Thread by @BenoitVaillot

« Ils ont oublié de travailler avec les sources. Ils font une histoire globale pour imbéciles, faite de compilations. » Ça a mis le temps, mais enfin une critique de fond de l'histoire globale que tout le monde a à la bouche. Merci Sanjay Subrahmanyam !

Combien d'historiens, en particulier d'expression anglaise, ne font pas de recherche, se limitant à compiler et à rassembler des études historiques, et se font passer pour des génies de la pensée ?

Certains essayent de passer pour des historiens révolutionnaires avec l'histoire globale (je ne vise pas Patrick Boucheron ici, soyons bien clairs) alors qu'ils reçussent l'histoire universelle et les histoires du monde du XIXe siècle.

Je ne dénigre pas les synthèses et les histoires du monde, j'apprécie énormément Jürgen Osterhammel, par exemple, pour « La Transformation du Monde », mais cette prétention d'histoire globale est insupportable.

Et même lorsqu'on veut échapper à cette manie d'histoire globale, les éditeurs rajoutent au titre du livre : « histoire globale ». Par exemple, il n'y a qu'en allemand que Jürgen Osterhammel n'a pas été trahi dans son œuvre ; toutes ses traductions parlent d'histoire globale.

Et combien de britanniques (rien à foutre, je balance sur Albion) font de l'histoire impériale britannique à la papa en remplaçant seulement « impérial » par « global », combien ?

Tout n'est pas à jeter dans l'histoire globale, mais personne parmi les journalistes et critiques de sciences humaines et sociales semble être conscient des enjeux historiographiques ET politiques de l'histoire globale.

Et, je ne parle même pas des origines de l'histoire globale, partie prenante de l'idéologie légitimant la mondialisation libérale et financière à partir des années 1990-2000. (Mais pour être juste, aujourd'hui, les pontes de l'histoire globale dansent sur un autre pied.)

*resucent
Mon correcteur est désormais désactivé, je n'aurai plus d'excuses à l'avenir !

Ça devient n'importe quoi l'histoire globale, rien que pour parler d'aujourd'hui, je visite le Deutsches Historisches Museum à Berlin, musée qui retrace l'histoire allemande des origines à nos jours (ambition et projet dont on pourrait reparler plus tard).

À un moment, dans une salle consacrée aux changements qui interviennent en Allemagne à la Renaissance, on retrouve une croix de mission portugaise plantée au XVe ou XVIe siècle, en actuelle Namibie. Voilà, aucun lien avec l'histoire allemande, mais ça fait bien, ça fait global.

Puisque les Allemands ont colonisé l'actuelle Namibie au tournant du XXe siècle, on parle d'histoire connectée, car ce sont eux qui ont retrouvé la croix. Voilà, ça c'est de l'histoire globale. On tombe dans le n'importe quoi.

Bref, vous l'aurez compris, « l'histoire globale » ce serait bien d'avoir plus de distance critique à son égard, d'autant plus que, souvent, elle n'apporte pas grand chose à l'histoire, mais est par contre beaucoup utilisée politiquement.

Après, on ne va pas se mentir, Sanjay Subrahmanyam est aussi dans une logique de pouvoirs (prestige intellectuel, etc.) et il est probablement jaloux. Il n'empêche qu'il n'a pas tort sur le fond.