[CORONAVIRUS] J'ai passé quelques heures à compiler les chiffres du coronavirus hier soir. J'étais surpris notamment par le décalage entre la situation française, où les mesures prises sont minimales, et la situation italienne. Ce que j'ai découvert n'est pas jojo. THREAD
Voilà donc les chiffres que j'ai récolté. J'ai mis le nombre de cas en France et en Italie, plus le taux de croissance d'un jour à l'autre. 
Premier constat : les taux de croissance, bien que très variables, restent compris entre grosso modo 15 % et 50 %. Cela veut dire que, chaque jour, le nombre de nouveaux cas est *proportionnel au nombre total de personnes contaminées depuis le début de l'épidémie*.
C'est une situation habituelle en épidémiologie : la croissance est exponentielle. C'est assez logique : chaque nouvelle personne contaminée est une source de contamination supplémentaire. Donc plus il y a de gens contaminés, plus le nombre de malades augmente vite.
J'ai représenté sur cette courbe les données du tableau, et on retrouve bien la forme d'exponentielle à laquelle on s'attendait. On voit aussi que l'épidémie en France semble sans commune mesure avec ce qui se passe en Italie. Ouf ?
Sauf que dans le cas d'une croissance exponentielle, ce genre de représentation est facilement trompeur, parce qu'un phénomène exponentiel "change d'échelle" au fur et à mesure. Une façon de mieux voir ce qui se passe, c'est d'utiliser une échelle logarithmique.
Dans un graphe classique, la distance verticale pour passer de 1 à 2 est la même que pour passer de 2 à 3 (ou de 100 à 101 !).
Alors qu'en utilisant une échelle logarithmique, on utilise la même distance entre 1 et 10, qu'entre 10 et 100 ou entre 100 et 1000.
Alors qu'en utilisant une échelle logarithmique, on utilise la même distance entre 1 et 10, qu'entre 10 et 100 ou entre 100 et 1000.
Wikipédia propose cette image pour montrer la différence (attention, moi c'est sur l'axe des ordonnées que je vais utiliser l'échelle logarithmique, pas sur l'axe des abscisses).
Voilà ce que ça donne. Sur un graphe en échelle logarithmique, une courbe exponentielle apparaît... droite. On constate que c'est bien le cas, si on élimine les premiers jours de chaque courbe (à partir du 23 février pour l'Italie, du 27/28 pour la France).
À quel point ces courbes sont-elles droites ? Pour le savoir, on utilise généralement une technique statistique appelée "régression linéaire", qui est une opération mathématique qui donne "la droite qui correspond le mieux" à notre courbe.
On la trace ensuite sur le même graphe ce qui permet la comparaison (je les ai calculé en ignorant les premiers jours où la tendance de long terme ne semblait pas établie).
Ce qui est frappant, c'est de voir à quel points ces droites "correspondent" aux données (pour les statisticiens, j'obtiens des R² de 0,987 pour l'Italie, et 0,991 pour la France). Et à quel point les deux droites sont similaires.
Comme s'il s'agissait du rythme "naturel" de progression de la maladie dans les sociétés européennes (entre guillemets, parce que ça dépend de plein de facteurs pas naturels : le nombre moyen de gens croisés en une journée, le type de contact humain, etc.)
C'est aussi inquiétant : cela voudrait dire que les mesures prises n'ont eu quasiment "aucun" impact sur le taux de croissance de l'épidémie (s'il avait baissé, cela se serait traduit par un changement de pente de la courbe).
En tout cas pour la France, parce qu'on peut se demander pour l'Italie s'il n'y a pas un avant et après le 1er mars — cela correspondrait à peu près à la date de fermeture des écoles et universités.
C'est même d'autant plus inquiétant que quand l'Italie prend ces mesures, elle fait face à... 1128 cas (chiffre du 29/02). Devinez combien de cas il y a en France au soir du 09/03 ? 1412. La réaction de Macron ? rtl.fr/actu/politique…
En fait, alors que le premier graphe semblait montrer que nous faisions beaucoup mieux que l'Italie, ce qu'on voit à partir du second, c'est surtout que nous semblons simplement... avoir de 6 à 10 jours de retard sur l'Italie.
