Thread by @Panda31808732

1. Sur la brèche ouverte par l'effondrement de LR, et l'occasion de mettre en œuvre la vieille stratégie de l'« union des droites » qui pourrait ouvrir la porte du pouvoir au FN — ou la possibilité d'un bloc bleu-brun…

2. En avril 2017, Le Pen arrive au second tour avec un score plus bas que prévu. Elle va perdre, reste à savoir comment. Sur conseils de l'idéaliste Philippot, le prédicateur du Frexit, elle se met à chasser les voix du « Non » de 2005 au lieu d'axer son discours sur LR.

3. Évidemment, c'est l'échec. Le clivage gauche/droite interdit de faire l'unité du « non » de 2005 au TCE. Elle ne ramasse même pas 10% de reports chez FI, alors qu'elle est déjà vers 25% chez LR — une réserve bien plus naturelle.

4. Sa prestation au débat entre au panthéon des catastrophes. Le Pen réalise même l'exploit de parvenir à finir troisième dans un duel, puisqu'elle arrive derrière le non-vote (abstention + blancs et nuls) : 10 millions de voix FN contre 16 millions de non-vote.

5. Bref, même si elle n'avait aucune chance de gagner en 2017, c'est le naufrage dans les grandes largeurs. Nuit des couteaux à cochonaille, Philippot est dégagé et va créer son parti du Frexit, emportant 2% de l'électorat FN d'après le score aux européennes.

6. De quoi faire réfléchir tous ceux qui nous ont expliqué que le succès du FN était dû à sa ligne « sociale et souverainiste » …

7. Le 26 mai 2019, accident industriel dans l'écurie LR aux européennes, le score passe à un chiffre. C'était déjà difficile autour de 15%, pris entre le marteau macroniste et l'enclume frontiste, mais là, à 8%, c'est la Bérézina, la perspective d'une possible extinction.

8. Mais tout n'est pas perdu pour tout le monde, ce 8% ouvre les appétits et les convoitises. Macron comme le FN ont intérêt à dépecer LR pour qu'il ne reste rien ou pas grand-chose entre eux, de façon à pouvoir croiser le fer de nouveau à l'avenir.

9. Or il existe un vieux projet dans les recoins rances de la droite française : « l'union des droites ». Alors que le RPR avait choisi de s'allier avec le centre-droit, ce qui donnerait l'UMP, certains plaid(ai)ent pour regarder vers l'extrême-droite.

10. Tout un tas d'acteurs, de collectifs et de publications sont sur cette ligne à droite, pour résorber la fracture historique entre cousins à droite. Dupont-Aignan, qui avait rallié Le Pen au second tour avant de prendre ses distances, avait par exemple lancé…

11. … « Les amoureux de la France » avec Jean-Frédéric Poisson (présent à la primaire LR 2016) sur cette ligne d'union des droites pour les européennes. Mais finalement, ça avait capoté et les deux s'étaient séparés.

20minutes.fr/politique/2157…

12. Exemple d'un collectif, dirigé par un jeune LR, qui plaide pour l'union des droites. Tegnér avait même voulu candidater à la présidence des jeunes LR sur cette ligne. Au final, il n'avait pas pu se présenter, le seuil des signatures requises étant trop haut pour lui…

13. Pour sa soirée de lancement de campagne, il avait réuni Dupont-Aignan, Sébastien Chenu (porte-parole du FN) et Paul-Marie Coûteaux, un partisan historique de l'union des droites. Coûteaux est un souverainiste, ex-eurodéputé passé par l'école de Villiers…

14. … qui fut candidat FN aux législatives 2012. Il avait également fondé en 2011 le SIEL, un ex-satellite du FN aujourd'hui dirigé par Karim Ouchikh, un colistier de Renaud Camus (M. « grand remplacement ») aux européennes. Aujourd'hui, Coûteaux est conseiller de Dupont-Aignan.

15. Il avait d'ailleurs appelé à voter DLF aux européennes dans le FigaroVox. C'est encore Coûteaux qui avait tenté — en vain — de convaincre Zemmour et Le Pen 3.0 de figurer sur une même liste aux européennes.

lepoint.fr/elections-euro…

16. En plus de cette éminence de l' « union des droites » (qui avait soutenu Fillon à la primaire LR…), Tegnér avait aussi invité pour sa soirée Romain Espino, porte-parole des suprémacistes blancs de Génération Identitaire. Bref, que du beau monde.
lesinrocks.com/2018/09/17/act…

17. Dans l'article, on apprend que Tegnér avait effectué un « court passage au FN » en 2011 avant de rejoindre l'UMP en 2012. Il existe des flux droite/extrême-droite de ce genre depuis des décennies, il suffit de se pencher sur les biographies et les réseaux.

