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On est en 2020 et comme ce n'est que le début de l'année, c'est le moment de discuter de certaines tendances de fond de la neurologie (sans préjuger de leur pertinence).

On peut commencer par faire un point sur la neurologisation (!) de la psychiatrie.
Ou, pour reprendre le titre de pas mal de sessions de congrès internationaux : les troubles dits psychiatriques sont-ils des troubles perceptifs et exécutifs (deux des fonctions fondamentales du cerveau) comme les autres ?
Alors dit comme ça un mardi matin alors que votre café n'a pas encore fait effet, ça peut paraître à la fois ésotérique et brutal.

Du coup on va y aller doucement, en décomposant le concept et en regardant quelle est sa pertinence, et surtout ce que cela implique réellement.
Pour commencer soft, on va juste rappeller qu'en dehors de certains neuros restés figés dans les années 80, et certains psys pyschanalystes, il n'y a plus grand monde pour nier que les troubles neuro et psy sont diverses facettes de problèmes de fonctionnement cérébral.
Toujours pour rester soft, l'imagerie et la neurophysiologie ont depuis un bonne décennie montré que contrairement aux autres organes, le bon angle d'étude du cerveau en tant qu'organe, n'est pas son anatomie morphologique, mais l'anatomie de ses réseaux.
Et pour éviter de vous perdre dès le début, cela signifie que dans un cerveau, deux régions proches peuvent avoir des fonctions distinctes, et inversement, deux régions éloignées, peuvent participer au même réseau.u
Une façon plus savante pour dire la même chose, est de parler du cerveau comme un ensemble de réseaux connectés ou de connectome.

(Et ça fait des jolies images en couleurs de ce type sur Wikipédia)
Et présenter le cerveau de cette façon, ce n'est pas juste une façon d'inventer des concepts pour passer le temps, c'est aussi et surtout une façon de ne plus se concentrer sur des symptômes, mais sur leur cause, ce qui change complétement la thérapeutique (!).
On va prendre un exemple classique neurologique et à partir de cet exemple je vais dérouler le fil.
L'exemple classique est la maladie de parkinson.

Classiquement la maladie de Parkinson était décrite par ses symptômes les plus évidents : un tremblement, une rigidité des membres et une akinesie (lenteur d'exécution des mouvements).

Et c'est tout.
On ajoutait parfois que la maladie de parkinson évoluait vers une démence puis vers le décès (les années 80 c'était très sympa en terme d'optimisme neurologique) avec un traitement efficace pendant une dizaine d'année puis rien.
Avec le temps, en comprenant quels réseaux de neurones étaient atteints dans la maladie de Parkinson, on s'est aperçus que d'autres symptômes étaient tout aussi importants voir plus :
- on a compris que les patients parkinson qui avaient l'air dépressifs ne l'étaient pas, mais que ce qui mimait une dépression était en fait une apathie (ce qui n'est pas un trouble de l'humeur mais un trouble de l'initiative).
- on a compris que leur insomnie n'était pas un problème de manque d'activité mais un destruction des centres du sommeil.

- et on a compris (je vais pas vous faire toute la liste) des liens entre des trucs aussi divers que la régulation de la tension ou les problémes de mémoire.
On a même découvert des trucs encore plus étonnants, comme par exemple la possibilité de faire fonctionner une partie de réseau et pas l'autre, grâce à la stimulation cérébrale profonde.
Ça, ça a été une grande évolution conceptuelle puisque en stimulant certaines parties du cerveau avec des électrodes, on a découvert qu'il était possible de supprimer les signes parkinsoniens classiques, tout en étant parfaitement inefficaces sur les autres.
En clair ça veut dire que les patients sous Stim n'avaient plus de tremblement, plus de rigidité, plus d'akinesie, que c'était merveilleux mais...qu'ils restaient apathiques avec des troubles cognitifs... menant à la démence. En gros ils restaient parkinsoniens.
Et puis...et puis il y avait des choses que l'on ne comprenait pas.

