Au Creusot, Emmanuel Macron a ouvert le débat sur le nouveau #nucléaire avec la perspective d'une décision en 2023.
A titre de première contribution, je vous propose un petit thread sur les sites qui pourraient accueillir de nouveaux réacteurs compte-tenu des contraintes #climat.
L'enjeu : un réacteur #nucléaire qui entrerait en service vers 2030 serait encore en service en 2070 voire 2100. Comment s'assurer qu'il puisse fonctionner à la fin du siècle ?
D'abord en choisissant un emplacement qui lui donne accès à une ressource en eau fiable à cet horizon.
Supposons que l'on parle de réacteurs d'une puissance d'environ 1600MW comme l'EPR et qu'ils soient construits par paire : 2 EPR par site.
Limitons les options aux sites sur lesquels se trouvent déjà des centrales nucléaires.
Aujourd'hui les deux tiers des réacteurs nucléaires sont situés en bord de fleuve, commençons là : sur quel(s) fleuve(s) français pourrait-on mettre une paire d'EPR ?
D'abord construire un site fluvial imposerait presque automatiquement un choix technologique : l'utilisation d'un refroidissement en circuit fermé.

Pourquoi ? Parce que, l'alternative, un circuit ouvert nécessiterait de transférer au fleuve près de 6GW de puissance thermique.
Pour un fleuve avec un débit moyen, comme la Loire (~300m3/s en moyenne), 6GW cela correspond à un échauffement (différence de température entre l'amont et l'aval) moyen de 5°C environ.
C'est énorme, très au-delà de ce qui est autorisé aujourd'hui.
Refroidir des EPR en circuit ouvert serait à la rigueur imaginable sur le Rhône.
Mais, même à climat constant, cela imposerait des arrêts à répétition tous les ans, comme en rencontrent les centrales St Alban ou Bugey, pourtant équipées de réacteurs moins puissants.
(Par exemple, la centrale #nucléaire de St Alban a connu 22 épisode d'indisponibilité cet année précisément parce que le débit du Rhône ne permettait pas de la refroidir dans le respect de ses limites d'échauffement)
Donc de façon réaliste : EPR fluvial = EPR avec un refroidissement en circuit fermé.

A noter : jusqu'à présent, tous les projet d'EPR ont été dotés d'un circuit ouvert. Un circuit fermé représente un surcoût par rapport à ce système.
Nos EPR fluviaux ont donc un refroidissement en circuit fermé, ce qui limite l'échauffement et les prélèvement d'eau. Par contre, une partie de l'eau prélevée est évaporée, la centrale contribue donc à diminuer le débit du fleuve.
Dans un contexte d'augmentation de la demande, d'aridification (au moins lié à l'augmentation de l'évaporation avec la température) et d'étiages plus sévères et plus précoces (recul des glaciers, fonte précoce de la neige), cette consommation d'eau peut poser problème.
Deux EPR en fonctionnement consommeraient probablement de l'ordre de 2 mètres cubes d'eau par seconde.
Difficile de donner un seuil exact mais une telle consommation serait sans doute problématique sur des fleuves qui connaissent régulièrement des étiages < 20m3/s.
La Moselle (centrale de Cattenom), la Meuse (Chooz), la Seine (Nogent) ont des étiages de cet ordre. La Vienne (Civaux) est nettement inférieur.
La Loire et la Garonne sont au-dessus mais seul le Rhône offre une marge confortable.
La Garonne (Golfech) et la Gironde (Blayais) ne sont sans doute pas des bons choix en raison de leurs températures déjà élevées qui entrainent déjà fréquemment des indisponibilités.
Bien sur, Golfech et Blayais sont aujourd'hui arrêtées pour respecter une limite réglementaire, limite qu'abhorrent les défenseurs de ces centrales, mais la température a aussi un coût technique : prolifération de pathogène, perte de rendement, surdimensionnement du condenseur...
A débit constant, la Loire serait un candidat envisageable mais avec peu de marges de manœuvre et une aridification qui devrait être particulièrement marquée dans la région ça ne me semble pas très réaliste. Mais peut-être à étudier plus précisément...
callendar.climint.com/fr/projection-…
Bref pour répondre à la question initiale, un seul fleuve français me parait être un candidat sérieux pour accueillir des EPR (à condition qu'ils soient refroidis en circuit fermé) : le Rhône.
Évidemment, avant de commencer à couler le béton il faudra étudier en détail l'impact du changement climatique sur le régime du Rhône et l'évolution des autres besoins en eau, et probablement aussi mieux sécuriser l'approvisionnement auprès de nos voisins suisses.
Vous me direz peut-être : pourquoi on s'embête ? Si il faut de l'eau, on n'a qu'à construire nos futurs réacteurs en bord de mer.
Et vous aurez probablement raison. Les réacteurs de bord de mer sont à l'abri de la sécheresse et moins exposés à l'aléa température (quoique pas totalement immunisés). Il existe d'autres risques, comme l'élévation du niveau de la mer mais ils sont a priori plus facile à gérer.
Dans ce scénario, l'incertitude me parait plus porter sur le réseau : peut-on vraiment alimenter l'ensemble du territoire à partir de 400 kilomètres de côte entre la Normandie et le Pas de Calais ?
Je ne sais pas mais je n'ai pas l'impression que la réponse soit un "oui" évident.
Bref, le #climat est une contrainte forte pour un futur programme #nucléaire, son implantation et ses options technologiques.
Cette question doit être étudiée sérieusement et les résultats réellement pris en compte dans la stratégie adoptée. Ça ne parait pas évident à ce stade...

