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La Bio au Labo @laBioauLabo
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Les lacs présentent cette particularité (par rapport aux rivières par exemple) d'être des milieux avec peu de courants qui favorisent la sédimentation des particules. Parmi ces particules, des dépôts allochtones (externe au lac) et des dépôts autochtones (en provenance du lac).
D’ailleurs vous avez une idée de combien se dépose de sédiment dans un lac tel que le Léman ?
Je vous donne la réponse en début d'aprem !
Et pour le lac d'Annecy, qui est 80 fois plus petit en volume, est-ce que la quantité de matière détritique sera selon :
Cet archivage naturel de la vie du lac et des alentours fournit un grand potentiel pour les études rétrospectives : on peut retracer l'histoire des lacs sur des centaines ou milliers d'années. Pour cela, les paléolimnologues échantillonnent une carotte de sédiment.
En fonction de la taille de la carotte, on couvre plus ou moins de temps. Cela dépend du taux de sédimentation du lac (que je vais vous donner en début d'aprem).
Cette info peut-être obtenue de plusieurs façons :
1) en installant une « trappe à sédiments » dans le lac (on va capturer une quantité connue de sédiments pour une période connue)
2) en datant le sédiment puis en faisant l’hypothèse que le taux de sédimentation a été constant
Bon en fait tout ça c’est bien compliqué, et on n’a même pas commencé à parler de biologie 😩 ! On s’entoure d’experts en la matière : les sédimentologues.
J'ai travaillé pendant ma thèse avec @SGirardclos de l'@unige_ise et des chercheurs du laboratoire @edytem_fr @CNRS
Un sédimentologue, lorsqu’il ouvre une carotte, commence par la photographier, car il pourra tirer une quantité d’informations rien qu’en la regardant. 🧙‍♀️🧙‍♂️
Un exemple, pour ceux qui veulent essayer avant midi.
Si je vous donne cette carotte du lac de Varese (en Italie) à étudier, qu’est-ce que vous pouvez m’en dire ?
Indice : servez vous des changements de couleurs.
Et très important : il va noter les potentiels dépôts instantanés. Ce sont des événements de crues ou des glissements sous-lacustres par exemple. Il faut identifier ces événements pour pouvoir les retirer et obtenir une bonne chronologie.
Extrait d'un poster qu'on avait réalisé :
Les crues de rivières transportent des masses plus importantes que ce que le régime de la rivière naturel le peut.
Donc lorsque la granulométrie (la taille du sédiment) augmente, c'est suspect !
Alors oui @SGirardclos et certains de ses collègues de l'@limnogeology ont identifié le dépôt d'un événement de tsunami en 563. C'est passionnant mais je ne développerai pas plus ici 😬
(il y a beaucoup d'infos sur votre moteur de recherche préféré en tapant "tsunami", "léman", et éventuellement "Tauredenum", "Genève")
Maintenant qu'on a notre carotte, il faut la dater. Pour ça je présente 2 méthodes :
1) comptage de varves
2) activité des radioéléments
Mais d'autres méthodes existent comme : Carbone 14 et paléomagnétisme.
1) Pour le comptage de varves, il faut s'assurer au préalable (en datant par la méthode des radioéléments par ex.), que la formation de varves est annuelle. Puis on compte les lamines de haut (échantillonnage) en bas. Ici une carotte du lac de Zurich de @lakesed @EawagResearch
2) On peut aussi se servir de l'activité des radioéléments. Cela permet de dater le sédiment "récent" = une période de ~100 ans. On peut détecter les pics de Césium 137 de la catastrophe de Chernobyl en 1986 et des tests d'armes nucléaires dans les années 1960. 1/...
On mesure aussi le Plomb 210, qui a deux sources : une de la dégradation du Radium 226, et une atmosphérique. On soustrayant la quantité de Radium 226 à la totalité du Plomb 210, on obtient uniquement le Plomb de l'atmosphère, le plomb en excès. 2/...
Le déclin du plomb en excès, car on connait la demi-vie du Plomb (22,3 ans) nous donne la vitesse de sédimentation : c'est de la physique. Petite réflexion logique : quel lac sédimente le plus vite sachant qu'on ne mesure plus de plomb en excès à :
Et nooon, seulement 3 d'entre vous ont trouvé la bonne réponse : le taux de sédimentation est inférieur à 1 cm dans le Léman.
Le substratum du Léman est plus profond que le niveau de la mer actuel (~600m de profondeur). Mais à cause de tout ce sédiment accumulé, la profondeur du lac est maintenant de 309.