Les patients parkinsoniens traités aussi bien que ce que l'on savait faire, développaient des signes psychiatriques typiques. Si typique qu'en neurologie on parlait de psychose parkinsonienne.
Ces symptômes sont des troubles de l'humeur et de la pensée, des délires avec des hallucinations, le tout ne répondant pas aux traitements neurologiques habituels, mais répondant très bien aux traitements médicamenteux psychiatriques comme les neuroléptiques.
Ce qui posait deux problèmes :
1/ les neuroléptiques sont contre indiqué dans les troubles park dont ils sont par ailleurs une des causes possibles
2/ on peut ne pas avoir de chance dans la vie, mais avoir un park et une psychose en même temps ça fait quand même beaucoup.
Et pendant longtemps on a cherché à comprendre d'où venait ces signes psychotiques.

Alors pour être franc on n'en n'est toujours pas tout à fait certains même si on a pas mal d'idées MAIS ce qui est important ce qu'on a commencé à comprendre certains des ces signes.
On ne va pas rentrer dans les détails, voici par exemple ce que l'on comprend des hallucinations dans les maladies neurodégénératives comme le parkinson mais aussi, et c'est là que je voulais en venir, dans les maladies psychiatriques.

thelancet.com/journals/eclin…
Parce que c'est là que ça devient intéressant.

Pendant que les neurologues essayaient de sortir de la logique de la clinique neuroanatomique (la clinique où un symptôme traduit la lésion d'une région donnée du cerveau... logique qui est toujours celle des neurovasculaires)
Les pyschiatres faisaient pareil. Et pour être totalement honnête, ils le faisaient mieux. La psychiatrie moderne a, et c'est un neurologue qui le dit, quelques années et concepts d'avance sur le neurologie en terme d'étude et de compréhension des réseaux.
Voilà un exemple avec un article (qui n'est pas exceptionnel mais qui illustre bien le fait que la recherche en psychiatrie progresse vite sur la compréhension des réseaux et sur les structures impliquées dans ces réseaux)

ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26045351
Mais ce qui est important de retenir, en ce début d'année, c'est que les pathologies psychiatriques sont de plus en plus comprises comme des atteintes de réseaux de neurones, ce qui en fait des pathologies neurologiques comme les autres (je fais un peu de provoc).
Mais au-delà de ça, ça change pas mal de choses en terme d'approche thérapeutique médicamenteuse et fonctionnelle.
Parce qu'une fois qu'on .a admis que les troubles de spectre autistique, ou les troubles de type schizophréniques, ne sont pas liés à je ne sais quel rapport conflictuel avec le couleur de cheveux de la mère, mais avec des dysfonctions de certaines structures anatomiques....
...on peut commencer à travailler sur des prises en charge thérapeutiques un peu plus efficaces.

Cela signifie que l'on peut commencer à travailler sur des thérapies associant en plus des traitements médicamenteux, de la kiné, de l'ergo, de l'orthophonie etc...
On peut aussi commencer à étudier les effet de la stimulation cérébrale profonde (plutôt décevant pour le moment) ou de la stimulation magnétique trans crânienne (idem)
Et cela permet aussi, d'une façon qui peut paraître anecdotique pour certains, mais qui est essentielle pour les patients et les familles, de parler de leur problèmes psychiatriqies avec les mêmes mots que pour n'importe quelle maladie neurologique.

Ceci n'est pas....
Ceci n'est pas une critique de la psychiatrie bien au contraire.
Mais puisque la psychiatrie est associée dans l'imaginaire collectif à la folie et à la dangerosité (dites que vous êtes schizophréne et tout de suite les gens s'imaginent que vous allez les égorger puis planter leur tête sur une pique)...
Il est utile de dédramatiser les choses et d'expliquer que ces troubles ne sont pas de la "folie" mais une atteinte de certains types de réseaux.

Personne n'a peur ni n'a honte de dire qu'il a eu un AVC. Personne ne craint les parkinsoniens.

Et bien là c'est pareil.
D'où cette tendance de fond, dont on verra si elle se confirme, de re-neurologiser la psychiatrie.

Et par symétrie, de faire avancer la neurologie pour rattraper la recherche en psychiatrie.
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