Alors attention ici : avec le tweet précédent, je suis passé de l'analyse statistique des courbes historiques à de la prédiction. Et c'est jamais très simple. Déjà parce qu'une courbe exponentielle, dans la réalité, ça n'existe jamais.
Une courbe exponentielle, ça grandit à un rythme toujours plus rapide, et ça grandit jusqu'à l'infini. Dans le monde réel, il n'y a pas un nombre infini d'humains qui peuvent tomber malades, donc il y a bien un moment où ça doit s'arrêter.
Déjà, la courbe va s'arrêter d'être exponentielle quand les gens malades n'auront plus vraiment de personnes saines autour d'elles à contaminer. Mais bon, disons que ce n'est pas vraiment une perspective enviable.
Autre possibilité, plus joyeuse : les adaptations individuelles et les mesures gouvernementales contribuent à faire baisser le rythme de croissance, de façon continue et suffisante pour que l'on sorte du régime exponentiel.
Disons-le clairement : on en est pas là. Même l'Italie et sa mise en quarantaine d'une bonne partie du Nord se trouve toujours dans le régime exponentiel. Alors en France, vu la faiblesse des mesures, peu de chance que ça ait un impact.
Pour autant, même si l'on ne parvenait pas à quitter le régime exponentiel, les efforts ne sont pas DU TOUT inutiles. C'est le propre d'une exponentielle : la moindre petite variation dans le taux de croissance a des conséquences radicales.
En France, le rythme déduit de la régression linéaire faite plus haut est que le nombre de cas va être multiplié par 10 tous les 7,5 jours. SI (emphase sur le SI) ça se maintient cela veut dire qu'en partant de 1400 malades aujourd'hui, on en aurait 1 200 000 le 31 mars
Si on réduit le rythme de croissance à une multiplication par 10 tous les 10 jours à la place de 7,5, ça nous fera, au 31 mars... 220 000 malades. Soit quasiment une division par 6 !
Et surtout, ça veut dire qu'on répartit mieux dans le temps les malades, et ça a une importance capitale : cette petite animation qui a tourné sur Twitter le montre très bien
Pour les non anglophones : la courbe montre le nombre de gens qui sont malades à un moment donné (elle est donc différente de la mienne, qui montre le nombre gens qui ont été malades, même s'ils ne le sont plus). La ligne pointillée représente la capacité du système de santé.
Allez, on résume :
- La croissance du nombre de cas de coronavirus est maintenant exponentielle
- Nous ne sommes qu'au début de l'épidémie, et les mesures prises jusqu'à maintenant sont probablement inadéquates
- Chaque effort compte et aura un impact... exponentiel !
- La croissance du nombre de cas de coronavirus est maintenant exponentielle
- Nous ne sommes qu'au début de l'épidémie, et les mesures prises jusqu'à maintenant sont probablement inadéquates
- Chaque effort compte et aura un impact... exponentiel !
- Il faut s'attendre à — et espérer ! — des mesures drastiques, de même ampleur que celles constatées en Italie. Nous sommes sur la même trajectoire qu'eux, et il n'y a aucune raison identifiable pour laquelle notre cas serait différent.
- Ne paniquons pas, mais restons inquiet : on ne va pas tous crever (une minorité des cas nécessite une hospitalisation), mais le potentiel pour une crise sanitaire qui déborderait nos hôpitaux est là. Chaque effort contribue à éviter des morts inutiles !
Pour info, c'est cette vidéo en anglais qui m'a inspiré pour réaliser cette analyse sur la situation française, je vous encourage à la voir si vous êtes anglophone, tout y est (mieux !) expliqué
Surtout, si vous voyez la moindre erreur ou inexactitude dans mon thread, signalez-le moi, en public ou en MP !
Il semblerait qu'il y ait un début de prise de conscience de la gravité de la situation à la tête de l'État... Dommage que ce n'ait pas été il y a 2 ou 3 jours hin
lejdd.fr/Politique/coro…
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