un campus US, ça, c'est sûr!😅)
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Mais la métaphore de la mosaïque, avec sa dynamique propre, favorise paradoxalement la mobilités des individus, entre ces petits mondes certes séparés mais contigus car cela "encourage cette expérience fascinante, mais dangereuse, qui consiste à vivre...
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...dans plusieurs mondes différents" (Park, à nouveau)
IJ parle de "régime d’invisibilité partielle", notamment pour les jeunes, souvent aux frontières des mondes, sur leurs seuils
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IJ conclut donc en direction d'une double complication de la métaphore de la mosaïque, d'une part par les "usages transversaux de l'espace urbain"; et d'autre part par la conception des mini-mondes comme des "territoires d'expansion variable", ...
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... dont la variabilité dépend des "comportements frontières" (si besoin était de saisir dans quel univers intellectuel Star & Griesemer naviguaient pour construire leur notion d'objet frontière)
A tout à l'heure pour la fin du texte! 😊👋
15/15 journals.sagepub.com/doi/10.1177/03…
#Urbanité#Ethnicité#IsaacJoseph La deuxième partie du texte fait jouer ce balancement entre ségrégation / ghettoïsation et mobilité à partir des différentes positions migratoires:
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1/ les "travailleurs à titre transitoire" (la première immigration italienne aux USA), "célibataires généralement, qui transfèrent une partie de leur épargne vers le pays d'origine" et dont les projets sont à court terme;
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2/ les véritables "immigrants" (comme l’immigration juive aux USA): "fuyant les persécutions ou les guerres civiles, accompagnés de leur famille", s'implantant d'emblée collectivement dans le pays (où ils scolarisent leurs enfants...)
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Ces positions n'ont rien de fixe, il s’agit d’états d’esprit, de logiques qui peuvent se succéder, s’enchevêtrer – les Italiens se sont installés!
Les enchevêtrements concernent aussi les territoires et les générations:
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"Le sentiment de l'invasion traverse alors la communauté elle-même et ébranle plus particulièrement les franges "établies" de celle-ci. (…) En somme, l'hétérogénéité sociale et culturelle, les mouvements de population sont des traits de la communauté ethnique elle-même"
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Ces positions migratoires portent avec elles deux grands types de réseaux: celui des similitudes (les parentés dispersées géographiquement – les "cousins") et celui des contiguïtés (les voisinages)
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Si ces réseaux se combinent, les stratégies des cousins sont "les plus décisives dans le procès de socialisation du migrant" puisque elles favorisent la mobilité sociale. Ce sont souvent les stratégies du combinard, des femmes, des traducteurs...
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IJ peut conclure son beau texte:
"Celui qui assure la réflexivité du système, son malin génie ou son symptôme, comme on voudra, c'est le combinard, l'homme du double langage, ...
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... celui qui sait conjuguer à chaque instant, précisément parce qu'il est en position de traduction, la langue des enclaves et celle de la conquête"
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Du moins, "I.J." conclut, car le texte se poursuit sur cette séquence (aussi longue), très succinctement présentée par la revue / l'auteur: une "conversation fictive" d'une famille de Bonzeville en 1984
(ai interrogé deux de ses proches de l'époque: rien de précis...
25/44
Jusqu'à Bonzeville: Saint-Chamond pour l'un, Bron pour l'autre... 🤷)
Bref, quelques extraits - à commencer par Madame Zohra, 56 ans, veuve, sans profession, 9 enfants
"Mes seules amitiés politiques datent de la guerre d'Algérie. Des catholiques. Lorsque mon mari...
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... était en prison, j'étais enceinte de Fatima ; ce sont les cathos qui m'ont aidée, qui se sont occupés de mes enfants pendant l'accouchement. Le jour où je suis sortie ils avaient fait des courses (…)
Jamais je n'ai eu d'histoires avec les voisins et jamais la police...
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... n'est venue à la maison. Une fois si; c'était Police-Secours. Ils sont arrivés chez la voisine à la suite d'une plainte pour tapage nocturne, puis, ils « ont bu » le café ici et nous avons discuté. ...
