Thread by @BB27000

Aujourd'hui je vous parle de la fois où j'ai failli faire mon dernier train.
La fois où "C'est passé pas loin".

Tread (100% histoire vraie)⤵️⤵️⤵️

9 Mars 2011
Je remonte le fameux "Train de légumes" qui roule de Perpignan à Rungis.
Mission: nourrir les Parisien de légumes et fruits frais en provenance du sud.

Il fait nuit, il est minuit passé, et je viens de passer Les Aubrais Orléans. Je traverse la gare à 100 km/h par la voie 2 (direct). Direction: Paris.

Un fois la gare dépassée, j’accélère à fond.
Objectif: envoyer mes 1500 tonnes à 140 km/h.

A moi la traversée de la Beauce!
Déjà que de jour c'est moche, alors la nuit...

Alors autant rouler à fond!

Les deux moteurs électriques de ma locomotive envoient dans les 4000 ampères.
La ventilation forcée se déclenche, signe que la loc envoie la purée.
Il faut faire "l'heure" à Rungis.

Run-Baby-run !

Jusque là, tout va bien.
Je remarque, au loin, que les signaux de la voie à ma gauche (la voie 2bis) sont au rouges.
Ca veux dire que je vais rattraper un autre train qui roule sur cette voie à mes cotés.

Et effectivement, tout là bas, je vois dans la nuit les feux de queue de convoi du 62858 .
C'est un train du privé, avec une locomotive anglaise, un conducteur français, et des wagons ... suédois.

Il transporte des palettes d'eau en bouteilles.

Un bon gros train de fret quoi.
Lent, lourd.

Il est encore loin mais lui roule à 100 kmh, moi à 140.
Le rattraper et le dépasser n'est qu'une question de minutes.

Et comme doubler un train est assez rare, je suis bien concentré.

#Banzaï

On approche d'Artenay. Sa sucrerie géante nous envoie régulièrement une fumée opaque et blanche sur la voie.

Le train à ma gauche rentre dans le nuage.
Et une poignée de seconde derrière, moi aussi.

Et là, au milieu de ce nuage, je vois le train 62858 à l’arrêt complet !!!

Dans ma tête je me dis : "Purée le freinage de trappeur qu'il m'a fait lui !"
Un train comme lui qui s’arrête en moins de 400 mètres.
Chapeau le conducteur.

Et avec la vitesse, le nuage, la nuit.
Je ne vois rien.
Je ne vois pas.

Je ne vois pas que j'ai frôlé l'accident (ou pire).

C'est que le 1er essieu du 17 eme wagons de ce train à rompu. (d'où l’arrêt très rapide)
Une partie est resté accroché, l'autre partie à glissé sous le châssis.

Les 17, 18, 19, 20, et dernier wagons ont déraillés sous mes yeux et j'ai strictement rien vu.
Pourtant, tout c'est passé à 1m50 de ma cabine.

Le demi essieu brisé est passé sous TOUS les wagons et par miracle il est resté dans sa voie.
Si il avait rebondi et était retombé dans ma voie.
Si je l'avait percuté à 140 km/h, je pense que j'aurais fait un beau vol plané avec ma BB26000.

Si si si. Et finalement non.
J'ai eu du bol. De la chance. De la moule.

Appelez ça comme vous voulez.

Du coup, n'ayant rien vu, j'ai continué et je suis arrivé à l'heure à Rungis mon terminus.
Ce n'est que le lendemain en repassant que j'ai compris que j'avais échappé au drame.

Le rapport complet de l'incident est ici.
Et les photos sont tirées de ce PDF.
bea-tt.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Rappor…

J'ai mis un ptit bout de temps à me remettre de cet événement. Et comme je me dis que ce genre de truc n'arrive jamais deux fois.

Je suis peinard. (ou pas).

Pour ceux qui me demande comment un essieux peut se brisé net. Voici la photo tirée de ce rapport.

On voit bien la fissure s’agrandir avec le temps.

C’est un rapport du BEA-TT, le TT veut dire Transport Terrestre.

C’est la version sol du BEA qui enquête sur les accidents d’avion.
Leur site regorge de rapport très technique mais qui se lisent comme un polar hyper technique pour ceux qui aime ca
bea-tt.equipement.gouv.fr

Et ils sont sur Twitter aussi @BEA_Aero