#Thread #VisMaVieDeFlic au coeur de la #manif des #GiletsJaunes du #1erDecembre à #Paris et aux alentours des #ChampsElysee. Si tu veux savoir comment ça s'est déroulé derrière mes yeux de #Flic et tout simplement te mettre dans la peau de tous ces hommes et femmes de la #Police
Samedi matin, je prends mon service très tôt en #BAC sur un arrondissement parisien. Au bureau en train de prendre l’indispensable café, nous débattons avec mon groupe sur la #manifestation du jour.
Très vite, nous pressentons que les tensions vont être grandes et redoutons surtout les débordements. Il faut savoir cependant que de notre côté, nous ne sommes pas prévus dans le dispositif sur les #Champs. En revanche, le groupe d’après midi/soirée doit avoir une prise avancée
(Comprenez qu’ils vont commencer plus tôt leur vacation) en prévision de leur déploiement sur le dispositif (vers 14h00). Nous pensons donc être « tranquilles » et faire nos patrouilles comme à l’accoutumée.
Sereins mais pas naïfs, on a tout de même embarqué dans le coffre un simulacre de matériel de protection MO (maintien de l’ordre). A savoir des casques administratifs (mais surtout des casques perso de moto ou vélo), des protèges tibias, des lunettes de protection (perso),
Des caches cou (perso), des gants coqués (perso). Et ce qu’on appelle des AFI (armes de force intermédiaire) : tonfa, bâton de défense télescopique, aérosol lacrymogène, GMD (grenade à main de désencerclement), lanceur LBD 40 fournis par l’administration.
Autant dire, pas grand chose puisqu’il n’y en a pas suffisamment de matériel pour la #BAC d’aprèm, on a dû répartir.
Dans la bagnole, on écoute les ondes de l’ensemble de Paris. On entends que ça commence déjà à « chauffer » sur le 8ème, notamment aux abords de l’Arc de Triomphe
Machinalement, on lance #BFM sur nos portables. Et là, on voit que les débordements ont déjà débuté. Néanmoins, la situation semble être contenue et maîtrisée. Rassurés, on poursuit notre patrouille.
10h00 : un premier appel sur les ondes du district qui nous demande d’effectuer une reconnaissance sur un secteur sensible et de leur transmettre une « physionomie » (comprenez que nous devons décrire ce que nous voyons).
Nous nous rendons sur place en toute discrétion et constatons que le secteur est très calme. RAS.
10h15 : nouvel appel sur les ondes du district qui nous demande de nous rendre très rapidement à un point de chute pour débrief avec d’autres #BAC et un officier qui nous supervisera
Débrief effectué, nous sommes tous attendus « VITE » secteur #Etoile et #Champs. Sur les ondes, des collègues #CRS demandent des renforts urgents PARTOUT : on ressent la panique et la peur dans leur voix. On s’y rend en convoi, on se gare, on met pied à terre.
On commence à s’équiper en protection (je rappelle que nous sommes habillés en « CIVIL » avec nos fringues perso). Et là, alors que les portes et coffres des caisses sont ouverts et que nous ne sommes pas totalement équipés, un groupe de #GiletsJaunes débarque de nulle part.
Sans que nous en ayons été avisés via les ondes et sans connaître leurs « intentions ». Putain, on n’est pas prêts ! On laisse tomber les protections, certains n’ont pas le temps de mettre un casque ou de sortir leur bouclier souple, ou même d’enfiler le deuxième protège tibia.
J’ai le palpitant à 1000, je me dis « ça y est, on va se faire défoncer la gueule, c’est parti ».
On ferme les caisses, on commence à se placer devant pour tenter de les protéger un minimum, et là, le groupe passe devant nous. Pas un seul geste hostile, pas une parole outrageante
Ou insultante, à peine un regard en notre direction. De VRAIS #GiletsJaunes. Certains nous saluent, nous souhaitent « bon courage », nous préviennent que « ça commence à chier », nous informent juste vouloir rentrer dans le périmètre des #Champs en trouvant l’accès le - dangereux
Les ondes nous appellent quelques rues plus loin, on récupère les voitures et on s’y rend. On les laisse (sans savoir comment on va les retrouver), on nous demande de nous placer dans une perpendiculaire proche de l’#ArcDeTriomphe afin d’éviter que les casseurs ne s’y rendent.
