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Qffwffq @qffwffq
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Tiens c'est vendredi alors voilà un peu de neurophysio théorique sur : comment hacker son cerveau à peu de frais.

Avant d'aller plus loin, petit warning :

1/ vous n'apprendrez rien de révolutionnaire.

2/ ce qui suit n'est pas totalement prouvé de façon expérimentale.
3/ comme ça peut être long, masquez ce thread si vous voulez pas être envahi de neurologie.
Bon commençons en commençant quelque part, et pour ça partons de la course à pied.

Depuis peu de temps je me suis remis au running (en vrai je me traîne comme un cachalot sur un tapis de course) ce qui me fait une bonne introduction.
Quand vous courez il y a énormément de paramètres qui déterminent votre foulée. En vrac on peut citer vos paramètres physiques (la longueur de vos jambes par exemple), votre niveau d'entraînement, votre objectif de vitesse etc...
Mais quand on regarde finement la fréquence de la foulée d'un coureur, elle n'est pas linéaire selon son souhait de courir plus ou moins vite.
En fait elle se fait préférentiellement à certaines fréquences (spécifique à chaque individu). Pour être exact, chez un individu lambda il existe une fréquence idéale, des variantes (en acoustique on dirait des harmoniques) et même des fréquences anti productives.
Ces dernières peuvent être définies comme des fréquences auxquelles un individu ne va jamais courir spontanément, et auxquelles, si on le force à les respecter pour ses foulées, il se sentira gêné, voir même se cassera la gueule.
Bon tout ça vous le savez déjà au moins instinctivement.

Vous savez également qu'il est plus facile de courir avec de la musique rythmée. Non seulement quand on on court en musique le temps passe plus vite, mais en plus en suivant le rythme, on peut courir plus vite.
La question est pourquoi ?

Une des explications est que nous avons (dans la partie basse du cerveau, c'est important) un pacemaker central qui nous donne à tout moment une fréquence sur laquelle toutes les activités ayant besoin d'un rythme où de mesurer le temps, se calent.
Ce pacemaker (à supposer qu'il soit unique) nous donne notre rythme à nous pour tout et n'importe quoi.

Quand vous courez vos foulées s'alignent en partie sur lui ou sur un des ses multiples.
De même quand vous estimez le temps qui passe sans aide extérieure (sans regarder dehors ou une montre) votre estimation se base sur le nombre de pulsations de ce rythme qui vous est propre, et qu'avec le temps vous avez plus ou moins appris à convertir en secondes standards
[intermed]

les gens toujours en retard ou toujours en avance ont probablement du mal avec cette conversion

[Fin de l'intermed]
Quel lien me direz-vous avec la musique qui aide à courir et fait paraître le temps moins long ?

C'est pas facile à expliquer mais on va essayer quand même.
Quand vous entendez un rythme avec vos oreilles, ou quand vous le percevez à travers le corps (comme les basses hyper profondes qui font trembler le sol à un concert Mireille Mathieu), ce rythme est analysé par votre cortex temporal.
Il est ensuite ré analysé par tout un tas d'autres aires corticales avant de parvenir à votre conscience.

Mais en même temps qu'il est analysé, ce rythme extérieur va, s'il est pas trop différent de celui de votre pacemaker physiologique, prendre le pas sur ce dernier.
Il va le faire parce que dans le cerveau humain, et dans certaines limites, n'importe quoi qui vient du cortex prend le pas sur les centres inférieurs (c'est pour ça que je vous disais un peu plus haut que le pacemaker physiologique est situé bas dans le cerveau).
Donc quand vous écoutez un rythme extérieur, qu'il soit musical ou non, ce rythme va se substituer à votre rythme physiologique.

Du coup, puisque le rythme auquel vous enchaînez vos foulées à la course est dérivé de votre rythme physiologique, si un autre rythme prend le dessus,
Votre rythme de course va s'adapter à la nouvelle donne. Donc si comme moi vous courez spontanément lentement avec 140 foulées par minute, si vous écoutez une musique rythmée à 160 bpm par exemple, ça va vous aider à accélérer sans presque vous en apercevoir.
Et si le temps vous semble passer plus vite c'est également parce que la conversion que vous faites instinctivement entre votre rythme physiologique et le temps réel, va continuer à se faire mais à partir d'un rythme plus soutenu.
[intermed]

C'est une des raisons pour lesquelles les gens toujours en retard ont parfois une tendance à écouter spontanément de la musique très rythmée, et inversement pour les toujours en avance.

