⚠️ Ce n’est pas du tout ce que dit cet arrêt. Mais pas du tout. D’ailleurs, cherchez la partie citée entre guillemets dans le texte de l’arrêt. Allez-y. Il n’est pas très long.
Un de ces quatre, je vous dirai ce que je pense de ces militants qui, au nom d’une cause qu’ils trouvent noble, s’estiment affranchis de la moindre parcelle d’honnêteté intellectuelle. Spoiler : il y aura plein de gros mots. En attendant, voyons ce que dit VRAIMENT cet arrêt.
Une jeune femme de 19 ans porte plainte pour des faits qu’elle a subis de la part de son parâtre depuis ses treize ans, selon ses déclarations.
Le parâtre est mis en examen pour viol par personne ayant autorité et agression sexuelle.
Au terme de l’instruction, le juge d’instruction rend une ordonnance de non lieu partiel sur les faits de viol, et de renvoi devant le tribunal correctionnel pour les faits d’agression sexuelle incestueuse.
Point important sur lequel je n’ai pas d’explication : alors que la plainte portait sur des faits remontant à 2011, le renvoi ne porte que sur des faits de janvier à avril 2017, soit juste avant la plainte. La prescription n’est pas l’explication, elle n’était pas acquise ici.
La plaignante, devenue partie civile, fait appel, demandant que la qualification de viol soit retenue. L’affaire arrive devant la chambre de l’instruction.
NB : A ce stade, l’enquête est terminée, toutes les preuves ont été réunies, il ne reste qu’à les discuter.
La chambre de l’instruction va rejeter la demande de la partie civile, en disant ceci (NB : c’est la cour d’appel qui parle): (TW viol et agression sexuelle, j’aurais dû le mettre avant, désolé)
la pénétration constitutive du viol doit avoir été « d'une profondeur significative »
Or, relève la cour, la plaignante elle-même avait dit que le mis en examen qui lui léchait le sexe l’avait « pénétrée avec sa langue à force d’insister », sans assortir ses propos « d'aucune précision en termes d'intensité, de profondeur, de durée ou encore de mouvement ».
ce qui « ne caractéris[ait] pas suffisamment une introduction volontaire au-delà de l'orée du vagin, suffisamment profonde pour caractériser un acte délibéré », ce d’autant qu’il s’agissait de l’unique acte de pénétration jamais allégué par la partie civile,...
que la plaignante n’a fait l’objet d’aucun examen gynécologique (l’arrêt ne le précise pas, mais cet examen étant systématiquement proposé en matière de viol, c’est probablement dû à un refus de la plaignante, et il ne peut bien sûr lui être imposé). Enfin, relève la cour :
… la plaignante dit elle-même que son parâtre « avait peur d'aller trop loin avec ses doigts mais [qu']il ne m'a pas pénétrée. »
La cour en conclut qu’il ne lui est pas possible de qualifier un viol avec si peu d’éléments et des propos de la plaignante qui semblent l’exclure.
La plaignante forme un pourvoi en cassation.
(Pause dramatique, j’ai des enfants à mettre au lit)
C’est en cet état que l’affaire arrive devant la Cour de cassation. Point essentieel pour que vous compreniez : la Cour de cassation juge en droit, pas en fait. Les faits sont acquis, elle retient ceux que la cour d’appel considère comme établis.
Ce pouvoir d’apprécier les faits s’appelle l’appréciation souveraine des juges du fond. Souveraine : on ne peut revenir dessus. La cour de cassation n’en a pas le droit. Elle vérifie que le juge du fond a bien appliqué la loi à ces faits, pour unifier l’interprétation du droit.
Donc, que dit la cour de cassation ?
Elle relève que la cour d’appel a exclu la qualification de viol en s’appuyant sur les faits rappelés, à savoir que la propre plaignante a dit que son agresseur ne l’avait pas pénétrée car il avait peur d’aller trop loin avec ses doigts.
De même, la cour d’appel retient que la seule fois où la plaignante mentionne une pénétration, c’est en parlant de la langue de son agresseur sur son sexe, « à force d’insister » sans autre précision, notamment de durée, d’intensité, de profondeur ou de mouvement, rien.
La cour de cassation constate que la cour d’appel a estimé que ces propos vagues n’étaient pas suffisants pour établir la pénétration sexuelle constitutive du viol, au regard des autres propos de la même plaignantee (« il ne m’a pas pénétrée, il avait peur d’aller trop loin »).
Et elle conclut que cette appréciation souveraine de la cour d’appel d’absence d’acte de pénétration, sur laquelle la cour de cassation ne peut revenir, justifie le sens de la décision. Voilà tout ce que dit la cour de cassation.
La conséquence n’est pas que l’agresseur rentre chez lui avec un mot d’eexcuses et la Légion d’honneur : il sera jugé devant le tribunal correctionnel pour agression sexuelle incestueuse par personne ayant autorité sur la victime. Il encourt jusqu’à 7 ans de prison.
Pour conclure, voici la terrible illustration du combat perdu d’avance entre la vérité et le mensonge. Le mensonge fait appel à la passion : un tweet lui a suffi. La vérité fait appel à la Raison, qui aime prendre son temps : il m’a fallu 17 tweets pour l’expliquer.
Mais ce n’est pas pour cela qu’il faut renoncer. Au contraire. Comme le dit mon héros :
« Que dites-vous ?... C'est inutile ?... Je le sais !
Mais on ne se bat pas dans l'espoir du succès !
Non ! non, c'est bien plus beau lorsque c'est inutile ! »

