Profile picture
MaryLune🌔 @CrabusVulgaris
, 58 tweets, 10 min read Read on Twitter
5 ans aujourd’hui que je suis entrée à l’hôpital pour une reconstruction, puisque c’est le mot employé, j’en suis ressortie charcutée, meurtrie. J’avais promis un thread, le voilà. Happy birthday mes fucking seins...
Histoire banale d’un cancer du sein. Mon dernier bébé a 16 mois quand on me diagnostique un putain de carcinome canalaire infiltrant triple négatif Grade EE 3.3.3. Ki67 à 60% Métastases ganglionnaires dont une avec effraction capsulaire et très nombreux embols vasculaires.
Bref, j’ai pas compris grand chose sur le coup. J’ai juste entendu cancer chirurgie chimio rayons... j’ai vite arrêté d’aller sur internet parce que avec ce que je lisais j’étais sure que j’allais crever.
Donc chirurgie bla-bla-bla 3 intervention pour finalement laisser mon sein droit sur le billard. Ils ont jamais réussi à trouver les marges saines, l’infiltré a su y faire pour foutre le bordel.
Puis chimio et rayons, plus de cheveux, mais tout le monde dit que j’ai un beau crâne... alors... allez photo...
Je m’en tire plutôt bien. Je m’en remets. Je vais bien. Mais le cancéro m’a dit que vu mon âge et le type d’infiltré, il ferait bien une tite recherche génétique pour être sûr. Mais c’est vraiment pour être sûr. Faut pas s’inquiéter. Y’a pas de cas dans la famille.
Et bingo c’est pour ma gueule : j’ai nommé la fabuleuse mutation BRCA1 c’te connasse ! Donc plus de 80% de risque de récidiver sur l’autre sein et grosso merdo 50% pour l’ovaire. J’ai 39 ans, 4 mouflettes, ce serait con de tenter les statistiques.
Alors je cherche parce que y’a quand même du boulot. Va falloir enlever l’autre sein, les ovaires par la même occasion et reconstruire (Ah ah putain rien que le mot m’amuse) les fameux. Autant vous dire qu’encore à ce moment là je me disait encore que j’allais avoir des seins
tout neuf pour mes 40 Ans... naïve que j’étais. Tellement naïve.
Je prends donc rendez vous dans un TRÈS grand hôpital parisien avec un TRÈS grand professeur qui me dit que son équipe est la seule qui peut me faire la totale en une seule opération... c’est séduisant.
Vu le nombre de passages au bloc que j’ai fait ces derniers mois, si je peux tout faire en une fois... j’avais plutôt dans l’idée d’une paire de prothèses, quitte à avoir des faux seins autant que ce soit des seins de connasse qui tiennent tout seuls.
Mais il ne me pose pas la question, ne me demande pas ce que je veux, il me dit ce que lui va faire « parce que si je viens le voir lui c’est que je sais ce qu’il fait ». Ah. Donc il me vend sa technique, un double tug libre (ça a l’air cool hein ? Spoil : ça l’est pas !)
Donc en clair, on me prend un morceau de peau + gras (t’inquiète pas frère : y’en a, fais-toi plaiz) + bout de muscle (le gracilis —> et le mec me dit texto : vous êtes pas Hussain Bolt, ça vous manquera pas) et on me greffe le tout à la place des seins.
Il me dit, vous aurez une petite cicatrice de 5cm, verticale, sur l’intérieure de chaque cuisse (Je sens encore l’ongle de son pouce tracer ces 5 cm sur ma peau...), vous pourrez vous mettre en bikini.
Et bien sûr pour le même prix madame, on vous fait sauter les ovaires par coelio. Ok. Tout en un. C’est tentant.
Il va falloir maintenant attendre pour que tout ça soit programmé.
Et on attend. On attend. On attend. Des mois.
J’ai fini par forcer un peu les choses en allant à une conférence où Mr le Pr parlait de ses reconstructions et j’ai osé demander les délais... parce que moi j’avais besoin de savoir quand j’allais savoir quand j’allais être opérée... vous me suivez ?