On peut aussi avoir des changements de taux de sédimentation dans le lac, comme c'est le cas dans le lac de Varese dans les années 80. Voici le modèle d'âge final réalisé sur une autre carotte de ce même lac. On a observé un changement de taux de sédimentation à 8 cm.
Voici donc pour l'aperçu sur la datation. Encore une fois pour dater sur des temps plus long on doit utiliser d'autres outils (carbone 14 et/ou paléomagnétisme).
Cet aprèm je passerai à la suite, le moment où on bascule de la sédimentologie vers l'écologie 😀.
C'était bien 70 cm 👏👏
J'expliquais dans le premier tweet ce matin que les sédiments sont formés de dépôts auto- et allochtones. Les pollens, les frustules (~enveloppes) de diatomées (phytoplancton), et les restes chitineux du zooplancton se conservent bien dans le sédiment. pollens
Donc une fois que les sédimentologues ont tiré toutes les infos possibles de la carotte entière, on arrive pour la découper en petite tranche derrière (à bah super)
En réalité on fait bien attention à échantillonner autour des événements instantanés (crues, glissement de terrains). Sinon on se retrouve avec un échantillon comme sur la 2nde photo... et sur une échelle de 1 à on supprime par erreur sa dernière sauvegarde de thèse, on est à ~5.
ci on échantillonne une carotte du lac de Côme (Italie). Pendant ma thèse j'ai eu la chance de passer 7 mois à #Verbania, dans le Piémont, grâce à la bourse de mobilité Explo'RA doc de @auvergnerhalpes, merci à eux !
La semaine on a echantillonné une carotte du lac de Tignes. Des collègues vont mesurer l'ADN dans cette carotte donc on a du echantillonner dans une pièce réservée à l'ADN rare. Voici le demi tube en plexiglas, vidé de son sediment en fin de journée !
(je crois qu'il faut que j'arrête les panoramas en intérieur, ou même tout court)
Je n'ai pas de photos sur la paillasse car on ne laisse pas rentrer n'importe quoi dans la pièce. On est aussi habillés en combi, un peu à la mode @ericcapo12 sur ce post :
Pour ma thèse, nous avons du choisir un groupe sur lequel centrer l'analyse, en l’occurrence le zooplancton. Plusieurs raisons :
1) il y a des espèces littorales et pélagiques (pleine eau)
2) ils sont centraux dans la chaine trophique
3) leur identification est ~assez facile~ 😬
Bonjour à tous ! Je reprends où je m'étais arrêtée hier : parmi les différents groupes conservés dans le sédiment, nous nous intéressons au zooplancton, et plus principalement aux cladocères.
(ici une petite daphnie qui fait des pirouettes 🎠)
Avant d'aller plus loin, voici les questions qu'on se pose :
1) Quelles espèces composent l'assemblage du lac ?
2) Est-ce qu'il y a des changements de composition d'espèces au cours du temps ? Là on revient sur l'idée de la bioindication, voir lundi :
3) s'il y a eu des changements, quels sont les changements environnementaux responsables ?
4) est-ce que nous pouvons détecter des "signaux d'alertes" avant que les écosystèmes ne soient impactés ?
Donc la première étape, c'est bien d'identifier l'assemblage. Pour ça, on retrouve dans le sédiment des parties de carapaces du zooplancton. Les cladocères ont cette carapaces en chitine, qui se conservent bien dans le temps. Quelques photos de fragments de cladocères :
Pour ça, on prend un morceau de notre sous-échantillon de sédiment (entre 22 et 23 cm de la carotte totale par exemple), et on le met dans un bain chaud de KOH pendant 30-40 minutes. Là on dégrade la matière organique, ce qui est assez pratique pour y voir qqchose ensuite #ProTip
A la fin du bain, on nettoie l'échantillon à travers un tamis de 31 µm. Tout ce qui est plus grand est retenu. Puis on fait un bain de HCl pour dissoudre les carbonates : CaO3 + 2HCl → CaCl2 + CO2 + H2O
Dans certains lacs très carbonatés comme le lac de Joux ça bulle fort !
On tamise à nouveau, on colore l'échantillon (safranine ou autre), et c'est prêt pour être compter. On utilise un microscope, relié à une caméra pour les mesures. Photo du rapport de stage de Mickaël Nicolas en 2008, parce que je n'en ai pas à portée de clics.
