Un twitt de @dedere22 me rappelle une histoire. C'était à la fin des années 80, jour d'incorporation de nouveaux appelés. Le 2 ton de l'estafette de Gendarmerie a retenti. Les grilles du régiment se sont ouvertes. Deux gendarmes sont descendus tenant sous le bras un gars menotté.
Je les revois entrer dans le poste de police, c'est-à-dire le lieu ou il y a nuit et jour quelqu'un en arme prêt à intervenir pour défendre les installations et les copains. Dans ce poste, il y avait les cellules de mise aux arrêts, la punition de privation de liberté pour faute.
Les gendarmes sont montés au PC, sont redescendus et sont partis dans leur estafette bleue qui n'avait plus besoin du 2 tons. Ils avaient amené un gars condamné pour attaque à main armée. Tout le monde devait faire son service...
Condamné pour attaque à main armée, on lui a appris à tirer au fusil automatique. Il aimait particulièrement tirer en petites rafales le bougre. Pendant les 2 mois de formation initiale, il a collectionné les punitions. Il ne craignait personne, encore moins la cellule d'arrêt...
A la fin des 2 mois le dur à cuir doit être affecté en compagnie. Or de question de le mettre dans un service sans surveillance: direction une compagnie de combat, de préférence une avec un encadrement solide. Devinez laquelle, celle où je suis l'adjoint.
Une chouette compagnie du génie, commandée par un capitaine ancien, qui délègue beaucoup, contrôle à bon escient et forme ses cadres, dont moi. Un compagnie dont les cadres arrivaient à passer 210 jours en manoeuvre ou exercice. Moi qui sortait le moins 180.
Inutile de dire, qu'en dehors de la caserne les occupations sont nombreuses et la possibilité de "déconner" moindre. Mais le lascar que j'ai accueilli en l'absence du capitaine, trouve à se faire remarquer. Donc il est régulièrement sanctionné, donc ne part en permissions
donc s'énerve un peu plus. Le capitaine decide de lui lâcher la bride un peu, lève temporairement un punition. Le gars part... il avait trop chose à faire... il n'est pas revenu... enfin pas tout de suite. Là on entre dans le pénal pour desertion.
Automatiquement les jours non accomplis doivent l'être et pour ajouter un peu de sel, ils sont même prolongés de quelques jours supplémentaires légaux.
Pourtant le gars bossait bien quand on le lui demandait bien. Certains cadres, tant off que sous-off ne pouvaient rien lui dire. Systématiquement c'était l'esclandre.
Le capitaine a très vite donne des consignes pour ne pas le transformer en bouc émissaire en donnant des ordres sur le style de commandement dans la compagnie et en prenant les cadres un à un pour leur expliquer le pourquoi de la montée en pression du lascar.
Presque deux ans s'écoulent ( pour un service à un an). Arrive le jour de la libération d'1 contingent, celui auquel a été définitivement rattaché notre sapeur. Dernier rassemblement. Les gars sont en survêtement bleu clair. Le capitaine dit au revoir à ses hommes.
Je suis derrière lui en retrait. Le capitaine remercie pour le travail et fait une allusion fine à la durée inhabituelle du service de certains tout en remarquant que la punition n'était pas synonyme de mésestime.
Le capitaine s'en va. Je le suis dans notre bureau commun. Je vais à la fenêtre voir le départ du contingent sous les ordres d'1 sergent vers la grille du régiment. "Mon capitaine, Lascar vient de quitter les rangs!" Le gars fait fit de l'appel du sergent et rentre ds le bâtiment
Le sergent décide de laisser tomber le gars et dirige sa troupe vers la sortie. Je décris la scène au capitaine qui s'est installé à son bureau. On frappe à la porte. "Entrez!" dit le capitaine. Et là...
Là entre le lascar, condamné pour attaque à main armée. Il se met dans un garde-à-vous impeccable, se présente réglementairement et parfaitement. Il attend que le capitaine redresse la tête et lui adresse la parole. "Oui? Mettez vous au repos." Le gars reste au garde-à-vous.
D'une voix claire en nous regardant tous les deux alternativement :" Mon capitaine, mon lieutenant... je voulais vous remercier et vous présenter mes excuses. Je n'ai pas été tous les jours facile. J'ai provoqué, j'ai emmerdé le monde...
Mais vous vous êtes toujours restés justes. Quand je faisais des conneries j'étais sanctionné comme les autres l'auraient été. Mais quand je faisais bien, vous le disiez aussi. Merci. Merci mon capitaine pour votre discours tout à l'heure"
Sur ce il salue de la tête, fait un 1/2 tour exemplaire et ferme la porte derrière lui. Le capitaine se lève et regarde comme moi par la fenêtre le lascar courir rattraper le reste du contingent, qu'il rejoint. Il se mrt au pas pour les 50 derniers mètres.
Nous voyons la grille du régiment s'ouvrir sur une estafette. Au "rompez les rangs" notre lascar s'avance poignets tendus vers les gendarmes. Il monte dans l'estafette . 2 tons à fond, le véhicule bleu reprend la direction d'une centrale pénitentiaire.
Le capitaine se retourne. Il a comme moi une larme qui coule sur la joue.
Merci mon capitaine. Merci Lascar pour ce moment.
Merci à @dedere22 de m'avoir remémoré cette histoire.
Merci mon capitaine. Merci Lascar pour ce moment.
Merci à @dedere22 de m'avoir remémoré cette histoire.