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More from @Maitre_Eolas

7 May
Encore le piège des solutions simplistes. Un peu de recul critique ne fait jamais de mal.
1 - la corruption est passible de 10 ans de prison, le braquage, 15, mais là il y a risque direct de mort ou de blessure, inexistant pour la corruption.
10 ans c’est déjà le sommet des peines délictuelles, et augmenter la peine ça veut dire basculer au criminel, donc introduire potentiellement des obligés et des clients parmi les juges, et retarder considérablement le jugement. Fausse bonne idée donc.
2 - 12 mois entre l’ouverture d’info et la cassation est déconnecté de toute réalité. La célérité c’est bien, mais là c’est de la précipitation. Comment un honne peut-il se défendre devant quatre juridictions différents en 12 mois, sachant qu’après, tout est irrévocable ?
Read 10 tweets
18 Mar
Cette histoire d’auto-attestation pour pouvoir sortir, absurde en apparence, m’a fait réfléchir. J’ai une hypothèse sur la ratio legis de cette obligation. #Thread
Le décret du 16 mars créait une amende de 1re classe frappant ceux qui sortaient en violation des restrictions imposées par le confinement, i.e. pour une autre des raisons prévues. Amende montée à la 4e classe par décret du 17 mars (avec amende forfaitaire applicable)
Mais une contravention, infraction passible de peine d’amende seulement, ne permet que retenir sur place la personne verbalisée le temps de constater son identité et de dresser le procès verbal. Pas de privation de liberté, pas de garde à vue (art. 67 CPP).
Read 7 tweets
17 Mar
Décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19

beta.legifrance.gouv.fr/jorf/texte_jo/…
D’ailleurs, payez-vous le luxe de mieux parler que le gouvernement. Il n’y a pas de virus COVID-19. La COVID-19 (féminin), mot créé par contraction de l’anglais coronavirus disease 2019, est la maladie causée par le coronavirus SARS-CoV-2.
SARS-CoV-2 est un mot créé par contraction de l’anglais Severe Acute Respiratory Syndrom CoronaVirus 2, coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2, par opposition au 1 qui a causé l’épidémie de SRAS en 2003. Si vous dites « le coronavirus » ça ira, pas d’ambiguïté.
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16 Mar
Réponse : Article R.610-5 du code pénal : le fait de violer un arrêté municipal, préfectoral ou ministériel est puni de l'amende de 1re classe soit 38 euros max.
La somme de 135€ annoncée à bref délai suppose que soit pris un décret en Conseil d'Etat qui 1) fera de la violation des mesures prises dans le cadre de cette épidémie une contravention de la 4e classe (750€ max) ET 2) ...
2) ajoutera ces contraventions à la liste de l'article R.48-1 du CPP pouvant faire l'objet de la procédure dite de l'amende forfaitaire, qui fait payer tout de suite 135€ et évite des poursuites devant le tribunal de police où là le maximum de l'amende serait encouru.
Read 5 tweets
2 Mar
Quand j’ai le plaisir et l’honneur de participer à la formation de jeunes confrères et consoeurs, un des conseils que je leur donne est, dans leur plaidoirie, de ne pas répondre aux réquisitions du procureur. C’est contre-intuitif mais c’est important. Pourquoi ?
Parce que c’est un travers de civiliste. Au civil, procédure parfaitement accusatoire, le demandeur expose ses demandes, et le défendeur réplique point par point. Puis le juge tranche dans sa décision, et accorde un article 700 ridicule à la partie qui gagne.
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12 Aug 19
Opération paella en cours. Je vous tiens au courant.
Phase 2. Tous les voyants sont au vert.
The Iron Crown < The Paella Crown.
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