Je viens de regarder l'épisode "Travail" du documentaire d’ARTE "Travail, salaire, profit". La fin de l'épisode donne à penser que le capitalisme est intimement lié à la subordination du travail. C'est contestable : voici des éléments de débat ! ⬇️
arte.tv/fr/videos/0833…
arte.tv/fr/videos/0833…
Avant cela, voici ce qui se dit à la fin du documentaire. Christophe Darmangeat : « supprimer la subordination dans le contrat de travail c'est supprimer le capitalisme lui-même » (doc : 52 min 0s) 
Frédéric Lordon : « Le dépassement de la subordination dans l’activité collective de la production supposera nécessairement la sortie du salariat c’est-à-dire la sortie de capitalisme » (doc : 52 min 19s)
Tout se passe comme si la sortie du salariat et de la subordination impliquait logiquement la sortie du capitalisme.
Or, dans L’institution du travail Claude Didry montre que le contrat de louage d’ouvrage est la forme principale de l’exploitation au 19ème siècle.
Le contrat de louage d'ouvrage ne repose pas sur la subordination mais sur la sous-traitance en cascade entre ouvriers qui permet aux capitalistes d’échapper à leur responsabilité - de construire une concurrence féroce entre travailleurs (le marchandage).
Un aspect du combat du mouvement social a alors été d’imposer aux capitalistes de devenir des employeurs en les liants autour du contrat de travail. Paradoxalement, comme le soutient Bernard Friot, la subordination est une conquête du mouvement ouvrier.
Pour le dire autrement, le rêve du capital est justement de se débarrasser du contrat de travail (asymétrique) et de la subordination qui lui est inhérente afin de généraliser l’échange des produits du travail sous la forme de contrat commercial (d’égal à égal).
Le capitalisme de plateforme est une bonne illustration. L’objectif d’Uber est d’exploiter la force de travail sans assumer une responsabilité d’employeur.
Mais alors, faut-il dire « vive la subordination » ? Non, mais que dire ? Il faut revenir à l’une des caractéristiques centrale du capital comme rapport social de production (peu étudiée dans le documentaire) : la séparation entre le travailleur et les moyens de production.
Si la subordination n’est pas une situation satisfaisante, elle est en progrès par rapport au contrat de louage d’ouvrage et l’uberisation. La raison est simple : elle rapproche les moyens de production et le travail, elle les lie. Des pas supplémentaires sont possibles.
D’abord la proposition de codétermination issue des travaux du collège des Bernardins avec Olivier Favereau mais, plus radicalement, celle de réappropriation collective des moyens de production telle que le soutien Bernard Friot et le @ReseauSalariat .
Pour dépasser le capitalisme faut-il abolir ou développer le salariat ? Marx disait qu'il fallait l'abolir.
Mais qu'est-ce que Marx appelait "salaire" : le prix de la force de travail ou les institutions qui se sont construites (après sa mort) par la lutte autour de ce que nous appelons aujourd'hui le salariat (dont le droit du travail) ?
J’espère que le débat est ouvert !
