Thread by @qffwffq

Vous vous rappelez du biais de l'arrêt de bus ?

Non ?

Alors voilà comment ça marche. Dans une expérience, une personne voit deux arrêts de bus à un carrefour. Sa mission est d'en prendre un, quel qu'il soit.

Elle s'arrête devant l'un d'entre eux.

Un bus passe, mais à l'autre arrêt, et repart. La personne reste devant son arrêt à elle en se disant que le prochain sera pour elle.

Un autre bus passe. Toujours à l'autre arrêt, et repart.

La personne reste devant son arrêt à elle en se disant que le sien ne va pas tarder.

En fait aucun bus ne va jamais passer devant son arrêt. La seule chose logique à faire est de changer d'arrêt.

Selon les individus, il faut parfois deux ou trois passages de bus à l'autre arrêt avant qu'ils ne se décident d'en changent.

Mais certains persévèrent longtemps. En fait chaque passage de bus à l'autre arrêt renforce leurs convictions profondes que 1/ le leur ne va pas tarder et que 2/ ils n'ont pas pu se tromper.

L'expérience est encore plus amusante quand vous faites venir une deuxième, voir une troisième personne.

Si aucun des deux n'est informé des conditions de l'expérience, ils vont spontanément faire la queue là où il y a déjà quelqu'un.

Et comme précédemment, en constant que les bus ne passent qu'à l'autre arrêt, les nouveaux venus vont pour certains changer d'arrêt et d'autres vont rester plus longtemps.

Mais ce qui est intéressant, c'est que plus la première personne a attendu longtemps, plus elle va essayer de les convaincre de rester avec elle, plutôt que de partir avec eux.

Bref quand on a pris une mauvaise décision, on a d'autant plus de mal à faire son autocritique, que l'on a persisté longtemps dans l'erreur.

Et plus on tente de convaincre les autres de nous suivre dans l'erreur (pour se rassurer).

Et chez certains (une minorité) il est tellement difficile d'admettre leur erreur, que même informés de la nature biaisée de l'expérience, ils continuent de croire qu'un bus passera.

Dans la vie réelle ceci explique beaucoup de comportements. Les plus caricaturaux étant les joueurs pathologiques.

Mais nous sommes tous atteints avec plus où moins d'intensité.

En médecine cela se voit chez des patients qui refusent d'arrêter un traitement inefficace même quand c'est le médecin prescripteur qui le leur dit.

Ça se voit surtout chez ceux qui se sont fait abuser par un pseudo thérapeute et qui malgré l'inefficacité du pseudo traitement qui leur est prescrit, non seulement refusent de croire qu'ils ont pu être abusés, mais menacent ceux qui veulent les en sortir.

Pour les amateurs de biais on est très près du biais de confirmation. Mais c'est plus complexe parce qu'en médecine, s'ajoute tout un tas de phénomènes complexe que l'on pourrait résumer en disant que les blessures d'ego sont très douloureuses.

C'est un biais de confirmation avec beaucoup d'effet Dunning Kruger dedans.

Et avec des conséquences graves. Il suffit de regarder sur Twitter le nombre de patients atteints de pathologies graves, convaincus que la médecine les méprise et leur ment quand elle leur dit que

les troubles dont ils sont victimes ne sont pas liés aux causes qu'ils croient et que l'argent qu'ils dépensent en thérapies folkloriques l'est en vain, avec en plus un risque réel pour leur santé.

Et plus on le leur dit, plus 1/ ils se montrent aggressifs et 2/ se renforcent dans leur conviction qu'ils ont raison.

C'est pourquoi il est essentiel devant n'importe quelle situation médicale difficile de créer des réseaux d'écoute et d'aide autour du patient, tout en les mettant en garde contre ceux qui veulent profiter de leur détresse.

Les pires étant ceux qui se délectent de celle-ci en vendant, contre monnaie sonnante et trébuchante, une pseudo écoute bienveillante.