Thread by @JulesGrandin

A une dizaine de kilomètres au large des côtes anglaises de l'Essex se trouve la principauté de Sealand.

Sa particularité ? C'est une micronation non-reconnue installée sur une ancienne plateforme militaire offshore ⬇️⬇️

A l'est de l'Angleterre existe un réseau de forts destinés à assurer la protection des îles britanniques contre les raids aériens lors de la second guerre mondiale, tous constitués de deux tours de bétons coiffées d'une plate-forme. Ils sont localisés sur cette carte Wiki

Pendant la guerre, ces forts ont permis la destruction de 22 avions et 30 missiles V1

L'une de ces plate-forme, celle de « Rough Sands » (ou « Fort Rough ») est plus intéressante que les autres. Et pour cause, c'est la seule à être située dans les eaux internationales et à ne dépendre donc d'aucune législation particulière

Le fort est utilisé pendant toute la seconde guerre mondiale, et est occupé par 150 à 300 soldats, s'occupant surtout de défense contre l'aviation. A la fin du conflit, il est laissé à l'abandon par l'armée et n'intéresse plus grand monde

Mais, à la fin des années 1960, un ancien major de l'armée britannique nommé Paddy Roy Bates entend parler de ce fort à l'abandon et, réalisant qu'aucune disposition juridique ne l'en empêche, en prend possession à bord de son bateau personnel le 25 décembre 1966

Quelques temps plus tard, le 2 septembre 1967, il annonce officiellement la création de la « principauté de Sealand » dont il devient prince tandis que sa femme, Joan, se voit octroyer le titre de princesse

L'histoire suit son cours jusqu'à ce qu'en 1968 des navires britanniques entrent dans ses « eaux territoriales » sans que l'on sache trop pourquoi. Ni une, ni deux, Bates tire au canon sur ces intrus !

Ca commence à faire beaucoup : il est convoqué au tribunal pour détention illégale d'armes à feu. Et là, il remporte une victoire judiciaire éclatante : les juges se déclarent incompétents car Sealand se trouve en dehors de la juridiction britannique !

C'est en quelque sorte une reconnaissance juridique du statut particulier de sa principauté ! Du coup, il continue : sa femme, la princesse, est chargée de dessiner le drapeau de la principauté et une constitution est rédigée en 1975 par le Premier Ministre de Sealand

Ce même Premier Ministre, Alexander G. Achenbach, fomente trois ans plus tard un coup d'Etat et prend le contrôle de Sealand avec quelques mercenaires allemands et hollandais. Le prince de Sealand est emprisonné, puis libéré quelques jours plus tard

Retrouvant ses vieux réflexes de vétéran de l'armée britannique, Bates organise un commando pour reprendre le contrôle de « sa » principauté : il saute d'un hélicoptère, reprend sa plateforme et en emprisonne les « envahisseurs », libérés quelques jours plus tard.

Le Premier Ministre félon est détenu bien plus longtemps, obligeant l'Allemagne à demander sa libération au Royaume-Uni, qui décline en invoquant la décision de justice de 1968 rejetant tout responsabilité du Royaume-Uni sur le Sealand

Bates, qui voit ces demandes de libération comme une sorte de reconnaissance de facto de l'indépendance de son territoire, finira par libérer son ancien Premier Ministre, qui s'exile en Allemagne et forme un gouvernement en exil. Le Sealand est en pleine guerre civile !

En 1987, le Royaume-Uni étend ses eaux territoriales de 12 miles marins, ce qui englobe Sealand dans son territoire et le rattache au comté d'Essex. Bates refuse : il aurait lui-même étendu ses propres eaux territoriales, un jour avant que le Royaume-Uni ne le fasse !

Bates abdique en 1999, au profit de son fils Michael, qui gouverne jusqu'en 2006, date à laquelle la plate-forme est ravagée par un incendie, obligeant les autorités à quitter le pays.

Six mois plus tard, Sealand est mis en vente pour 10 millions de livres Sterling. « The Pirate Bay » lance alors BuySealand.com pour récolter des fonds et se domicilier dans ce territoire hors de toute législation. wired.com/2007/01/the-pi…

La vente sera refusée par le prince de Sealand, qui ne se résout pas à vendre « sa principauté » à une entreprise « « violant les lois sur le copyright » #Hadopi

La vente ne s'est toujours pas faite, mais le potentiel de la plate-forme apparaît au grand jour : à l'abri de toute législation, c'est un paradis fiscal en puissance.

Malgré l'installation de serveurs Internet, Sealand ne fait plus parler d'elle depuis 2007

Même si elle a compté un maximum de 5 habitants, cette micronation a tout de même frappé sa propre monnaie (le dollar Sealandais), créé drapeau et armoiries, édité timbres et passeports !

SOURCES : Plusieurs articles du Guardian (theguardian.com/lifeandstyle/t… et theguardian.com/uk/2012/oct/10…)

La page Wiki de Sealand, très complète, ainsi que celle sur le réseau de forts britanniques en.wikipedia.org/wiki/Principal… et fr.wikipedia.org/wiki/Forts_Mau…

Ainsi que le superbe « Atlas des pays qui n'existent pas » de Nick Middleton