Allez, je me livre, et pourtant c'est pas mon genre. À 17 ans, en term L, alors que tous mes profs m'invitent (m'ordonnent!) d'aller en prépa lettres j'ai quelques doutes et décide d'aller voir quelques cours en fac pendant une semaine, sur les conseils de mon cousin. #parcoursup
Enthousiasmé par le peu de cours que je vois, et sur le conseil d'un professeur d'université, je m'engage dans un double cursus, philosophie et histoire, à @UBO_UnivBrest contre les conseils de mes profs et de plusieurs membres de ma famille.
L'argument principal était que le bachotage irait mal à mon tempérament stressé, et que je me sentirais plus à l'aise avec deux cursus très riches l'un comme l'autre et que je m'épanouirais mieux intellectuellement et personnellement.
Je n'ai jamais regretté ce choix : j'ai lu ÉNORMÉMENT, eu des cours très pointus et riches, passé mes semaines en bibliothèque ou au cinéma, j'ai fait de la radio, animé une émission d'histoire et d'histoire des idées où j'ai pu interviewer des gens dont j'admirais les recherches
J'ai eu la chance d'avoir cours dans une université où la promo de philosophie était composée de 9 étudiants, 15 les grosses années, étudiant ainsi des corpus ardus dans une ambiance permettant d'avoir un dialogue direct avec le professeur. Pour comprendre Aristote, c'est mieux.
Arrivé en fin de parcours, je n'ai pas choisi la voie des concours, ne me sentant pas les nerfs ni la motivation pour passer l'agrégation d'histoire ou de philosophie. Par ailleurs, j'ai plutôt opté pour un départ à l'étranger, après un super Erasmus en Belgique.
Au bout d'un moment (arrivé en fin de master d'histoire), je me dis que la recherche ça me plairait et me tourne vers l'histoire de l'Europe centrale, me mets au tchèque, pars vivre à Prague quelques mois et tente de trouver un financement de thèse.
Je construis un bon dossier (du moins c'est ce que tout le monde m'a dit), je candidate à droite et à gauche, me donne à fonds (rarement été aussi motivé de ma vie) et le je me prends, non pas une, ni deux, mais quatre tôles monumentales, un Waterloo académique.
Je ne le sais pas encore à ce moment là, mais cette déculottée, c'est la meilleure chose qui me soit arrivée dans mon parcours. Pour oublier ça, je pars apprendre le russe pendant trois semaines en Biélorussie.
Je reviens avec quelques rudiments de russe (Ya gavariou tchout tchout, comme ils disent...) mais plus beaucoup d'argent en poche.
J'avais fait des remplacements dans le secondaire pendant mon cursus, entre un job ou l'autre, mais je ne me vois pas retourner face à une classe. Ma fuite éternelle devant les concours...
Une chose en amenant l'autre, on me propose un emploi que je n'aurais jamais cru exercer : animateur pour personnes âgées en maison de repos, et plus particulièrement pour personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, de Parkinson et de démences graves.
Vous voyez que ça mène à tout la fac !
C'est, jusqu'à maintenant, l'année la plus dure de mon parcours, mais j'avais plus autant appris depuis mes cours de philo antique ou d'histoire contemporaine à Brest.
Entre autres personnes formidables parmi les collègues ou les résidents dont je m'occupe, je rencontre Nadia, une vieille dame d'origine ukrainienne, avec qui je parle un peu russe.
Enfin, "je parle", je baragouine un peu avec mes notions pour lui faire plaisir... Puis je prends goût à ces échanges, je prends goût au russe, un goût que je n'aurais jamais soupçonné, alors que j'adore les langues depuis tout petit (j'ai grandi en français et en breton).
Elle aussi commence à aimer ces petits dialogues en russe. Du coup je m'inscris à des cours du soir. À côté je ne perds pas de vue la recherche, ça fait toujours envie, mais je remets en cause mon sujet de recherche initial (La désertion dans les empires centraux pendant la #1GM)
Et plus je bricole en russe, plus elle me raconte sa vie, sa jeunesse dans l'Ukraine de l'après #2GM : malgré Alzheimer, des choses remontent, restent. Et une fois plus assuré, je me mets à chanter Katiousha avec elle, ou encore sa chanson préférée :
Avec tout ça, je me rends compte que travailler sur le russe et la Russie, ça me passionne plus que tout. Je change de sujet de thèse, je passe une année un peu folle avec maison de retraite en journée, lectures-russe et rédaction de dossier de financement le soir.
Bon, bien sûr, on meuble comme on peut les journées un peu rude. Tenez par exemple, c'est cadeau, souvenir de l'atelier pâte à modeler avec mes résidents, dont Nadia ici présente. Play doh t'es plus malin avec tes mains ! 
Résultat, après moult péripéties, sans passer par la prépa, ni les concours, j'ai décroché un financement de thèse sur un sujet qui me plait beaucoup, dans un domaine qui me passionne et qui m'emmène tous les 6 mois en Russie ou ailleurs.
Je ne sais pas de quoi sera fait l'après-thèse (c'est loiiiiiiin dans ma tête...), je devine juste que ce sera encore moins linéaire que précédemment (si si, c'est possible)...mais pour le coup ça ne me fait plus peur du tout. #Parcoursup