Les échantillons sont plus ou moins bien conservés, et il faut prendre l'habitude de reconnaître les restes de cladocères parmi ce qu'on retrouve. Ici c'est une griffe de Daphnie (voir le GIF plus haut), mais seulement une moitié. Je vous en ai mis une entière et jolie en 2ème 📸
Pour certaines espèces on retrouve plusieurs parties, tandis que pour d'autres seulement certains fragments. Donc on est obligés de ramener le nombre de restes à un nombre objectifs d'individus.
En effet, le taux de sédimentation est indépendant de la taille, mais plutôt lié à la productivité du lac qui peut augmenter le nombre de dépôts, le nombre de rivières (qui peuvent apporter du sédiment), etc.
Sur le Léman, nous avons reconstitué l'assemblage de cladocères sur 1450 ans à partir d'une carotte de 4,20 m.
Nous avons observé une grande stabilité écologique du lac (malgré la variabilité climatique), perturbée il y a ~70 ans par l'eutrophisation.
Tout le monde situe à peu prêt le concept d'eutrophisation ? 📖 processus par lequel des nutriments s'accumulent dans un milieu ou un habitat (terrestre ou aquatique).
La page #Wikipedia : fr.wikipedia.org/wiki/Eutrophis…
Svp, posez vos questions si c'est pas clair 🙏
L'eutrophisation est une problématique locale (pour une ville, ou un ensemble de villes par exemple), avec une répartition globale (le problème se pose partout). C'est l'ennemi #1 des ressources d'eau douce, avec des conséquences sur la biodiversité
Comment savoir si les fluctuations des populations humaines n'ont pas impacté le niveau trophique du lac par le passé (avant 1900) ? On peut utiliser des proxys pour reconstruire le niveau de phosphore (élément limitant du développement algal en conditions normales - non eutroph)
C'est encore sur le principe de la bioindication (mais ils savent faire qu'un truc ces écologues ??)
Puisque le niveau de phosphore impacte la communauté algale, on reconstitue l'assemblage dans le passé pour déceler des modifications de compositions.
Auparavant, on a calibré une fonction de transfert. Voir schéma ci-dessous issus de mon manuscrit de thèse : on sait que pour tel assemblage, on a tel concentrations (partie bleue). On projette ces connaissances pour inférer le niveau dans le passé (partie rouge).
Je n'ai pas préparé moi-même les lames de diatomées, c'est Aldo Marchetto, un collègue du CNR-ISE de Verbania (Italie), qui s'est occupé de cette partie. Comme beaucoup d'animateurs le disent : on travaille souvent en équipe.
On sait que les rives du Léman ont été occupées depuis plusieurs milliers d'années, comme en témoignent les sites palafittiques. Mais nos résultats indiquent que c'est à partir du XXe siècle que cette activité a modifié le lac.
Un document très complet : unige.ch/forel/files/84… Site palafittique Léman. Source: wikipedia
On se retrouve donc avec nos comptages, par épaisseurs de sédiment. Ci-dessous un exemple simplifié.
Pour identifier les paramètres environnementaux (eutrophisation, climat, autres?) responsables des modifications écologiques, on utilise des outils statistiques "classiques" en biologie : ACP, modèles linéaires (LM) et modèles additif généralisés (GAM).
Si vous voulez que je vous en dise sur le fonctionnement de l'ACP par ex, ❤️ ou 💬 à ce tweet. Je prends la peine d'expliquer si ça en intéresse au moins 10 d'entre vous (on sent la flemme du jeudi soir)... Ca vous va ? Une réponse avec un bon argument compte double 😉
Ensuite je réalise mes analyses sur le logiciel open source R, avec l'interface R studio.
Alors oui la courbe d'apprentissage de R est très ingrate, mais ça vaut tellement le coup ensuite ! Les stages & la thèse sont de bonnes occasions de s'y mettre 😉
Mais il y a énormément de ressources en ligne, et des nouveaux tutos qui sont postés tous les jours. Voir par exemple en français les blogs de @blog_SLR ou @LVaudor.
Une fois que vous avez appris à poser les bonnes questions (en 🇬🇧 de préférence) sur votre navigateur, vous trouvez toujours quelqu'un qui a eu le même soucis que vous avant. Mais il faut voir R comme une langue étrangère dont il faut apprendre la grammaire et le vocabulaire.
Voilà, je pense que c'est tout ce que je peux vous dire pour le labo et la paléo-écologie ! Voici en très gros une répartition de mon temps : il y a finalement très très peu de terrain en comparaison du temps analytique puis de l'interprétation des données.
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