Mais on y reviendra

[Fin de l'intermed]
Mais bon tout ça ça fait beaucoup de tweets pour dire que c'est plus facile de courir sur du [n'importe quoi que vous aimez de rythmé] que sur du chant grégorien.
Là où ça devient plus intéressant, c'est quand c'est fait à notre insu.

Dans l'exemple de la course, on peut difficilement dire que vous ne vous rendez pas compte pas vous êtes en train d'écouter Wannabe des Spice Girls et que soit vous êtes maso soit vous avez mauvais goût.
Mais il existe une situation classique où vous entendez une musique rythmée lambda et que même si vous ne l'aimez, sans vous en rendre compte, vous commencez à en suivre le rythme
La question est pourquoi ? (Surtout si c'est Wannabe)

C'est encore un peu plus difficile à comprendre mais pas tant que ça.
Logiquement ça ne devrait pas se produire. Quand vous entendez un rythme et que ce rythme parvient à votre cortex temporal, il s'impose à votre pacemaker physiologique parce que de dernier est un centre inférieur de votre cerveau.
Mais le cortex qui abrite la conscience, est très très supérieur au cortex temporal. Il ne devrait donc pas être influencé par ce qui s'y passe.
Et là les hypothèses sont un peu (très) floues

Il se peut que cette influence d'un centre inf sur un centre sup soit un archaïsme de l'évolution

Est-ce une trace de notre lointain passé grégaire où il était important pour le troupeau que chaque individu transhume au même pas ?
Est-ce une trace de notre lointain passé de proie où la perception du pas du prédateur nous faisait déguerpir à un pas plus rapide ?

Ou encore une trace de notre lointain passé de prédateur où la perception du pas de la proie nous faisait accélérer pour pas la perdre ?
Bon bref on n'en sait rien, personne n'y était pour voir.
Mais ça a des conséquences.

Ça à des conséquences très pratiques même.

Un exemple caricatural je l'ai vu en Asie dans une sorte du supermarché.
À la caisse il y'avait des enceintes directionnelles vers les clients avec une musique d'ascenseur de toute beauté. Bien lente.

Et les caissières avaient toute une oreillette avec l'équivalent chinois de toutouyoutou.
L'idée était de ralentir les clients tout en accélérant les caissières

Là c'est caricatural, mais il existe de nombreuses usines où ceux qui bossent ailleurs que sur une chaine d'assemblage (parce que là le rythme est imposé par la chaîne elle-même) sont exposés à un son rythmé
C'est pas très différent des chants de forçats cassant des cailloux au bord des routes dans les années 30 ou des gospels de esclaves cueilleurs de cotons dans l'Amérique d'avant la guerre de sécession (et après aussi en fait).
Ce qu'il est important de comprendre ici, c'est que dans certaines circonstances un élément extérieur (on a parlé du rythme mais il en existe d'autres) peut prendre le pas sur votre rythme physiologique et s'imposer à votre volonté.
On pourrait citer en vrac, odeurs (tout ce qui sent la charogne vous fait fuir ou vomir), toucher (traverser une toile d'araignée), ou couleurs et lumières (et la sensation de malaise dans les coins sombre du RER ou d'apaisement de la scène la scène de la mort dans soleil vert.
On peut donc (et on le fait depuis longtemps) se hacker soi-même où se faire hacker notre conscience et nos émotions en modifiant artificiellement notre environnement.

C'est le job des musiciens, décorateurs, cuisiniers, peintres et tous les arts (en gros).
Et ça (admirez comment je retombe (lourdement) sur mes pattes) ça peut servir en médecine sans avoir besoin d'invoquer je ne sais quelle poudre magique sucrée secouée et dilluée ou aiguilles mystérieuses.
Créer un environnement apaisant, avec une combinaison adéquate de sons, d'images, d'odeurs et de goûts pendant un soin, c'est ça la bienveillance.

Plutôt que de flamber du pognon en remboursant l'homéopathie (au hasard) on pourrait rendre confortable (pas juste "humaniser") les
services d'hospitalisation de jour d'oncolgie ou de pédiatrie.

Mais ça c'est un autre débat. :-)
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