Dans la semaine j’avais une date. Dans 3 semaines (alors qu’on m’annonçait des délais de 12 mois !). Je revois le Pr L. « Bon vous êtes contente ? Vous allez être opérée ? » Je suis folle de joie, cette opération je l’attends depuis 21 mois. Enfin avoir de nouveau 2 seins.
« Donc on vous opère le 24/10. Mais ce sera pas moi. ». J’ai l’impression qu’on vient de me retirer la chaise sur laquelle je suis assise. Je suis venue là pour lui. Parce qu’il a une réputation comme on dit. Mais ce sera qui alors ??? « Le Pr H. Il est très bien ».
Ok. Bon.
Le 24 à 7:30 je descends au bloc. Les marquages ont été faits la veille par l’interne. Je flippe un peu. Je suis à poil sur une table de bloc les bras en croix. Ça s’affaire autour de moi. Arrive un mec qui baisse son masque ...
« bonjour, je suis le Dr D., le Pr H. Ne peut pas être là, c’est moi qui vait vous opérer » Hein ? Quoi ? Mais c’est quoi ce bordel ? « Je comprends Madame, vous avez raison, vous le direz au Pr H. »
Putain tout s’agite dans ma tête, c’est l’opération de ma vie, j’ai jamais vu ce mec, je ne sais plus rien, je sens que je pars, je pleure, je suis morte de trouille, ils ont poussé la seringue les cons... noir... trou noir...
Je me réveille... il est 18:00. Je viens de passer 10 heures au bloc. Je vais passer la nuit en salle de réveil. Je regarde mes seins... putain il a fait quoi ?...
A gauche : une espèce de semblant d’aréole avec des sutures partout, le greffon est sous la peau avec un tortillon qui ressort et qui est sensé ressembler à un mamelon. C’est moche. A droite le greffon est posé à plat. Un patch en forme de ballon de rugby. C’est moche.
Le décor est planté. Je vais accélérer.
J’ai mal derrière la tête, y’a un truc qui me gêne je passe la main : j’ai une bosse de la taille d’un œuf de poule... Ils m’ont faite tomber ou quoi ? Je saurai plus tard —> pas mobilisée pendant 10h au bloc = escarre du cuir chevelu.
Le greffon de gauche donne des signes de faiblesse au Doppler, il faut faire sauter des points. L’interne commence à s’installer, l’infirmière lui demande de mettre une charlotte pour le soin, elle refuse, c’est pas la peine. Devant mon insistance elle finira pas s’exécuter.
« Mais c’est pour vous faire plaisir » Putain je rêve !!!
Je retourne dans ma chambre le lendemain matin. La douleur est là. Atroce. J’ai pris un 38 tonnes dans le thorax. Je respire au minimum. Si jamais je chope une bronchite je crève noyée dans ma morve. Impossible de tousser.
Morphine est ma meilleure amie. Et mon coussin d’allaitement qui me permet de me caler pour dormir. Par petits bouts. J’ai des bas de contention pneumatiques ! Oui msieurs dames, pneumatiques ! Ça fait un bruit de dingue. Ça gonfle et ça dégonfle. Nuit et jour.
Je peux me lever au bout de 3 jours. J’ai 80 ans. J’ai des drains de partout. Sous les bras et dans les aines. 6 en tout. Avec un flacon au bout de chaque. Je suis comme une bagnole de fin de cortège sauf que c’est pas des casseroles.
Je descends à la cafète. J’ai trop mal. Mais j’irai au bout. Mon amoureux est là. Ma mère. Je peux pas lâcher devant eux. Mais en bas je pleure. Je pleure en silence. Les larmes roulent. J’ai si mal. Je ne m’en remettrai jamais. Je ne redeviendrai jamais comme avant.
Les jours passent. Toujours avec morphine. Ça fait 5 jours. 5 jours que... oh putain de merde. Ça fait 5 jours que je ne suis pas allée aux chiottes bordel ! Parce que personne n’a pensé à me filer un plateau fibres, ou un laxatif, ou je ne sais quoi pour éviter ça...