18. En tout cas, Tegnér n'avait pas été exclu puisqu'on le trouve à l'initiative d'une soirée avec des jeunes LR où il avait invité Zemmour, venu cracher sur les « mous » juppéistes pour le plus grand ravissement des têtes à claques présentes.

lepoint.fr/politique/quan…

19. Dans l'article, il est stipulé que Wauquiez était au courant de la soirée mais n'a rien fait pour empêcher sa tenue.

Notez ce qu'y préconisait déjà (février 2019) le "polémiste" préféré du PAF.

20. Bref, un peu partout à droite, des réseaux — certes minoritaires jusqu'ici — militent et poussent pour l'union des droites, en gros une coalition entre l'aile dure de LR, DLF et FN. Mais de nombreux obstacles à ce projet existent de part et d'autre.

21. Côté FN, Marine Le Pen refuse le clivage gauche/droite et considère que l'union des droites portée par la « droite hors les murs » est un vieux serpent de mer qui a toujours échoué. Exemple, ce qu'elle déclarait en février 2018.

Source : lefigaro.fr/politique/le-s…

22. Côté LR, les obstacles étaient encore plus nombreux : le poids électoral de LR, l'appareil, l'image de soi-même comme « grand parti de gouvernement », le « tabou générationnel », le rapport à l'UE et l'euro, le programme économique, le « cordon sanitaire ».

23. Les cadres et les deux générations au pouvoir préfèrent maintenir l'alliance vers le centre-droit. Quand Papy Larcher a vu son parti à 8%, il est allé réunir tous les notables, l'idée de se tourner vers Saint-Cloud ne lui a même pas traversé l'esprit.

24. À J+7 du crash de LR, voilà donc que se présente la nièce prodigue, figure messianique de l' « union des droites » — alignement des planètes aidant, cela se passe 1 heure avant que Wauquiez ne démissionne sur TF1… C'est sur LCI, la chaîne officielle du macrono-lepénisme.

25. Que dit la nièce prodigue ? Leçon n°1 : il faut rompre l'alliance avec le centre et briser le tabou de l'union des droites, car là est l'avenir.

26. Même fatwa chez le grand mufti Zemmour, prophète organique de l'extrême-droite plurielle. L'erreur historique à droite ? C'est le cordon sanitaire, le refus absolu d'alliance avec le FN. Pour gagner, il faut l'union des droites.

27. Pour cela, il faut cesser d'écouter les « mous » sous influence du « terrorisme intellectuel » de la « bien-pensance de gauche ». Exemple ? Regardez Salvini.

28. La cible ? Les modérés, les juppéistes, les mous du centre qui cèdent à l'hégémonie culturelle de gauche (!) en diabolisant l'extrême-droite, ce qui ne profite qu'au camp d'en face.

29. Argument-bélier ? C'est ce que veut la base. Vous êtes des apparatchiks, vous êtes des mous, vous avez peur de la bien-pensance, vous trahissez la base qui veut l'union des droites parce qu'on a les mêmes idées.

30. On voit ici les ferments d'une scission à l'œuvre. Ces courants sont devenus irréconciliables, leurs stratégies sont contradictoires. Si Pécresse, Larcher, etc. récupèrent LR en renouvelant l'alliance avec le centre-droit, on ne voit pas pourquoi les énervés resteraient.

31. Pour les énervés, la base veut l'accord avec le FN mais les cadres conformistes et craintifs (et/ou trop mous) empêchent cette jonction naturelle. Le Pen 3.0 ne dit pas autre chose :

32. Leçon n°2 : le FN n'est pas suffisant, il ne gagnera pas seul, il faut le dépasser pour « défendre la nation ».

Notez la posture gaullienne, « au-dessus des partis ». Aux européennes, Le Pen III avait d'ailleurs refusé d'appeler à voter FN malgré les demandes de Le Pen II.

33. Cette conclusion de Le Pen III vient d'une analyse simple : le FN se heurte encore et toujours au « plafond de verre ». Dans les sphères de l'extrême-droite qui réfléchissent (hors du FN, donc), le score aux européennes a d'ailleurs été jugé plutôt décevant (pas de percée).

34. Sur le plan économique, que veut l'électeur LR ? Moins de fonctionnaires, moins d'impôts, moins de dépenses publiques, moins d'État ; et comme il tient à la stabilité de son épargne et de son patrimoine, il ne faut évidemment pas lui parler de sortie de l'euro.

35. Leçon n°3 : pour faire l'union des droites, il faut un programme économique crédible, c'est-à-dire franchement néolibéral.

36. Or le programme économique du FN, ça ne va pas du tout. Même s'il y a un cœur patronal classique (trop de « charges », trop de normes, trop de bureaucratie, etc.), même si l'on a enfin bazardé le boulet de la sortie de l'euro et de l'UE…

https://twitter.com/Panda31808732/status/1126795697423114240

37. … il reste plein d'incohérences type retraite à 60 ans, abrogation de la loi Travail, c'est-à-dire les concessions à l'air du temps pour ne pas être en porte-à-faux vis-à-vis des classes populaires et faire semblant d'être « social ».