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16 Oct
Pour une étude sur laquelle je travaille en ce moment, j'ai fait une belle image satellite de Palo Verde, la fameuse centrale #nucléaire située dans le désert en Arizona.

Je ne résiste pas au plaisir de vous la partager, avec quelques explications dans les tweets suivants :
Palo Verde le plus gros producteur d'électricité aux États-Unis et la 2e centrale du pays en puissance installée (derrière le barrage hydroélectrique de Grande Coulée).
Et cela malgré sa position improbable au milieu d'un désert sans accès à une masse d'eau naturelle.
Palo Verde est la seule centrale nucléaire au monde dans cette situation ce qui en fait le poster boy de l'adaptation aux climats extrêmes.
Mais la centrale en elle-même (encadrée en rouge) n'a rien de bien original, c'est autour que ça se passe.
Read 13 tweets
14 Oct
Vous vous en souvenez ? On s'est beaucoup engueulé en août pour savoir si les délestages en Californie, c'était la faute des EnR, du réseau, de la canicule…

Un rapport d'enquête vient de sortir et il pointe surtout une régulation électrique inadaptée face aux aléas climatiques.
Rappel des événements : mi-août 2020, une vague de chaleur sans précédent touche l'ouest des États-Unis. Les californiens montent la clim' et la production d'#électricité ne suit pas. Après plusieurs jours de tensions, l'état subit des délestages tournants les 14 et 15 août.
Plus précisément, les réserves d'exploitation (la puissance que l'on garde disponible en cas d'incident) passe sous le seuil de sécurité le 14 à 18h38. L'opérateur du réseau ordonne des délestages pendant une heure environ : 492.000 clients sont touchés pendant 15 à 150 minutes.
Read 12 tweets
29 Sep
Ça vous dirait de parler de l'impact du #climat sur la dégradation des routes en béton sous l'effet de la pression exercée par dilatation thermique des dalles sur les joints de chaussées ?

Comment ça, ça a pas l'air fun ? Mais si, regardez ça donne ça ⤵ ⤵ ⤵
Cette vidéo () a été enregistrée dans le Minnesota pendant la vague de chaleur qui a touché les États-Unis mi-juin 2016.

Au cours de cette période, plusieurs dizaines d'incidents du même genre ont été signalés dans l'Iowa, le Nebraska, le Colorado, etc.
Ce phénomène touche les routes à chaussées rigides, en particulier celles construites avec des dalles de béton.
Sous l'effet de la chaleur, le volume de ces dalles peut augmenter jusqu'à les soulever, comme dans la vidéo...

(Ou ici dans le Dakota : accuweather.com/en/weather-new…)
Read 11 tweets
1 Sep
#Climat : en juillet et août, la chaleur et la sécheresse ont été responsables d'une perte de production de 1.9TWh sur la parc #nucléaire français, soit ~4% de la production électrique française sur la même période.
C'est le niveau le plus élevé depuis au moins 2014.
Ces pertes ont eu lieu majoritairement à Chooz - et la centrale reste complètement indisponible à ce jour.
Blayais, Golfech et St Alban ont aussi perdu 40 à 60GWh chacune.
#nucléaire #climat Image
En termes de puissance, le pic d'indisponibilité a été atteint dans la nuit du 25 au 26 août avec 4600 MW arrêtés pour des raisons climatiques, soit 7.5% du parc #nucléaire français.
(et 15% de la puissance disponible à cette date, telle que prévue par RTE en début d'été !)
Read 6 tweets
18 Aug
Le réacteur 1 de Chooz devrait redémarrer demain à 23h après sa visite décennale.
Le débit de la Meuse ne permettant toujours pas de faire fonctionner 2 tranches, EDF prévoit de réduire la puissance du réacteur 2 de 1500 à 450MW à partir 20h.
#sécheresse #nucléaire
Ensuite, la production du réacteur 1 de Chooz remontera par palliers, le 2 sera probablement totalement arrêté après cette période (soit le 21-22) et pourrait le rester jusqu'en septembre.
Il est possible que le fonctionnement du 1 reste perturbé par le faible débit de la Meuse.
EDF confirme l'arrêt du réacteur 2 de Chooz à partir du 20 août et jusqu'au 1er septembre.
#nucléaire #sécheresse
edf.fr/groupe-edf/qui… Image
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14 Aug
Une étude incontournable pour ceux qui travaillent sur la prospective #climat et l'#adaptation :
En version courte, parmi les 4 scénarios d'émissions du 5e rapport du GIEC, nous sommes sur la trajectoire du plus pessimiste, le RCP8.5.
pnas.org/content/early/…
En version longue :
Le scénario RCP8.5 est généralement présenté comme un scénario "business as usual" mais ça n'est pas le cas si on regarde ses hypothèses : sa croissance est plus rapide que la réalité, le coût des renouvelables trop élevé, la part du charbon pas réaliste, etc.
Cela a conduit à des critiques très virulentes, y compris au parmi des gens qui travaillent sérieusement sur le #climat et voient le 8.5 comme un épouvantail catastrophiste.

Illustration : #RCP85IsBollox
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