Et maintenant je dois chier un parpaing bordel !!! Bon. Je vais pas rentrer dans les détails ça a été une boucherie. Et il a fallu que je hurle après au bureau des infirmières pour avoir un truc pour me soulager du carnage (allez y faites vous des films, en vrai c’est pire).
Merci à toi Aminata qui me fera, sans prescription, une intra rectale de Xylocaine... si tu savais comme tu as été mon soleil.
Bon. Et maintenant la fièvre ! Oui oui. Je rajoute à l’histoire l’infection nosocomiale à staph aureus. Sinon c’est pas drôle. En même temps avec des drains accrochés au cul sans pansements ça devait arriver.
Avec tout ça, moi qui devait être là pour 5 jours ça en fait maintenant 12. Dimanche. « Je vais vous transfuser Madame, vous avez 6,8g d’hémoglobine. » Ok. Elle pose sa ligne de transfusion.
Par contre va falloir poser une 2e vois parce qu’avec les antibiotiques...
Panique dans ses yeux. Elle part. Revient. Arrête tout. Là aussi je fais vite. En fait la transfu était pour la dame de la chambre d’à côté. Elle s’est gourée. L’hematovigilance me dira que j’ai eu de la chance.
Mention spéciale au gros con qui m’a demandé pourquoi je m’étais laissée faire ! J’vous jure.
Bref. J’ai fini par rentrer chez moi au bout de 15j. Avec des soins à domiciles parce qu’il y a eu une merde sur le greffon de gauche dans lequel on a retrouvé du Pyocyanique. Et des séances de contrôle dans le grand hôpital parisien.
Rendez vous avec Pr L. qui me promet que pour le lipofilling il sera là. C’est la suite du programme : liposuccion et re injection de la graisse dans les seins. Promis ce sera lui.
Jour J. On est 7 mois plus tard. Je descend au bloc. Je flippe. Je bats à 140 au moins. Je veux voir le chirurgien avant qu’on m’endorme pour être sûre.
J’insiste. L’anesthésiste pose sa seringue et décroche le tel. Le chir arrive, baisse son masque. « Oh bonjour Mme. C’est moi Dr D., le Pr n’est pas là... ». J’aurais dû tout arracher et partir en courant. J’aurai du. J’étais un juste putain de lapin dans les phares.
Tétanisée. Incrédule. Ils ont poussé la seringue. Noir... trou noir....
Je me réveille. J’ai mal à la hanche gauche. Je voudrai bien toucher pour me soulager mais je suis entravée. J’ai les poignets attachés au brancard bordel !!! J’ai l’impression de vivre un cauchemar.
L’infirmière me détache. Je touche. J’ai un melon charentais sur la hanche. L’infirmière lève le drap : j’ai un hématome de la taille d’un ballon de handball !!! Elle appelle ce connard de Dr D. qui fera faire le sale boulot par son interne et son externe.
Spoil : séquence gore. Ces 2 là vont littéralement m’essorer l’hématome à 2 mains, comme ça. Pour évacuer le sang. Devant tout le monde. Je suis à poil sur mon brancard. Pas de paravent. Devant les autres patients. Ça gicle. Ça coule.
L’abruti d’interne remet un petit coup de scalpel à vif, parce que l’orifice est pas assez large. « Ça va Madame ? ». Désolée mec, je te répond pas parce que si j’ouvre la bouche je te mange les yeux et je te défigure avec mes dents !
Ils terminent leur boucherie... je sais pas comment mon cerveau n’a pas fait un black out de tout ça.
Allez zou au fauteuil. Une biscotte et un jus de pomme, on est en ambulatoire, vos ordonnances, au revoir madame.
Arrivée à la voiture, j’ai du sang plein mon jean. Mais pas grave, on rentre bordel, on rentre. Si je repasse les portes de cet hôpital j’en ressors les pieds devant, ils vont me tuer c’est pas possible.
Je vais à la pharmacie. J’ai une ordonnance de gaine de contention. La pharmacienne m’apprendra que la prescription aurait dû être faite avant l’intervention car ça se pose au bloc ! c’est sur mesure il y a un délai de fabrication de 5 jours mini. Ah. Super.