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Il faut qu'on arrête de dramatiser la situation des jeunes, c'est sûr, mais comment faire ? Comment faire, alors qu'il y a quinze jours encore ça tirait par les fenêtres ?"
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Zineb (sa fille), 32 ans, célibataire, chargée d'études
"Les traditions, je m'en fous, ce que je fais je ne le fais pas par respect. C'est nécessaire à ma vie. Il faut bien voir que ma famille est un peu particulière. Avec mon père on pouvait discuter, ...
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...s'affronter sur des idées et en même temps se faire comprendre, malgré sa raideur. Par exemple, je suis l'aînée des filles mais jamais mes parents ne m'ont menacée d'arrêter mes études pour aider ma mère à s'occuper de mes frères et sœurs. ...
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...Mes frères ne m'ont jamais emmerdée (…) Qu'elles soient féministes ou arabisantes, les filles plus jeunes savent sans doute mieux que moi ce qu'elles veulent. Il faut dire que je n'ai jamais eu à me bagarrer contre ma famille et je n'ai plus d'espoir de faire ...
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... changer la mentalité de certains mecs arabes.Ils ont une capacité à foutre la merde qui me fait jubiler. Cette manière de parler direct, c'est un potentiel de refus incroyable. On ne peut pas dire qu'ils "en veulent", c'est plutôt qu'il y a des choses...
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... dont ils ne veulent pas. Ils ne veulent pas d'une société dans laquelle ils se seraient dilués; ils ne veulent pas d'une société café-au-lait. C'est important que les jeunes continuent de nous mettre mal à l'aise. ...
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Je sais bien qu'ils irritent, même dans les milieux de gauche, mais je n'ai pas envie de faire pression (…) j'étais écrivain public, répétitrice, on me demandait d'emmener des gens en voiture, j'étais ce qu'on appelle une personne-ressource. ...
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Mais il fallait que mon statut soit accepté dans cette communauté. C'est pour cela que les ruptures sont graves. J'étais l'exception et je portais sans doute un certain nombre d'espoirs. Une communauté qui n'a pas d'intellectuels a des difficultés à s'affirmer. ...
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... Mais c'est une position difficile à tenir, c'est une position de transfuge et il faut savoir faire trait d'union
(…)
Ma mère dit que mon frère n'a pas ouvert un bar à La Croix-Rousse. C'est une maison de quartier. Tout Bronzeville s'y retrouve. ...
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... Avec les branchés. Les branchés découvrent aujourd'hui qu'il y a une beauté arabe. Peut-être que la mode est au Sud, comme on dit. (…) Elles s'habillaient comme des intouchables, des femmes intouchables. ...
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...En Algérie c'est net : le voile rend les femmes libres. Dans les déplacements en ville dans une petite ville surtout, une femme voilée ressemble à une autre femme voilée"
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Neguib (son fils), 31 ans, célibataire, commerçant
"Il [son père] s'est battu toute sa vie pour avoir une identité algérienne. Je ne peux pas la rejeter comme ça. Même sur l'islam je ne suis pas clair. Je ne suis pas systématiquement athée mais je ne mange pas de porc
(…)
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Mes vrais potes sont souvent encore des Algériens. Peut-être une question de mode de vie. Les Français ne restent pas des heures à discuter devant les allées"
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Hussein (son fils), 20 ans, célibataire, au chômage
"Et puis, je me sens arabe; avec mes copains, avec ma mère je parle arabe. Plus que mes frères. Je crois à la musique traditionnelle arabe. (…) Bien sûr, j'étouffe ici mais il faut avoir les moyens de partir. ...
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...Qu'est-ce que je ferais ? A Paris, c'est encore plus dur et au moins ici, j'ai un toit et j'ai de quoi manger. Le quartier c'est la base : quand t'as pas de fric, que tu ne sais plus quoi faire. Mais dès que tu touches un peu de sous, c'est autre chose, tu repars"
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Pour @RevueTerrain il resterait simplement les "entrées d'index" à modifier peut-être, car... comment dire??
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L'instrumentalisation du "vrai / faux" décès de Luc Montagnier ressemble à un vrai cas d'école
Personne n'en parle à part FranceSoir, les "médias" che-lou, les personnalités antivax ou Edgar Morin. Évidemment, c'est la preuve que les médias / le gouvernement mentent, etc.
