Quelques notes sur l'iconographie de la Nativité et son développement des origines au début du XVIe siècle.
⬇️⬇️⬇️ (fil à dérouler) #JoyeuxNoël
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Les 1ères représentations de la Nativité se trouvent sur des sarcophages sculptés d'Italie et de Gaule des IVe et Ve s. Elles sont centrées sur la crèche, où l'enfant langé repose à l'abri d'un auvent, encadré par le bœuf & l'âne. Marie est souvent présente, Joseph plus rarement. 
En Orient, en Syrie & en Égypte, Joseph est assis, songeur, & Marie allongée sur une couche, tandis que la crèche est surélevée au second plan, semblable à un sarcophage (préfiguration de la Passion) ou à un autel (le Christ est le "pain de vie" et Bethléem, la "maison du pain").
Autre caractéristique de l'image orientale de la Nativité : la place qu'y tiennent des éléments tirés des évangiles apocryphes (surtout le protévangile de Jacques), comme par exemple la scène du bain de l'Enfant, préfiguration du Baptême du Seigneur lors de la Théophanie.
Des apocryphes aussi le cadre où prend place la Nativité : une grotte au cœur de la montagne, qui symbolise la descente du Verbe dans l'humanité. L'image byzantine, fixée vers le Xe s., synthétise les apports orientaux. Elle aura une forte influence en Italie jusqu'au XIVe s.
L'époque carolingienne est marquée, en Occident, par une volonté de renaissance antiquisante. Les modèles tirés des sarcophages romains sont repris & copiés. De l'Orient se maintient la centralité de la crèche & son interprétation mystique comme figure de l'autel eucharistique.
En Allemagne, sous l'ère ottonienne (Xe-XIe s.), l'effort carolingien se poursuit. La scène de la Nativité - svt couplée à celle de l'annonce aux bergers - s'inscrit ds une architecture qui rehausse sa dignité, quand la présence angélique + marquée souligne son caractère divin.
L'époque romane & le 1er gothique voient l'apogée de l'interprétation mystagogique de la Nativité. La crèche est désormais totalement assimilée à l'autel eucharistique, & se trouve de ce fait entourée des objets qui décorent les sanctuaires : luminaires & tentures liturgiques.
À l'époque romane se développe aussi l'exégèse typologique, cad la mise en rapport de la scène de la Nativité avec des épisodes vétéro-testamentaires qui en éclairent & en enrichissent le sens : Moïse & le Buisson ardent (Ex 3:1-6) & Gédéon & le signe de la toison (Jg 6:33-40).
Cependant, l'expansion rapide des ordres mendiants au XIIIe s. entraîne une inflexion de l'iconographie de la Nativité. Le hiératisme ancien s'amenuise, tandis que le franciscanisme insiste sur l'humanité du Christ & développe un piétisme individuel mu par le sentiment religieux.
L'Enfant quitte sa crèche-autel. Sa mère entre ds une relation active avec son Fils : elle le prend dans ses bras ou lui donne le sein. Joseph, auparavant retranché dans sa méditation solitaire, allume un feu pour réchauffer l'Enfant & sa mère ou préparer le repas de la famille.
C'est au début du XIVe s. qu'apparaît un changement majeur dans l'iconographie occidentale de la Nativité : on passe de l'image de la Nativité au sens propre à celle de l'Adoration de l'Enfant, d'une image mystagogique à une image de dévotion qui s'adresse à la piété personnelle.
Marie quitte sa couche, se met à genoux, les mains jointes ou entrecroisées sur sa poitrine, en posture d'adoration &, dans une prière silencieuse, contemple son Fils qui gît désormais sur le sol. Cette nouvelle iconographie connaît un développement rapide en Italie au XIVe s.
Deux ouvrages de dévotion du milieu du XIVe s., très diffusés, contribuèrent au progrès rapide de la nouvelle iconographie de l'Adoration de l'Enfant. Il s'agit des «Meditationes vitæ Christi» du franciscain Jean de Caulibus & des «Révélations» de saint Brigitte de Suède.
Dès le début du XVe s., la nouvelle iconographie gagne la France & l'Allemagne. Mais ce sont les peintres primitifs flamands qui la portent à sa perfection, joignant à une piété intense un réalisme minutieux où chaque détail cache une signification spirituelle ou théologique.
Robert Campin joint à l'Adoration une scène, rare en Occident, tirée des apocryphes. Une sage-femme, qui n'a pas cru ds le mystère de la nativité, a vu se flétrir sa main & en retrouve l'usage quand elle confesse sa foi. Le tout sous un lever de soleil radieux & symbolique.
T. Bouts & P. Christus encadrent leur Adoration d'un portail gothique sculpté qui leur permet d'enrichir le sens de la Nativité, soit comme point de départ de la Passion salvatrice (Bouts), soit comme aboutissement purificateur du péché originel & de ses conséquences (Christus).
Dans le Retable Bladelin de Rogier Van der Weyden, la colonne proéminente qui sépare Joseph de Marie & de son Fils s'explique par les «Meditationes vitæ Christi», qui affirment que la Vierge s'appuya sur une colonne pour enfanter le Christ, «sans accident & sans douleur».
La chandelle que tient Joseph illustre son rôle de protecteur de l'Enfant, «lumière du monde» (Jn 1:4). Mais ce détail s'explique aussi par les «Révélations» de sainte Brigitte, qui décrivent Joseph portant une lumière dont l'éclat fut anéanti par la splendeur divine de l'Enfant.
Ds le panneau central du triptyque Portinari d'Hugo van der Goes, l'œil est attiré par la présence singulière des vases garnis de fleurs du 1er plan. Dans celui de gauche, 2 lys rouges symbolisent la Passion, et 3 iris le glaive qui doit percer le cœur de la Mater dolorosa.
La gerbe de blé derrière les vases fait référence au «pain de vie » du mystère eucharistique, tandis que la chaussure à gauche, derrière les anges agenouillés, renvoie à l'interprétation typologique de l'épisode de Moïse & du Buisson ardent (cf. Ex 3:5). Une forêt de symboles...
À la fin du XVe s. se développe le thème de la Nativité nocturne, qui joue sur le contraste entre les ténèbres de minuit - heure où naquit Jésus selon les «Meditationes» - et la splendeur divine irradiant de l'Enfant nouveau né, «vraie lumière qui éclaire tout homme» (Jn 1:9).