A peine arrivés, nous sommes une trentaine de « baqueux », on s’exécute au commandement de former des colonnes de chaque côté. On sent immédiatement les gaz lacrymogènes, le nez pique, les yeux brûlent et s’humidifient. Certains collègues commencent à tousser et à cracher au sol.
Ouai… On n’est pas #CRS, le MO on n’en fait pas tous les jours. Mais très vite, on s’habitue, alors même que nos protections sont spartiates voire inexistantes. On progresse doucement dans la rue, ça hurle, ça crie, on perçoit au bout la Place de l’Etoile,
Tte l’agitation qu’il y règne sans pr autant savoir ce qu’il s’y passe exactement. Arrivés quasiment à l’angle, des individus déboulent d’un coup, casqués,porteurs de masques à gaz,lunettes de protection, vêtus tt en noir, il se met à pleuvoir des projectiles de tte sorte s/ ns :
Pavés, boulons, vis de chantier de 15cm de long (tête de vis d’un diamètre de 5cm), bouteilles en verre, chaises, poteaux métalliques, barres de fer, etc..Certains n’hésitent pas à s’avancer pr venir au contact des collègues porteurs du bouclier, tentent de leur porter des coups
Ac des battes de baseball, bâtons, barres de fer, etc..Ns sommes le gibier, ce sont les chasseurs… On les repousse avec vigueur, on charge, on court, on crie, on attrape les collègues, on ne se lâche pas. On est ts collègues certes, mais on ne se connaît pas ts personnellement.
Mais là, il règne une cohésion extraordinaire, fraternelle, entre ns ts dès le début. Il doit être à peine 11h00, on vient seulement d’arriver et on sent que la journée va être longue, très longue. Les casseurs repoussés, rebroussent légèrement chemin ms veulent marquer le coup :
Ils retournent une voiture 10 mètres plus loin en 2 secondes, y balancent un cocktail molotov et elle prend feu sous nos yeux ahuris par la scène. Clairement, on ne s’y attendait pas. Ils nous narguent, hilares et surexcités, assoiffés de sang et de violence.
Ils veulent en découdre, il n’y a aucun doute là dessous : ils le scandent, ils le miment (effectuant des gestes d’égorgement en notre direction). Je n’ai jamais assisté à pareille violence, aussi concentrée en quelques minutes,
Faisant face à des individus qui veulent ma mort et celle de mes collègues et qui ne s’en cachent pas. A ce stade, notre tort est seulement d’être identifiés #Police et de vouloir (du moins essayer) rétablir l’ordre face au déferlement anarchique dont nous sommes témoins.
Notre rôle n’est pas tant d’interpeller mais plutôt de préserver l’intégrité des biens et des personnes.
Arpentant les rues du 8ème, étant propulsés de points stratégiques en points stratégiques, au coeur des casseurs, souvent devant les #CRS ou #GM, nous nous regardons tous.
Hagards, abasourdis, hallucinant des scènes de guérilla urbaine auxquelles nous sommes confrontés. On n’en revient pas, aucun de nous n’a jamais vu ça, pas même les plus anciens. Des voitures, des magasins, des banques brûlent tout autour de nous, le sol est jonché de verre,
De pavés, de projectiles divers, les sirènes hurlent de toute part et résonnent dans ma tête, des explosions se font entendre au loin mais parfois se déclenchent à 2 mètres de moi. On a chaud alors que nous sommes trempés par la pluie qui s’est invitée, nos visières sont embuées
Et pleines de gouttes d’eau obstruant notre vue, les casques nous pèsent sur le front et la nuque, nos mains sont crispées sur nos télesco/tonfa, nos yeux effectuent des 360°, on est à l’affut, nos respirations sont fortes et haletantes, le rythme cardiaque à 180 puls’.
Sur le Bd Haussman et le Faubourg Saint Honoré, on a la sensation d’être dans les tranchées. Des bagnoles en feu de part et d’autre, des barricades enflammées en pleine voie, un incendie se déclare dans un préfabriqué de 10 mètres de hauteur, avec des manifestants à l’intérieur.
