#VendrediLecture : L'esprit démocratique du populisme, de Frederico Tarragoni, que je viens de terminer. Livre assez passionnant qui se démarque du reste de la production sur ce sujet. J'y vais de mon #Thread 
Le but de l'ouvrage est de proposer une définition nouvelle du #populisme, à contre-courant du concept fourre-tout produit par les médias et une large part des sociologues/politologues, qui continuent de le confondre avec la démagogie, le nationalisme ou le fascisme.
Tarragoni revient sur ces amalgames et l'anathème dont fait l'objet le populisme sur une centaine de pages, avant de revenir sur les grandes expériences historiques en Russie (le narodnischetsvo), aux USA (People's Party) et en Amérique latine.
Esquisse d'une nouvelle théorie populiste basée sur l'analyse comparative des exemples précités. Emergence du populisme : 1/ une quantité croissante de demandes démocratiques qui restent insatisfaites. + corruption des partis, inégalités et dégradation des droits sociaux.
2/ Une adhésion au populisme du fait de son charisme (porte-paroles ou mouvement lui-même). 3/ Apparition de mouvement populaires interclasses (dernier mot très important).
Le populisme se construit en trois moments : un moment destituant (perte de légitimité du système), un moment de mobilisation, un moment constituant/instituant où la démocratie est refondée sur des bases plus égalitaires, justes et participatives,mais apparition de contradictions
Proposition 1 : "Le populisme est un type de moment critique de la politique moderne, au cours duquel l'ordre institutionnel, se présentant comme légitimé par le peuple, est critiqué au nom d'une démocratie utopique." > radicalement démocratique, antimoderne, et peuple vs élites.
Proposition 2 : "Le P apparaît toujours concomitamment à une forte mobilisation populaire, à base interclassiste et aspirant à créer un nouveau peuple démocratique." Identification à leader(s) charismatique(s) garantissant la pluralité des causes au sein du mouvement.
Fonction du charisme très importante : à la fois liant de la mobilisation, mais singulier en ce qu'il est là pour valoriser l'autonomie de la mobilisation où il puise sa légitimité. Mélange de verticalité et d'horizontalité qui devient instable si le leader arrive au pouvoir
Proposition 3 : "en s'institutionnalisant, le populisme refonde constitutionnellement la démocratie, en élargissant les capacités des exclus de la démocratie représentative libérale, mais en affaiblissant parallèlement les contre-pouvoirs libéraux."
donc étatisme, personnalisme, polarisation sociale accrus. La conflictualité, et soit reconnue comme force démocratique, et le moment populiste se clôt, soit perçue comme une menace, et le populisme vire au fascisme.
Conclusion : le populisme est un moment profondément transitionnel, qui permet le passage d'un mode démocratique à un autre, de la démocratie libérale à la démocratie radicale.
Tarragoni revient longuement ensuite sur les différentes expériences populistes européennes : 5 étoiles en Italie, Podemos en Espagne, Syriza en Grèce et #LFI en France. Tous des échecs pour l'instant, mais pour des raisons différentes.
5 étoiles : d'abord pragmatique et conforme au jeu institutionnel italien, l'alliance avec la droite xénophobe de la Ligue a fini par "digérer" le mouvement populiste suite à un rapport de force défavorable au sein de la coalition. L'électorat de gauche est parti.
Syriza : Tarragoni fait court, le mouvement populiste grec a été "empêché" par l'UE. Le choix de Tsipras de finalement s'assoir sur le referendum et ne pas sortir de l'euro clôt le moment. Défaite dans les urnes en 2019.
Podemos : exemple pseudo-réussi, encore prometteur. Né d'un mouvement social fort, très horizontal, grandes assises pour Podemos. Conquête de mairies et score honorables aux législatives. Mais essoufflement, refus d'alliance, question autonomiste, ascendance du parti sur le mvt.
LFI : selon Tarragoni, bcp d'ingrédients réunis, mais double rdv manqué : Nuit debout, puis les gilets jaunes. Autre raison structurelle : manque d'espaces/agoras pour construire "par le bas" le mouvement et sa mobilisation, rendant impossible le moment instituant.
+ "dérive" vers le nationalisme (attribuée à l'influence de Chantal Mouffe), "errements" sur l'Europe, le souverainisme, et le plan B/Frexit, + faillite charismatique du leader (auquel il préfère un Ruffin plus rassembleur pour relancer le mouvement).
Bilan : sanction dans les urnes aux européennes. Analyse un peu faible qui mériterait débat, notamment sur les marges de négociation qu'ouvrent la dialectique plan A/plan B, et sur les européennes qui n'ont pas été menées sur une ligne populiste, mais + rassemblement des gauches.
Pour Tarragoni, le populisme doit être européen et passer par une réappropriation de l'appareillage économique/financier/monétaire à l'échelle européenne et sa réorientation, ou pourquoi pas par une sortie de l'euro. Plusieurs alternatives proposées.
Trois deuils conceptuels: la nation, la souveraineté et la volonté du peuple. Ca mériterait développement, mais vraiment la flemme.
Tarragoni réhabilite donc le populisme et en propose une théorie plutôt pertinente, tout en le raccrochant politiquement, dans son projet, à Diem25 et Varoufakis. Quand je l'avais interviewé, celui-ci était très hostile au mot de populisme. A voir s'il change d'avis.
Fin du #thread !