Mes premières douches j’ai l’impression qu’il y a eu chasse au thon sans ma salle de bain, la plaie va saigner pendant des jours. Je vais avoir des soins encore quelques semaine.
Depuis j’ai déménagé. Loin. Je n’ai plus jamais mis les pieds dans le grand hôpital parisien. J’ai porté plainte. 4 ans que la procédure est ouverte. J’attends.
La reconstruction est restée au point mort. Mon corps est toujours en chantier. A moitié mort. J’ai pu enfin reprendre mon travail. Différemment forcément. J’aimerai finir. J’aimerai remettre des soutifs. C’est con hein ? Mais la peur de retomber sur des charcutier est trop vive.
Au final en haut de chaque cuisse j’ai une cicatrice en arc de cercle qui va de l’avant vers l’arrière (ou de l’arrière vers l’avant, ça change pas grand chose), de 26cm. VINGT SIX CENTIMÈTRES ! DE CHAQUE CÔTÉ !
Et trop basses pour être cachées dans l’élastique de la culotte sinon c’était pas fun.
A l’étage supérieur j’ai 2 bouts de gras sur le thorax qui ressemblent à rien...
J’ai pris du poids. Beaucoup. Peut être pour noyer le tout dans la masse. Va savoir.
J’aimerai tant avoir de nouveau confiance et confier mon corps à quelqu’un qui saura réparer... si c’est encore possible.
Si tu as lu jusqu’ici... merci. Désolée j’ai été longue. Mais la rage a mis du temps à trouver ses mots.
Et mes excuses pour les quelques fautes... j’ai voulu aller vite (et c’est raté)
Ah. Juste une mention spéciale pour le Dr D. qui, le jour où j’ai enfin pu réveiller le lapin tétanisé (vous me suivez) qui était en moi et lui dire ce que je pensais, s’est justifié en me disant (attention c’est du lourd) :
1: « mais comprenez, moi c’est la première fois que je faisais ça tout seul, on m’a prévenu le matin même j’étais pas au courant »... donc bloc de 10h et t’es pas préparé quoi... putain je veux pas le savoir...
2: « vous vous rendez compte qu’on a opéré de 8:00 à 18:00, j’étais claqué, j’ai même pas mangé » Alors là... comment vous dire... dans ma tête je me suis dit putain ma belle t’es tombée sur un champion du monde !
3: « Et puis j’ai vraiment eu du mal avec vous hein, vous avez des veines toutes petites ! ». Ah. Donc limite c’est un peu de ma faute quand même...
Et je vous promets à tous, juré craché sur ce que vous voulez, que tout ceci est véridique. C’est dingue hein ? Mais c’est vrai...
Missing some Tweet in this thread?
You can try to force a refresh.

Like this thread? Get email updates or save it to PDF!

Subscribe to MaryLune🌔
Profile picture

Get real-time email alerts when new unrolls are available from this author!

This content may be removed anytime!

Twitter may remove this content at anytime, convert it as a PDF, save and print for later use!

Try unrolling a thread yourself!

how to unroll video

1) Follow Thread Reader App on Twitter so you can easily mention us!

2) Go to a Twitter thread (series of Tweets by the same owner) and mention us with a keyword "unroll" @threadreaderapp unroll

You can practice here first or read more on our help page!

Did Thread Reader help you today?

Support us! We are indie developers!


This site is made by just three indie developers on a laptop doing marketing, support and development! Read more about the story.

Become a Premium Member and get exclusive features!

Premium member ($30.00/year)

Too expensive? Make a small donation by buying us coffee ($5) or help with server cost ($10)

Donate via Paypal Become our Patreon

Thank you for your support!