La fumée épaisse et noire nous enveloppe plusieurs minutes : on ne voit plus rien. On s’agrippe aux collègues, on se parle : « T’es là ? Je vois rien devant, fais gaffe ». On se sert les coudes, solidaires : « On avance ensemble, à la vie, à la mort les gars, on lâche rien ».
Il y a un tel esprit de corps, une telle cohésion, que nous avons la sensation d’être invincibles. Mais ce sentiment ne dure que quelques secondes.
Sur une Place, donnant sur le Faubourg Saint Honoré et la rue de la Boétie, près d’une Eglise, on sécurise chaque angle. Les #BAC d’aprèm nous ont rejoints, on est environ 70. En moins de 5min, nous nous faisons encerclés de toute part, par environ 500 black blocs et casseurs.
Ils dressent des barricades dans notre dos, les projectiles tombent d’un seul coup du ciel, alors que nous pensions avoir un peu de répit. Pas de #CRS ou autre unités mobiles aux alentours. On est seuls. Ordre nous est donné de « récupérer le terrain ».
On respire un grand coup, « allez les gars, on y va ! ». Au fond de moi, je me dis que ça va être un carnage, qu’on court droit au casse-pipe et qu’on devrait refuser. 70 face à 500. Sauf que les 500 ont une volonté de donner la mort, du moins une grande partie. Pas nous.
« Et puis merde ! Je vais pas rester là alors que la Capitale de mon pays se fait saccager, piller, détruire, incendier ? Je vais pas laisser mes collègues tombés un par un ? Et puis je vais pas me laisser faire tout court ! »
On y va, la fleur au fusil, ça fait déjà 5h qu’on est sous tension, sans manger, sans pause, sans boire. Mais on y arrive, on les repousse, ils se regroupent un peu plus bas, on procède à quelques interpellations des plus virulents.
En attente d’un véhicule pour prendre en charge les interpellés, on nous transmet qu’on va « devoir amener A PIEDS nos interpellés jusqu’au BRISTOL où une compagnie de #CRS nous réceptionnera ». A PIEDS ? Avec une dizaine d’interpellés ?
Non non, je vs assure, ce n’est pas une blague. Les 500 hostiles sont toujours ds les parages et nous voilà descendre le Faubourg Saint Honoré en courant, à 70 baqueux, avec la dizaine d’interpellés que nous entourons pour les protéger. Evidemment, ce qui devait arriver, arriva :
on se fait assaillir et canarder. On court, on ne s’arrête pas, on s’encourage, on couvre les interpellés qui hurlent à leurs comparses d’arrêter de nous caillasser parce qu’ils sont là : ça n’a aucun effet. Sans foi, ni loi. Sans âme.
On voit au loin la compagnie de CRS et leurs véhicules, c’est interminable : mon casque amorti plusieurs projectiles, je suis un peu sonnée, mais je continue d’avancer : je n’ai pas le choix. Je prend un pavé dans le mollet, puis un autre sur la cheville au niveau de la malléole.
e crie de douleur, mais je cours toujours. Un collègue me tire et me dit : « c’est dans la tête, t’as pas mal, c’est dans la tête !!! Avance, continue ! »
On arrive au Bristol, les #CRS sont surpris et ne s’attendent pas à nous voir : nos respirations sont coupées,
J’ai les poumons en feu, ma poitrine explose de peur, de stress, d’adrénaline. J’ai vraiment cru qu’on allait se faire lyncher. On leur explique, ils nous répondent : « mais bordel, nous on est là, c’est super calme, on aurait pu vous aider putain !
Pourquoi on nous a rien dit ? Pourquoi on vous laisse à 70, presque sans équipement, sur les points les plus sensibles alors que nous on se fait chier devant le Bristol à protéger les alentours de Beauvau « au cas où »? »
Ils nous filent de l’eau, des clopes, nous font nous asseoir quelques minutes dans les camions, nous renflouent en munitions pour les LBD, en grenades GMD, en lacrymogènes… On est déjà à sec. Il doit être 16h/17h.
