Thread by @AStrochnis

Depuis ce matin et la "fuite" d"un rapport préconisant la construction de 6 EPR, je vois pas mal de choses fausses, malhonnêtes, de personnes mal informées, qui ont peur, et un @TristanKamin en surchauffe. Je vais donc me fendre d'un petit fil pour donner quelques infos.

D'abord une déclaration d'intérêt : je travaille pour un des très gros du secteur nucléaire, et en particulier dans le domaine de la déconstruction et de la gestion des déchets nucléaires. Selon certaines classifications, je suis donc un dangereux membre du lobby nucléocrate.

Ensuite, ce qu'on sait du rapport, tiré de la "source primaire". Un rapport commandé par B Le Maire et N Hulot préconise pour différentes raisons la construction de 3 paires d'EPR à partir de 2025.
lesechos.fr/industrie-serv…

Je ne m'attarde pas trop sur les rédacteurs tout est dit dans l'article. Cependant, il est intéressant de noter que c'est le civil qui a eu en charge la partie militaire et le militaire qui a eu en charge la partie civile. Connaissant le mode de fonctionnement des deux côtés

j'affirme que c'est un gage de sérieux et d'indépendante (même si on reste sur du pronuc dans les deux cas). Autre déclaration d'intérêt : j'ai aussi été militaire, officier sous contrat dans la Marine Nationale pour être exact. Même si je ne suis pas officiellement atomicien

j'étais dans les faits assimilé comme tel. Le rapport préconise donc de construire une paire à partir de 2025, une autre à partir de 2027 et la troisième à partir de 2029, avec mise en service 10 ans plus tard à chaque fois. Les cris d'orfraie entendus concernent le coût et la

prétendue incapacité à en construire 6 alors qu'on n'est pas foutu d'en finir un chez nous, sans oublier la Finlande. Pour commencer, ces personnes semblent oublier qu'un EPR est terminé et fonctionne, à Taishan en Chine.

Cette construction a pu bénéficier du retour d'expérience (REX pour les intimes) des précédents chantiers et entre le démarrage du chantier et le raccordement au réseau, il s'est passé 8 ans et 8 mois. Preuve qu'on peut construire en moins de 10 ans.

Le REX ne s'est pas arrêté là. en effet, certains éléments de l'EPR, en particulier son génie civil, se sont avérés être très compliqués à mettre en oeuvre pour un apport faible par rapport aux autres réacteurs nucléaires.

Fort de ce REX, un version amélioré de l'EPR, appelé EPR NM (Nouveau Modèle) avec des amélioration sur ces points qui le rendront plus rapide à construire et moins cher. L'EPR de Flamanville restera un prototype et les nouveaux seront des EPR NM.

Sur le coût, j'entends déjà des gens dire que ses réacteurs coûteront 70 milliards d'euros et qu'on n'en a pas les moyens. On se calme, ça ne coûtera pas cette somme et l'investissement sera étalé sur au moins quinze ans.

Déjà il s'agira de construire des paires de tranche, avec donc des bâtiments communs entre les tranches, bâtiment qu'il ne faudra donc plus construire deux fois mais une seule, donc des économies. En outre les coûts d'études seront partagés sur les six tranches

et non plus sur une seule. Et oui, on ne refait pas toutes les études à chaque fois, il y a plein de choses (la majorité même), qui resservent. Ça diminue du coup le coût de chaque tranche.

Et comme il y aura six tranches, ça fera plus de matériel acheté et donc des coûts unitaires moindre. Et hop, économies en plus. Sans compter que les équipes qui construiront ces tranches vont acquérir de l'expérience au fur et à mesure

et seront donc plus efficace dans leur boulot. Donc a priori moins de retard dans les délais de construction. Ce paradigme s'est déjà vérifié lors de la construction du parc français. Quand les rapporteurs parlent de "perte de compétence" quand on ne construit plus

c'est pas pour faire joli, c'est un réel problème!
Bref, tout ça pour dire que les coût seront bien moindre que le coût de Flamanville multiplié par 6. Avec mon gros doigt mouillé, j'estime un coût total à 40-50 milliards. Je rappelle que le devis initial de l'EPR était de 3.

Sans compter que ces 50 milliards seront dépensé à partir du moment où on commencera les études, jusqu'à la fin de la construction de la dernière tranche. En partant du principe (faux mais je cherche à être conservatif) que les études commenceront 3 ans avant la construction

soit en 2022 et qu'il y aura 0 retard, soit une fin de construction en 2039. On a un total 17 ans, ce qui fait un investissement moyen 3 milliards d'euros par an. A titre de comparaison, les subventions de l'Etat aux ENR représentent environ 7 milliards d'euros par an

Donc construire ces EPR coûtera moins cher que ce qu'on dépense pour construire et faire fonctionner des éoliennes. Dernier point, je pense que la production nucléaire continuera à être plafonnée, c'est-à-dire que si on veut construire ces EPR, il faudra arrêter d'autres tranches

pour une puissance équivalente. Ces constructions sont donc totalement compatibles avec la loi de transition écologique, n'en déplaise à certaines. Et tout ça sans compter les retombées économiques en termes d'emploi pour les sites concernés, car je suppose (très fortement)

que ces EPR seront construits sur les mêmes sites que les tranches en démantèlement. Il y aura donc en même temps des chantiers de déconstruction et des chantiers de constructions, ce qui est plutôt bon pour l'économie locale.

De ce point de vue là @xavierbertrand a été plutôt intelligent quand il a déclaré que la région des Hauts de France était candidate à l'accueil d'EPR.
Voilà vous pouvez reprendre une activité normale, A Tchao.