Thread by @AStrochnis

Ça fait longtemps que je le repousse, mais cet après-midi, je prends le temps de vous parler de déconstruction de centrales nucléaires #Thread

D'abord un peu de vocabulaire. Le démantèlement est l'ensemble des opérations physiques, destructives ou non destructives, conduisant à l’élimination d’équipements ou de structures, implantés dans des bâtiments ou zones nucléaires.

La déconstruction est l'ensemble des processus conduisant dans le temps à l’élimination totale d’une installation, à partir de sa mise à l’arrêt définitif.
Là où le démantèlement ne concerne que la partie nucléaire de la centrale, la déconstruction concerne la totalité d'icelle

Donc la déconstruction d'une centrale, c'est le démantèlement, plus la démolition des zones non nucléaires (et il y en pas mal). La déconstruction se fait en plusieurs étapes, permettant d'atteindre différents niveaux.

La première étape, c'est la mise à l'arrêt définitif, MAD pour les intimes. On décharge le combustible, on vidange tous les circuit, et on peut commencer à préparer les chantiers (formations du personnel, aménagement des locaux, ...).

Pendant ce temps, EDF prépare également un dossier pour demander l'autorisation de procéder aux opérations de démantèlement. Car tant que l'ASN n'a pas autorisé ces opérations, EDF n'a pas le droit de démanteler.

Cette instruction prend plusieurs années, et à la fin est publier un décret de démantèlement, qui autorise l'exploitant à procéder aux opérations. A noter qu'à l'issue des opérations de MAD, 99,9% de la radioactivité est éliminée.

Au moment de la parution du décret, on est arrivé au niveau I. Puis on démantèle les bâtiments nucléaires - sauf le bâtiment abritant le réacteur - et les bâtiments conventionnels restant. Une fois que c'est fait, on est arrivé au niveau II.

Et enfin on démantèle le bâtiment réacteur. On est arrivé au niveau III. On prépare également le terrain pour l'après. On parle d'un retour au vert s'il n'a pas vocation à être réutilisé (cas de Brennilis en Bretagne) ou au gris si on veut reconstruire quelque chose dessus.

La volonté d'EDF est que les phases de démantèlement se fassent, pour les réacteurs REP, en 15 ans à partir de la parution du décret. Entre l'arrêt de la production et la parution du décret, il peut se passer 5 ans. On aurait donc un démantèlement en une vingtaine d'années.

J'entends déjà la horde des gens qui sautent sur leurs chaises comme des cabris en criant "Brennilis, Brennilis, Brennilis". En effet, ce réacteur s'est arrêté l'année de ma naissance, et j'ai malheureusement bien plus de 20 ans...

Seulement, ce que je viens de vous décrire là est la doctrine de démantèlement immédiat. Il faut savoir que jusqu'au début des années 2000, la doctrine était celle d'un démantèlement différé. Kézaco?

Alors le démantèlement différé, ça commence comme le démantèlement immédiat, on atteint le niveau I et après, ben après on attend entre 25 et 50 ans pour le reste. Mais pourquoi donc me direz-vous?

Tout simplement pour attendre la réduction de la radioactivité. Un chantier moins dosant, c'est plus facile à gérer et c'est moins cher. En plus, attendre 50 ans, ça permet d'étaler les provisionnements des sommes.

Par contre, on n'est pas à l'abri des évolutions réglementaires, il faut pouvoir continuer à surveiller l'installation et du point de vue de l'opinion publique c'est pas terrible. Le choix a donc était fait de changer de paradigme et de passer au démantèlement immédiat.

Ce changement de stratégie a été gravé dans le marbre en 2009. Or les réacteurs en cours de démantèlement ont été arrêtés entre 1973 (Chinon A1) et 1997 (Superphénix), à l'époque de la doctrine de démantèlement différé. Ce qui explique pourquoi ces réacteurs sont encore debout.

Fin de la première partie, on se retrouve après une courte page de pub, pour parler finances.

Pour celles et ceux qui voudraient aller plus loin, vous pouvez aller lire ce guide de @ASN :
asn.fr/Informer/Dossi…