Thread by @BenjaminBriceFR

@lemondefr a publié il y a deux jours tout un dossier sur le nouvel essai de Pierre Rosanvallon « Les Épreuves de la vie ».

Cet ouvrage est certainement intéressant (comme la production de PR en général), mais la manière d’aborder les choses est questionnable.

Explication 👇

(On peut légitimement reprocher à PR de jouer les expériences individuelles et les ressentis singuliers contre les clivages de classe, alors que les deux approches devraient plutôt se compléter :

https://twitter.com/NDuvoux/status/1430857264982790147

Mais ma critique est différente.)

À lire le dossier du Monde, notre problème politique serait le suivant : les élites au pouvoir (E. Macron en tête), concentrées sur les statistiques et les contraintes économiques, négligeraient trop le ressenti et le vécu des 🇫🇷

@sderoyer écrit par exemple : « Pierre Rosanvallon observe que les élites, baignées dans la culture technocratique […] ont longtemps été insensibles à la dimension émotionnelle du monde social ».

Tel serait le tableau : d’un côté, des élites placées du côté de la raison, mais ayant du mal à entrer en contact avec les émotions de la population.

De l’autre, des « populistes » qui agitent les passions tristes afin de monter le grand nombre contre les gouvernants.

Cette lecture s’accorde probablement assez bien avec ce que pensent une bonne partie des lecteurs et lectrices du Monde : le programme d’E. Macron serait plutôt raisonnable ; malheureusement, le Président se serait montré trop arrogant, trop coupé des classes populaires, etc.

Il faudrait donc un ou une candidat(e) capable de réformer le pays tout en sachant écouter les difficultés et les peurs. C’est-à-dire quelqu’un qui réussisse à s’adresser aux perdants de la mondialisation, sans montrer de mépris pour quiconque.

Ce n’est certes pas un point négligeable, du moins si l’on veut apaiser un peu les tensions qui traversent le pays.

Cependant, cette manière d’aborder les choses me paraît manquer une chose essentielle : les politiques menées !

Ne faudrait-il pas interroger sérieusement le cap socio-économique suivi par la 🇫🇷 depuis maintenant plusieurs mandats ? Ce cap qui fait consensus au sommet de l’État ?

En effet, tout se passe comme si le cap de l’exécutif était globalement bon. Et ce, en dépit du fait que la 🇫🇷 continue d’accumuler les déficits commerciaux, de se résigner au chômage de masse et de rogner les budgets publics (régalien et investissements).

Sans même parler de la désindustrialisation, de la dépendance du pays vis-à-vis du reste du monde, des tensions sociales, du manque de préparation face au dérèglement climatique, etc.

Il y aurait quand même matière à débat, même entre personnes « modérées » !

Finalement, avant de réfléchir au moyen de faire accepter les différentes versions des politiques de compétitivité à la population, peut-être faudrait-il se demander si ces politiques répondent réellement à l’intérêt de long terme de la 🇫🇷

Bref, la principale urgence ne me paraît pas d’enseigner le langage des émotions à des gens qui ne jureraient que par la raison. Mais plutôt de questionner ce que les dirigeants – ainsi qu’une bonne partie de la presse dite « modérée » – semble tenir pour « raisonnable ».

On peut penser qu’E. Macron a été trop rationnel et trop pressé pour redresser le pays.
On peut aussi se demander s’il n'a pas tout simplement fait fausse route, avec des réformes qui ne sont plus du tout adaptées à la conjoncture présente.

Voilà en tout cas un débat qui mériterait d’être ouvert. Et, qui sait ?, peut-être que @lemondefr a prévu de le lancer dans les mois à venir 😉