Thread by @LucieNoyer

1. [#CeJourLà] Le 19 février 1796, le Directoire organise la destruction du matériel permettant la fabrication d’#assignats. Réalisée en Allemagne, une gravure dépeint l'opération comme un « #brûlement » de billets. Cette transposition graphique vaut bien un thread d’#econhist 👇

2. À l’origine, les assignats sont créés en 1789 comme des titres d’emprunts gagés sur les ventes à venir des biens nationaux. Cependant, les émissions d’assignats dépassent rapidement la valeur des biens nationaux et les titres se transforment en papier-monnaie.

3. En quelques années, les assignats se déprécient tant qu’il est tentant de parler d’#hyperinflation. Or, pour nos esprits contemporains, la prolifération de billets dévalués s’accompagne souvent de leur destruction par le feu.

4. Après tout, nos livres d’histoire sont remplis de photographies (savamment mises en scène) où s’apprêtent à brûler des #marks allemands en 1922-1923 ou des #pengö hongrois en 1946. Or, les assignats français ont vu leur valeur diminuer dans des proportions moins délirantes.

5. La gravure ne montre donc pas des particuliers qui brûleraient un papier-monnaie valant désormais moins que son support physique. Au contraire, elle donne à voir des représentants de l’État mettant en scène publiquement un changement de monnaie fiduciaire.

6. L’enjeu n’est donc pas de se débarrasser des assignats dévalués mais d’affirmer de manière spectaculaire que le gouvernement ne retombera plus jamais dans les mêmes errements monétaires. En réalité, les mandats territoriaux connaîtront la même fin que les assignats en 1797 …

7. Les annonces et les descriptions officielles de l’événement insistent sur la destruction de matériel. Comme le suggère la mention sur l’exemplaire de la gravure conservé au @museecarnavalet, le papier brûlé sur la gravure serait donc des « assignats en cours de fabrication »

8. Cependant, la presse de l’époque rapporte que quantité d’assignats fut aussi détruite lors de la même occasion. Les textes gouvernementaux et la gravure offriraient donc à voir des aspects complémentaires de la cérémonie qualifiée d’#autodafé dans l’historiographie.

9. Dans certains ouvrages d’histoire monétaire, cet «#autodafé » de 1796 est parfois mis en parallèle avec un autre incendie organisé en place publique par l’Etat le 17 octobre 1722. Les Parisiens furent conviés à un feu d’archives achevant la #liquidation du Système de #Law.

10. Le parallèle est séduisant dans la mesure où les deux premières monnaies fiduciaires finiraient de la même façon, dans les flammes ! Il a cependant ses limites : en 1722, on ne brûle ni billets ni planches à billets mais les papiers ayant servi à liquider le système de Law.

11. Les frères Pâris ont en effet été chargés en 1721 d'une opération de #visa, c'est-à-dire de convertir le papier-monnaie de Law contre de nouveaux billets (l'Etat faisant un gain au passage). Plus d'explications techniques sont disponibles dans le "John Law" de Nicolas Buat.

12. Deux années plus tôt, John Law avait pourtant accepté à l’été 1720 plusieurs séances publiques de #brûlements de ses billets surnuméraires. Ces cérémonies avaient permis l’expression de la vindicte populaire mais n’avaient pas sauvé la Banque Royale ni le Système de Law.

Pour en apprendre davantage, deux liens et un livre de @RebeccaSpang :
doi.org/10.3917/licla.…
citeco.fr/la-presse-à-as…

Le fil ci-dessus sur les #brûlements de papier #monnaie dans la France du XVIIIe siècle peut vous intéresser @BlaiseTL @citeco_officiel @histeco @histoirecoens