Je reprends mon souffle, je frotte mes hématomes naissants, j’ai le regard dans le vide : je n’en reviens pas. On se regarde encore une fois tous, soulagés d’être tous en vie et sans blessé grave.
On leur remet les interpellés sains et saufs ; et on repart en petite foulée direction les Grands Magasins qui sont menacés d’être vandalisés, pillés et attaqués. Même schéma, même guerre civile. Puis Saint Lazare. La nuit est tombée. La fatigue commence à se faire ressentir,
Les muscles sont endoloris, les douleurs vives des coups et projectiles reçus se réveillent lorsque les tensions retombent quelques instants. La faim, la soif, l’envie de pisser. Saint Lazare est pris d’assaut, on sécurise les arrières d’une CSI :
(Compagnie de Sécurisation et d’Intervention, dont la mission première est la lutte anti criminalité, et non pas le maintien de l’ordre) en unité constituée, en ligne, prête à bondir. Ils chargent, des bombes artisanales leur sont lancées et explosent. Une dizaine de détonations,
Des flammes qui jaillissent, une odeur d’essence et la fumée opaque qui nous sépare désormais d’eux. Dans ma tête, je me dis que lorsqu’elle va se dissiper, on va retrouver un collègue au sol, brûlé vif, en pleine agonie. Miracle, pas de blessé.
Oui, cela relève du miracle et du professionnalisme de tous mes collègues.
Vers 20h, des locaux de Police sont pris d’assaut, attaqués, par une horde déchaînée. On s’y rend tous en catastrophe. Cela fait presque 14h que j’ai pris mon service.
Durant le convoi, vers le boulevard de Courcelles, le convoi est bloqué par des individus barrant la route. Nous sommes donc à l’arrêt. Nos véhicules sont alors pris pour cible, une centaine d’individus nous caillassent, brisent des pares brises, des vitres,
Nous balancent pavés de 2kg, chaises, barres de fer, boulons, vis de chantier. Les projectiles passent parfois à quelques centimètres de nos têtes et atterrissent sur les banquettes arrières ou à nos pieds. Certains collègues sont couverts de verre,
Hésitent à sortir des VL pr affronter ces auteurs de TENTATIVES D’HOMICIDE. Ms très vite, on se ravise : nos collègues ns attendent, eux aussi st attaqués et risquent leur vie.
Encore 1 fois, cela tient du miracle que ns n’ayons aucun blessé face à ce que ns venons de subir.
Finissant par être libérée, je rentre chez moi, entière mais choquée. Mon corps a subi des attaques durant des heures, sans répit. Il a du se défendre pour préserver son intégrité. Je n’ai jamais ressenti pareilles douleurs physiques, d’épuisement, d’effort et de tension.
Impossible de m’endormir rapidement, l’adrénaline était encore trop présente, les sirènes de secours ne parviennent pas à quitter ma tête, je les entends en bruit de fond, incessantes, accompagnées des bruits d’explosion.
J’ai l’impression d’avoir vécu un film de guerre, je n’ai pas la sensation que c’était la réalité, comme si la vie s’était coupée ce matin à 10h et commençait petit à petit à reprendre son cours.
Je suis épuisée, physiquement et mentalement. Je finis par trouver le sommeil vers 1h00 du matin, mais le réveil va sonner à 6h00 : eh oui, je bosse dimanche.
J'ai fait ce #Thread non pas pr rechercher la pitié ou la compréhension, mais pour partager cette réalité de terrain difficile à percevoir pour les non initiés. Il est impossible de retranscrire parfaitement l'atmosphère de ce samedi, impossible de reproduire les sons, les odeurs
Les émotions, les craintes et les images. Sachez juste que les images que vs pouvez voir ds les médias ne sont le reflet que d'un dixième de la réalité. Ns ne cherchons pas la gloire ou la reconnaissance, ns voulons juste faire notre métier dans les conditions les plus normales.
Alors ici, je tiens à rendre hommage à tous mes frères et soeurs d'arme, CRS, GM, CI, BIVP, BAC, CSI, GSQ, VTT, BRI...Vous tous qui étiez là, vous tous qui savez. Je vous aime et vous remercie. Ce que vous avez fait, c'est GRAND. La France s'en souviendra, demain, et dans 50 ans.
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