🤡🙃
Deux exemples ici. Mon confrère sous le signe de l'injustice; la personne au-dessus en mode "3 coups de fil" disent plus le vrai qu'un communiqué de la famille
Le pompon: c'est Montagnier qui a décidé de ne donner l'info qu'à FranceSoir - qui est un "média" sans journalistes...
Pour mon confrère Morin, les choses sont "complexes" (normal, me direz-vous 😉). Il l'a tweeté hier, puis supprimé dans la matinée, puis republié (à l'identique je crois, j'avais repéré la faute grammaticale) vers midi...?!
Il aurait eu confirmation?
Tragique, pardon horreur du sketch devenu réalité: "Il y a plusieurs formes de radicalisation. Y a un radicalisé gentil et un radicalisé violent, si on peut dire" #13Novembre
Ce procès doit être terrible pour les parties civiles... Non, il est terrible pour nous, pour les parties civiles je n'ose imaginer...
Source: « C’est quoi, la radicalisation ? » lemonde.fr/police-justice… via @lemondefr
La séquence entière est "intéressante", la voici. L'enjeu pour la défense? Faire croire que l'accusé n'était pas conscient de la radicalisation des frères Abdeslam, pour alléger sensiblement sa peine. Après un témoignage de son épouse, c'est son tour
⏬⏬⏬⏬ 3/8
D'abord la méthode, ce qu'il a pu appeler "phénoménologie linguistique": la méthode du langage ordinaire
Bel et bien une méthode: elle a le 1er mot, mais pas le dernier!
& un puissant remède contre les théories préformées - et en premier lieu l'académisme qui y perd patience! 2/n
L'extrait précédent montre tout l'enjeu de séjourner parmi les données, longtemps et lentement (#SlowScience !), de faire du terrain! 😉
J'en disais quelques mots dans un texte sur les sens chez Austin & leur ethnographie: hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00715945 via @hal_fr 3/n
Petit retour à John L Austin du coup qui, certes flatté de tant de succès – un philosophe du langage ordinaire faisant passer un mot dans le langage courant ou presque! ☺️😱 – doit avoir quelques soubresauts…
2/14
Retour (libre!) en compagnie d’un de ses plus fins connaisseurs français, Bruno Ambroise, qui souhaite précisément re-thématiser cette notion qui a "gagné une extension phénoménale, aux dépens toutefois de la clarté conceptuelle"
via @hal_fr
3/14 halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00430074
#ConduireSaBarque@ursulakleguin (trad Bertrand Augier) @14Antigone 2018
Remarques éparses, au gré d'une relecture partielle
"Chez un bon écrivain, comme chez un bon lecteur, l'ouïe stimule l'imaginaire"
👂👂 #Phonocène
Car "La mission principale d'une phrase de prose narrative est de mener à la suivante - de faire que l'histoire progresse. Mouvement de l'avant, allure, rythme (...) la première façon de ressentir et contrôler le rythme de sa prose est de l'entendre - et pour cela de l'écouter"
#TerreDuMilieu "Les noms possèdent des qualités orales / auditives intéressantes (...) chercher ce qui, en raison de leur sonorité même, les investit du sens qui est le leur"
Isabelle Stengers, "Résister au désastre" @wild_project
"Des histoires avec lesquelles, a priori, on ne sait pas ce qui compte et ce qui ne compte pas" (à propos de l'écologie et de son devenir "science aventureuse", p. 14)
p. 19 "Il s'agit de guérir de ce que nous font nos milieux. Lorsqu'on parle d'écologie, il faut toujours penser étho-écologie. Les vivants qui composent un milieu sont issus de ce milieu, et donc des problèmes et des opportunités que leur donne ce milieu"
gif: @PamelaChougne2
Avec son amie Donna Haraway, Isabelle Stengers propose p.23 de cultiver "l'idée que les sciences où les récits importent peu sont des exceptions, qu'il faut prendre soin de nos manières de raconter car c'est le récit qui rend intelligible, pas la bonne définition"