38. Mais surtout, il y a des dizaines et des dizaines de milliards de dépense publique non financés. Et ça, ça ne va pas du tout ! Si on est mauvais gestionnaire, on n'est pas crédible pour porter le drapeau des droites coalisées.

39. Donc il faut arrêter de faire n'importe quoi, maintenant il s'agit de gouverner donc d'être sérieux, on revient aux fondamentaux. Interprétation de droite des gilets jaunes : c'est une révolte fiscale contre l'État gaspilleur.

40. « Permettez-moi d'emprunter au président Reagan cette phrase qui fit balle au moment de sa première campagne électorale : “Je veux que l'État descende de mon dos et qu'il sorte sa main de ma poche”. » — Jean-Marie Le Pen, 1986

41. Il faut réduire la pression fiscale pour tout le monde (capital et fortunés inclus, donc), et naturellement réduire la dépense publique.

42. Comment Le Pen 3.0 critique-t-elle la suppression de l'ISF ? Par la droite. Macron est un mou, il a remplacé l'ISF par l'IFI, il ne fallait rien mettre à la place.

43. Comment Le Pen 3.0 critique-t-elle la politique budgétaire de Macron ? Par la droite. Macron est un mou, il ne baisse pas assez la dépense publique.

44. Il y a un retour aux fondamentaux des années 80-90, un discours très offensif qui critique la droite de gouvernement (hier le RPR, aujourd'hui Macron) par la droite, préconise une approche-choc sur le plan fiscal et un rétrécissement de l'État.

45. Leçon n°4 : on bétonne sur les classiques de la maison. Les franges populaires et bourgeoises de l'union des droites ne s'entendront pas forcément à merveille sur le plan socio-économique, fort heureusement il existe ce providentiel unificateur qu'est le racisme.

46. Rien ne va plus, les Arabes sont dans la place, les Africains débarquent sur nos côtes, la France éternelle se meurt, on va attraper l'islam par le rayon halal des supermarchés, etc.

47. Grande seigneuresse, la nièce prodigue laisse la porte ouverte à l'assimilation. Encore faut-il que « les élites » cessent de nier la France !

Notez les bandeaux toujours très propres de LCI…

48. Le Pen III nous sert la socio-géographie à deux balles de droite, façon Guilluy ou Bouvet : les « petits Blancs » en insécurité culturelle de la France périphérique vs les bobos multiculturels des métropoles et les « banlieusards » d'ailleurs, on voit bien où tout ça finit…

49. Les premiers sont le « vrai peuple », les seconds sont les hypocrites protégés, les troisièmes le « peuple de substitution » qui vient « grand remplacer » les « petits Blancs » (d'où leurs terribles angoisses identitaires).

50. Le Pen III dit : « On a l'impression qu'on est dans une nouvelle lutte des classes, qui prend une forme un peu moderne puisque c'est “les gagnants de la mondialisation contre les perdants,” “les métropoles, les grandes villes et les territoires périphériques”. »

51. « Et pour moi, cet antagonisme social est la pire des choses, parce que c'est celle qui empêche un peuple de se retrouver — c'est pour ça d'ailleurs qu'elle était dramatiquement ennuyeuse lorsqu'elle était portée par la gauche. »

52. Donc la lutte des classes c'est affreux puisque clivant. Comment résoudre toutes ces fractures, quelle solution pour résoudre les antagonismes sociaux ? La nation, évidemment.

53. D'où l'intérêt du conservatisme, seul à même de préserver la nation sacrée, la « France éternelle ».

54. Voilà le programme : moins d'impôts pour chacun, Dieu et/ou la Nation pour tous.

Une formule finale pour synthétiser le bloc bleu-brun ? « L'alliance de la libre entreprise et de la France éternelle », — l'action et le goupillon…

55. Ceci posé, il reste quantité d'obstacles à l'union des droites. La nièce prodigue se défend de défier sa tante, mais c'est bien ce qu'elle fait — elle n'est ni sur la même ligne politique, ni sur la même stratégie d'accès au pouvoir, les deux approches étant contradictoires.

56. Le Pen 2 est plutôt sur l'idée de laisser le vent naturel de l'époque gonfler les voiles du bateau FN, d'engranger des ralliements plutôt que bâtir des alliances. C'est une gestion au fond assez paresseuse d'une grosse rente électorale.

57. Le Pen 3 a une approche plus agressive, latéralisée et idéologique. Mais Le Pen 2 est encore aux commandes, l'extrême-droite est légitimiste, on ne putsche pas n'importe comment au risque d'être perçue comme traître et arriviste. On lance donc des bouteilles à la mer.

58. Et on voit ce que le courant ramène sur le rivage.

Affaire à suivre, que ce soit chez LR, au FN, à DLF ou dans l'espace de la droite « hors les murs » ...

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